Le discours d’Emmanuel Faber à HEC : une lecture libérale.

Et si Emmanuel Faber, le directeur général de Danone, tenait en fait dans son discours à HEC un message libéral ?

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Le discours d’Emmanuel Faber à HEC : une lecture libérale.

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 9 juillet 2016
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Par Nethanel Freeman.

Démission du PdG de Danone : une lecture libérale
By: Paxá SupermercadoCC BY 2.0

Lors de la cérémonie de remise des diplômes d’HEC Paris de 2016, le PDG de Danone Emmanuel Faber (Grande École promotion 1986), a tenu un discours qui, selon les médias traditionnels, allait à rebours des enseignements de l’École, ou tout du moins l’idée que le citoyen moyen se fait de ce qu’on peut apprendre à HEC Paris.

Les réactions furent diverses et variées : certains se sont émus du récit relatif à son frère schizophrène, d’autres se sont étonnés voire offusqués d’entendre un discours de gauche, prônant la justice sociale et des valeurs humanistes de la part d’un patron représentant  le capitalisme mondialisé et la recherche du profit permanent, Danone.

Monsieur Faber fustige l’argent, le pouvoir et la gloire. Il critique la main invisible d’Adam Smith, chère aux libéraux. Cependant, ces réactions et analyses souffrent d’une grille de lecture biaisée et d’une méconnaissance profonde du libéralisme et des valeurs que l’on peut y trouver. L’objet de cet article est sinon de le prouver, au moins de questionner le lecteur qui s’y risquera.

Justice sociale

À mi-chemin environ du discours, le couperet tombe : « l’enjeu de la globalisation, c’est la justice sociale ». Ce concept de justice sociale a été discuté notamment par Friedrich Hayek et une des acceptions du concept peut être totalement libérale, si l’on considère qu’il s’agit non pas de la redistribution, qui est communément utilisée, mais plutôt de justice qui s’appliquerait équitablement aux individus, quels qu’ils soient. En effet, il est clair que si l’on souhaite une véritable justice sociale, la redistribution forcée n’a aucun sens, car cela reviendrait à amoindrir la richesse de ceux qui l’ont acquise légitimement sans la prendre à d’autres, une punition injuste en somme.

La seconde critique du libéralisme, encore, que fait Emmanuel Faber, concerne l’érection de murs autours des pays, des Nations. Une oreille attentive aura relevé deux choses : d’abord, il ne cite que des États ou des entités supra-étatiques. Surtout, ses choix se portent sur ceux qui sont parmi les plus protectionnistes du monde, à savoir les État-Unis, l’Arabie Saoudite (qui, rappelons-le, interdisait jusqu’en 2014 l’accès à son territoire aux Juifs) et l’Europe. Le libéralisme abhorre le protectionnisme et si certains libéraux acceptent qu’il y ait des frontières, il s’agirait uniquement de murs de sécurité, de protection des populations, et non pas une volonté de frein économique.

Si l’on poursuit plus loin, on trouve ce passage qui ferait à première vue plaisir à tout étatiste ou planiste qui se respecte :

« On vous a dit qu’il y avait une main invisible, et il n’y en a pas. Ou bien peut-être qu’elle existe, mais elle est plus handicapée que l’était mon frère. Elle est cassée. Il n’y a que vos mains, mes mains, toutes nos mains, pour changer les choses et les rendre meilleures. »

Pour autant, il ne fait aucun doute que l’on est ici en présence d’un passage on ne peut plus libéral. Emmanuel Faber dit qu’il n’y a pas de main invisible, puis se rétracte. Rapidement, il se corrige et nuance son propos, de peur que celui-ci soit mal compris. Et finalement conclut que la main invisible existe mais qu’elle est handicapée, cassée. Il s’agit d’une critique libérale classique de l’intervention de l’État, qui par ses réglementations incessantes, son ingérence constante dans les affaires privées tant sur le plan moral qu’économique, bride l’innovation et l’initiative des individus. Cette bride handicapante empêche cette main de fonctionner correctement, créant des aberrations telles que l’existence d’emprunts à taux négatifs du fait de réglementations bancaires ou assurantielles (Bâle III, Solvabilité II). Le doute n’est plus permis quand il en appelle aux mains de chacun pour changer le monde. Aux mains de chacun des individus présents dans l’auditoire. Un libéralisme décomplexé, en somme.

