Pourquoi le football anglais déçoit-il autant ?

L’Angleterre a été éliminée par l’Islande dès le début de l’Euro 2016, ce qui doit nous interroger. L’équipe anglaise et le football anglais sont-ils à la hauteur de leur réputation ?

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Pourquoi le football anglais déçoit-il autant ?

Publié le 14 juillet 2016
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Pourquoi le football anglais déçoit-il autant ?
By: Matthew WilkinsonCC BY 2.0

Cela s’est atténué un peu au fil des matches, mais l’un des grands moments de cet Euro 2016 qui vient de s’achever fut le désaveu de l’Angleterre comme grande nation européenne de football. En perdant contre l’Islande, un pays ne comptant que 100 professionnels et qui sera juste après éliminé de manière magistrale par la France, l’Angleterre a à la fois surpris et déçu beaucoup de monde. Pourtant loin d’être un fait isolé, cette élimination très prématurée restera une preuve, plus que les autres, d’une tendance visible depuis longtemps : l’Angleterre a une équipe nationale surestimée, que l’on considère toujours plus forte que sa réalité. Mais quelles peuvent en être les explications ?

L’Angleterre, un palmarès footballistique bien trop faible

Même si il s’agit davantage d’une conséquence que d’une cause, il fallait tout de même revenir sur l’historique très pauvre des Anglais au plan des compétitions internationales. En effet, depuis leur victoire en coupe du monde en 1966, ils n’ont absolument rien remporté.

Cela est notamment dû à leurs très mauvais résultats dès que l’on entre dans la phase finale de chaque tournoi. Car depuis cette fameuse Coupe du monde remportée, les footballeurs anglais n’ont réussi à gagner que 6 matches à élimination directe à ce stade clé de la compétition. Ce sont donc le Paraguay en 1986, la Belgique en 1990, le Cameroun en 1990, l’Espagne en 1996, le Danemark en 2002 et l’Équateur en 2006 qui ont été les seuls pays à avoir perdu contre l’Angleterre en match à élimination directe depuis 1966. Très peu de grandes nations donc, à part l’Espagne qui avait, alors, un pedigree assez semblable au leur.

Si nous comparons tout cela avec l’Allemagne, le plus grand rival des Anglais, leur palmarès devient encore plus triste. Tandis que, en 50 ans, ils gagnaient seulement 6 matches en phase finale, les Allemands, eux, remportaient autant de titres majeurs (3 Coupe du monde et 3 Championnat d’Europe).

Étudiés de plus près, ces résultats nous montrent une équipe d’Angleterre se situant au même niveau qu’une nation comme la République Tchèque. On peut donc en conclure qu’elle est internationalement une équipe de seconde zone, constat particulièrement étonnant pour un pays qui a inventé ce sport, et a toujours eu l’une des ligues les plus fortes au monde.

Un manque de technique dans le football anglais

Beaucoup ont fait le constat, notamment outre-manche, que les joueurs anglais posséderaient des capacités techniques inférieures à leurs équivalents européens. Le style de jeu qu’ils pratiquent est souvent réputé pour son aspect rapide et physique.

Carlos Alberto, capitaine de l’équipe brésilienne, l’a plutôt bien résumé lors de leur victoire en coupe du monde 1970, : « Les compétences techniques comme dribbler, bien se déplacer, choisir la bonne passe sont la clé pour battre l’adversaire, mais on ne voit jamais ça quand on regarde les Anglais jouer, leur style de jeu est toujours le même… Ils ne changent jamais, ils n’improvisent jamais et ne s’améliorent jamais. Ils font un centre dans la surface et essayent de marquer de la tête, mais ils ont besoin de plus se concentrer sur leurs capacités techniques. »

Un constat sans appel que l’on peut retrouver dans leur championnat : il est assez évident que les matchs de série A ou de la Liga sont bien plus techniques et tactiques que ceux de Premier League. L’entraîneur italien Marco Tardelli dira même des Anglais qu’ils ne comprennent rien à la tactique.

L’enfermement anglais

Pourquoi l’Angleterre n’a-t-elle pas absorbé les différentes avancées tactiques et techniques du football européen ? L’arrogance et l’ethnocentrisme du peuple anglais peuvent en être la cause.