Contre l’argent

Pour terminer son discours, Emmanuel Faber met en garde contre l’argent, le pouvoir et la gloire. La critique de l’argent et de sa mauvaise compréhension/utilisation est présente dans la tradition libérale. Sans entrer dans le détail des deux derniers (la critique du pouvoir, politique notamment, est intimement liée à la tradition libérale), le sujet du rapport à l’argent et de sa mauvaise compréhension/utilisation est présent dans la tradition libérale.

On peut noter le pamphlet de Frédéric Bastiat, Maudit Argent qui, explique la différence fondamentale entre richesse et argent, entre moyen et fin, expliquant que ce qui compte véritablement, ce sont le travail et l’échange. Ainsi, amasser de l’argent et le laisser dormir sous le matelas n’a aucun sens dans la tradition libérale. Seule son utilisation, dont l’épargne bien gérée fait partie, lui donne un sens.

Finalement, que retenir de ce discours ? Une leçon de libéralisme que beaucoup n’ont pas comprise. Une étude lexicologique de ce dernier pourrait le confirmer aisément. Cela provient, sans doute, d’une trop pauvre culture libérale et d’une méconnaissance de ce que le libéralisme peut impliquer. Une mise en évidence que nombre de médias font l’impasse de l’analyse profonde afin de satisfaire un besoin d’immédiateté sans le moindre début de réflexion, de tentative de prise de hauteur sur un sujet étonnant, en apparence tout du moins.

Laissons à Emmanuel Faber le dernier mot pour conclure cet article :
« Ne soyez pas esclaves de l’Argent, soyez LIBRES ! »

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  • « il est clair que si l’on souhaite une véritable justice sociale, la redistribution forcée n’a aucun sens, car cela reviendrait à amoindrir la richesse de ceux qui l’ont acquise légitimement sans la prendre à d’autres, une punition injuste en somme »

    Au contraire, la main invisible enseigne qu’une libre compétition d’acteurs égoistes est efficiente dans la création de richesse.

    Mais dans cette compétition, tout le monde ne part pas sur la même ligne de départ. Entre le fils à papa propriétaire à 30 ans et celui qui arrive dans la vie active avec 50 000€ de dettes étudiantes, sans parler des problèmes de santé héréditaires ou accidents de la vie, la propension à entreprendre sa vie ne peut pas être la même pour tous.

    D’où une main sérieusement handicapée, et même de plus en plus du fait de la concentration des richesses.

    • Quelle découverte ! Mais ce ne sont pas des inégalités, ce sont des différences que nous avons à la naissance. Un croissant n’est pas inégal par rapport à un pain au chocolat : il est différent. Il y a égalité de chances mais il n’y a pas égalité de résultat car chacun exploite ses talents différemment et il en est responsable : rien n’arrive tout cuit.

      A la naissance il n’y a pas de victimes, il n’y en a que pour ceux qui se croient victimes ou qui se plaisent à faire de la victimisation. La mobilité sociale existe, ça pourrait certes être mieux si l’état ne mettait pas de barrières, mais si un y est arrivé c’est que tous peuvent y arriver.

      « ….celui qui arrive dans la vie active avec 50 000€ de dettes étudiantes… »
      S’il a une dette c’est qu’il a choisit de se différencier : faire des études pour avoir un meilleur salaire et c’est donc un investissement. On notera quand même que ce montant de 50,000€ est très important, qu’il ne reflète pas la réalité et d’aucune nécessité en france. Quant aux USA c’est déjà un montant important puisque la moyenne de la dette étudiante est de $25,000. Mais même si, 50,000€ c’est rien si cela vous permet de gagner 2,000€ de plus par mois sur une vie. Si ça ne le permet pas alors c’est un investissement inutile et seul celui qui a pris cette décision est responsable.
      On investit beaucoup pus dans un logement et pourtant celui-ci n’est pas susceptible de rapporter autant.

      Sur les handicaps à la naissance, c’est la solidarité qui doit fonctionner. Mais vu les sommes dépensées pour forcer l’égalité dans d’autres domaines entre des personnes qui n’en ont vraiment pas besoin, il n’en reste plus assez pour ces vrais handicapés : près d’1 français sur 2 touchent des aides ; y aurait-il 50% d’handicapés ?

      Sur la concentration des richesses : rien ne se crée sans accumulation du capital pour investir et pour produire. La richesse dont vous parlez c’est dans près de 100% des cas des moyens de production. Lisez les articles de CP et vous verrez que 80% des « riches » le sont par leur travail propre et non par héritage.

  • Tout-à-fait d’accord avec Tigrou…Etant moi-même présent à cette remise de diplômes, j’ai pu constater que les différences de moyens financiers des différents spectateurs avaient permis aux plus fortunés d’outrepasser les limites du règlement imposé à chacun grace à paiement  » en douce » ( 2 personnes autorisées par étudiant, mais rachat à prix fort auprès de personnes ne pouvant participer pour permettre à touts les membres de la famille de venir assister à la cérémonie. Mes revenus ne m’auraient pas permis cette « fantaisie », et je m’y serais refusé par honnêteté.)
    Mais c’est vrai que l’intervention de monsieur Faber est pleine de doubles sens…De l’humaniste, c’est sûr ( et quand bien même ce serait du socialisme, il y a aussi du socialisme intelligent et efficace, comme pour le libéralisme)., et une incitation au libéralisme, bien que le libéralisme sans un minimum de contrôle n’a pas été une franche réussite…Allez voir  » ceux qui se lèvent tôt, ou qui sont dans la misère en ayant les mains liées par leur employeur, cela existe aussi, mais à voler dans des sphère trop haute, certains en oublient de regarder le  » bas peuple » qui fait ce qu’il peut et souffre parfois de ce libéralisme à tout crin qui ne profite qu’à une partie de la population!

    • Quoi ? Vous fustigez le fait qu’un marché se soit mis en place pour revendre des places lors d’une cérémonie de remise de diplôme… alors qu’en final ce marché ne peut profiter qu’à enrichir ceux qui ont moins de moyens. Là je ne comprends pas !

      S’il y avait du socialisme intelligent ça se saurait.
      Vous nous parlez de libéralisme avec des salariés qui ont les mains liées… un peu de cohérence svp. Il n’y a pas de libéralisme en france.
      Une cuillère de m3rde dans un bol de soupe, ça fait un bol de m3rde… pas un bol de soupe.

      • Ces places n’ont pas été vendues par des gens qui avaient peu de moyens, mais par des gens qui ne pouvaient pas venir, cela n’a rien à voir, ceux qui se sont enrichis ne manquaient pas forcément de moyens.Vous avez interprété mon propos! Quant au socialisme, je ne crois pas qu’il y en ait en France, le système politique étant peu différent d’un pays à l’autre en Europe occidentale. Et pour ce qui est du vrai libéralisme, si ce système fonctionnait, ça se saurait…Demandez aux laissés pour compte!

  • Monsieur Freeman,

    Mes félicitations pour cette lecture originale du discours de M. Faber. Il est vrai que les médias « classiques » ne prennent pas le temps de proposer une vision à contre courant.

    Cependant, cette nécessité de voir les choses d’un autre oeil ne doit pas, à mon sens, avoir la primauté sur le devoir de chercher ce que M. Faber a vraiment voulu dire. En l’occurrence, mon impression est que vous avez voulu lui faire dire des choses qu’il n’a pas dit.

    Certes M. Faber, comme patron du CAC 40, doit avoir une certaine sensibilité pour le libéralisme. Mais je doute fortement que son discours soit une défense partisane de ce courant. Il me semble qu’il veut alerter l’opinion sur les dérives qu’entraîne un modèle économique dirigé par le seul commandement du « maximize shareholder value », au mépris de l’humain.

    Quand il dit que la main invisible est handicapée, je ne pense pas que ça soit pour critiquer les interventions malhabiles de l’Etat, mais pour dire que l’équilibre théorique qui se fait dans un marché économique et qui donne le juste prix aux choses n’est qu’un modèle qui s’applique d’autant moins bien quand certains acteurs économiques restreignent leur activité au seul aspect financier, ne se souciant pas du but social. Je ne vois pas en quoi cela est un discours libéral.

    D’autre part, quand vous parlez de la critique de l’érection des murs qui serait le symptôme indubitable d’un discours libéral, je pense pour ma part qu’il s’agit davantage de montrer comme une économie qui ne se soucie pas de l’humain conduit irrémédiablement à vouloir se couper de son frère d’humanité pour profiter égoïstement de son confort.

    Enfin, il n’est pas étonnant que des penseurs libéraux aient pensé le rapport à l’argent et sa bonne utilisation. Qui ne l’a pas fait ? Une fois de plus, utiliser un rapprochement aussi grossier pour assimiler le discours de M. Faber à une éloge du libéralisme me semble trop rapide. Quand il dit « ne soyez pas esclaves de l’argent, soyez libres », au-delà de la proximité phonique entre « libre » et « libéralisme » que vous semblez suggérer comme argument ultime à votre article, je pense que M. Faber dénonce simplement l’idolâtrie de l’argent qui aliène, dans la plus pure tradition chrétienne.