Il a inventé et codifié ce jeu. Il a, avec l’Écosse, la plus vieille équipe de football internationale au monde. Par ailleurs, n’oublions pas qu’il a montré son hostilité initiale à l’idée d’une Coupe du monde, en n’y participant pas jusqu’en 1950 ; avec, en arrière-plan, cette pensée que le football anglais n’a pas grand chose à apprendre du reste du monde.

Ce n’est que dans les années 1990, avec la fondation de la Premier League et l’afflux de joueurs étrangers, que les méthodes ont progressivement évolué. Barry Davies, commentateur sportif de la BBC, pense que l’Angleterre est devenue une « victime de sa propre très riche histoire ».

La Premier League, symptomatique du football anglais

Si la Premier League est la ligue la plus suivie, celle qui rapporte le plus d’argent au monde et attire certains des plus grands joueurs de football, c’est peut-être davantage un gage de qualité qu’un défaut pour leur équipe nationale.

En effet, la très forte représentation de joueurs étrangers dans ce championnat aboutit à ce que seulement 35% des sportifs de Premier League sont Anglais. Par conséquent, les opportunités pour de jeunes natifs de montrer leur talent restent limitées. La tendance des clubs à privilégier l’importation de joueurs étrangers « prêts à jouer » au lieu de former leurs propres footballeurs anglais dans leurs équipes est d’ailleurs souvent critiquée. Une pratique non partagée par l’Allemagne ou l’Espagne, qui laissent une grande place aux sportifs locaux pour jouer dans leurs ligues.

Une des autres critiques récurrentes contre la Premier League est relative au fait qu’elle relève de la compétence de la Fédération Anglaise. Critiquée pour son amateurisme et son manque d’organisation, elle est notamment conspuée pour sa gestion de la « trêve hivernale ». En effet, en Premier League, le calendrier ne propose aucune semaine de repos, notamment à cause du Boxing Day, jour de match de championnat ayant lieu le lendemain de Noël, et qui attire un nombreux public ; ce calendrier épuise ainsi fortement les joueurs, dont la condition physique lors des championnats internationaux se trouve être clairement inférieure à celle des joueurs évoluant en championnats et pratiquant la trêve hivernale ; comme la Liga, la Série A, la Ligue 1 ou la Bundesliga.

Un manque de mental

Le manque de mental des joueurs sélectionnés pourrait également expliciter cette situation. L’un des exemples les plus évidents est leur réussite aux séances de tirs au but, sachant que l’équipe anglaise est l’une des pires au monde dans cet exercice, avec une seule victoire pour sept tentatives.

Mais ce manque de mental peut aussi se constater sur le terrain. Les Anglais sont souvent méfiants dans leur jeu et ne prennent que très peu de risques avec la balle. Les joueurs semblent également être moyennement enthousiastes lorsqu’ils enfilent le maillot de leur équipe.

Les espoirs que la nation porte en eux, et le poids de leur histoire paraissent très lourds à endosser. Les attentes sont souvent surréalistes, et chaque tournoi amène une ferveur qui se voit finalement très souvent brisée par une évitable sortie de compétition trop prématurée.

Peut-être est-ce le moment pour le public anglais de prendre conscience que l’équipe nationale n’est pas vraiment en position majeure du football mondial, et donc de ne plus l’encenser en tant que telle.

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  • Les clubs de premier league ne sont pas non plus les meilleurs au monde, rien à voir avec Madrid, Barça, Bayern,Juve ou Atletico, leurs résultats en coupe d’Europe sont devenus mauvais. Donc ils n’ont ni ceci ni l’équipe nationale. Ca fait beaucoup

    • Oui, ce qui me surprend toujours c’est la surprise des médias lorsque les mauvais résultats anglais se confirment. Que les médias anglais se plantent, parce qu’ils sont sur leur île, parce qu’il y a du bon business, parce qu’ils sont portés par la ferveur locale… ok, mais pourquoi les médias français nous bassinent-ils eux aussi avec les équipes anglaises ? je ne comprends pas.

  • À ceci s’ajoute que les footballeurs british n’intéressent pas les grands clubs européens, à l’opposé du basket français dont on voit combien il bénéficie de l’apport de ses expats américains.
    Il y a probablement un manque de formation initiale de qualité.

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