    Cher Monsieur, je sais bien que lorsque l’on évolue dans un milieu pédagogique comme le votre il est difficile de s’arracher de ses principes fondateurs mais je suis sûr que vous êtes en mesure de le faire. Courage !

    • @Marc:

      Merci pour votre commentaire.

      Avant de vous faire une réponse peut-être plus complète, vous serait-il possible de m’indiquer ce que vous entendez par « je sais bien que lorsque l’on évolue dans un milieu pédagogique comme le votre il est difficile de s’arracher de ses principes fondateurs mais je suis sûr que vous êtes en mesure de le faire »?

      Je trouve 2 significations possibles, antagonistes, qui changent complètement la teneur du commentaire. Vous serait il possible de m’éclairer sur ce point?

      • Ne voyez aucune animosité dans ce propos, au contraire ce serait plus de la compassion. Ma soeur enseignante en économie et sociologie en classe préparatoire m’a appris récemment que dans ses cours il fallait exposer les théories classiques de l’économie sans trop les remettre en cause, au risque d’être épinglé par l’inspection pour des cours trop « partisans ». Je suis donc conscient qu’en tant qu’étudiant en finance à HEC, vous avez sûrement suivi des cours « cohérents » qui présentent les modèles économiques libéraux comme plutôt justes et satisfaisants. Dans le propos que vous me demandez d’éclaircir, je tente simplement de trouver une raison qui vous ait poussé à avoir mené un tel raisonnement. Je pense en effet que votre jugement est fortement conditionné par les théories érigées en principes dans les écoles de commerce.
        Mais je vous concède que ces considérations sont fort éloignées du sujet principal de votre article et mes connaissances sont très approximatives. Je reconnait que je peux tout à fait me tromper pour cela.

        La teneur principale de mon commentaire était plutôt de remettre en cause, pousser à bout votre article qui m’a intéressé par son originalité et de voir si derrière les rapprochements qui m’ont paru trop rapides il y a de vrais arguments, solides.

        Au plaisir de vous lire !

        • Puisque vous vous proposez de donner une réponse plus complète, j’en profite pour relever un point supplémentaire qui m’a paru être une mauvaise interprétation de votre part et sur lequel j’aimerais avoir vos explications.

          Vous dites  » Le doute n’est plus permis quand il en appelle aux mains de chacun pour changer le monde. Aux mains de chacun des individus présents dans l’auditoire. Un libéralisme décomplexé, en somme. »

          Je pense que vous passez à côté du message de M. Faber. Quand il dit qu’il ne faut pas croire en la main invisible mais qu’il ne faut compter que sur ses propres mains, il me semble que M. Faber enjoint son auditoire à ne pas se cacher ses futurs cas de conscience derrière les théories économiques enseignées mais qu’au contraire, il doit agir en âme et conscience quand il aura des décisions importantes à prendre.

          • Merci d’éclairer ma lanterne.

            Je vais tenter de déminer tout de suite vos a priori: je n’ai pas fait de classes préparatoires pour les Ecoles de Commerce mais plutôt Maths Sup/Maths Spé (cf « ingénieur & étudiant en finance »). Ma culture économique s’est faite en autodidacte, par des lectures liées à la préparation du concours d’entrée à HEC, et des suggestions de camarades suite à mon entrée à l’Ecole. De fait, il n’y a aucun biais dans ma formation, lors de laquelle j’ai tenté d’avoir un spectre de lecture éclectique.
            De plus, dans mes cours à HEC, je n’ai pas souvenir d’avoir eu, de près ou de loin, des cours sur des modèles économiques que vous semble décrier. Autant d’éléments qui montrent que non, mon jugement n’est pas conditionné par les enseignements de l’Ecole. Vous seriez étonné de voir les différences d’opinion qu’on peut trouver à HEC, des anarcho-capitalistes aux marxistes, en passant par les traditionnels « gauche-droite ».

            Du reste, l’objet de cet article est de montrer que face à un discours que tout le monde considère être à rebours du monde des affaires d’aujourd’hui (que nombre de « commentateurs » lient au libéralisme, au « néo libéralisme » (sic) ou encore à l’ « ultralibéralisme » (sic) ), n’importe quel libéral qui se respecte pourrait se retrouver sans problème dans les termes employés. Il s’agit d’une interprétation que je fais à titre personnel, je ne prétends pas qu’elle serait « la bonne » ou que M. Faber serait libéral, loin de là. C’est en ce sens que j’ai écrit « L’objet de cet article est sinon de le prouver, au moins de questionner le lecteur qui s’y risquera. »

            • Cher Monsieur,

              Je suis heureux d’apprendre qu’il se trouve une grande diversité d’opinions à HEC et que votre formation n’a pas introduit trop de biais dans votre jugement.

              Concernant l’article, que le terme de libéralisme soit utilisé à mauvais escient par les commentateurs, sûrement. Je vous suis là-dessus. Mais pour l’instant mon accord avec vos propos s’arrêtent là.

              Que vous ayez pris les précautions d’usage pour indiquer que votre article exprimait votre opinion, c’est très bien. Et bien entendu nous sommes là pour tenir un dialogue constructif où par un échange nous nous instruisons l’un l’autre, sur un pied d’égalité. Vous avez exprimé votre opinion, j’ai pointé ce que je trouvais erroné, à vous maintenant de faire avancer la discussion et d’apporter vos explications sur ces points là. Si vous êtes convainquant je serai acquis à votre opinion, mais il faut y mettre les moyens.

              Ainsi, quels sont vos arguments pour défendre votre interprétation concernant les points que j’ai relevés (main invisible comme intervention de l’état, érection des murs, pensée du rapport à l’argent, appel à utiliser ses mains, injonction à être libre, comme symptômes de libéralisme) ?

              Enfin, si je me permets de vous faire ces remarques, c’est parce que j’ai lu récemment « Chemins de travers, vivre l’économie autrement » livre de M. Faber dans lequel il explique très bien sa pensée de l’économie. Je vous le recommande chaudement, j’ai trouvé ça brillant !

              • Je prends note.

                Concernant vos points:

                – la shareholder value: les médias critiquent souvent la distribution de dividendes. Cela fait partie également de ce qu’on m’a enseigné, mais pas pour les mêmes raisons. Il s’agit plutôt du fait que la distribution ou non de dividendes doit se faire selon des critères assez précis, pour que ces derniers soient « légitimes » d’un point de vue financier de l’entreprise. Sinon, d’un point de vue libéral, nous sommes d’accord aussi: le fait de maximiser un shareholder value à court terme, au détriment des forces humaines de l’entreprise, n’a pas de sens puisque sur le long terme l’entreprise périclitera (dans un marché de concurrence libre et non faussée). Donc si vous pensez qu’il le dit dans ce sens là, on reste dans le domaine du libéral.

                – pour la main invisible: ce concept a un pendant économique et un pendant social. C’est un moyen pour atteindre une société prospère. Les effets sur le social sont donc une conséquence de cette dernière. Le principe de la main invisible ne peut fonctionner dans une concurrence contrainte et faussée, notamment par l’Etat et les capitalistes de connivence, qui fricotent avec les politiques ou des lobbys pour empêcher justement cette concurrence. Dès lors oui on ne peut espérer avoir la moindre main invisible efficace tant que cette situation perdurera. A noter que sur le long terme, l’effet de la main invisible sur les acteurs économiques sera justement de la renforcer, en supprimant les barrières étatiques.

                – érection des murs: là je ne vois pas trop où vous voulez en venir. Les murs érigés pour des raisons de protectionnisme sont des aberrations. Le « protectionnisme » envers l’étranger immigré (mes parents l’ont été) ne fait que masquer la médiocrité de ceux qui l’utilisent. Pour s’en convaincre se référer à ceci: « Of course foreigners steal your job, but maybe, if someone without contacts, money, or speaking the language steals your job, you’re shit. » ~ Louis C. K. » De fait, je ne vois pas en quoi mon interprétation (sans connaissance a priori des intentions profondes de M. Faber) serait fausse.

                – Pour l’Argent: j’aurais pu citer du Simmel ou même du Molière et sa critique dans l’Avare. Mais parlant ici de libéralisme, il me fallait bien montrer que les auteurs libéraux se soucient également du mauvais usage que l’on peut faire d’une accumulation de capital sans volonté d’investissements derrière.

                – proximité phonique: il ne vous aura pas échappé que le libéralisme s’inscrit dans l’idée que l’individu libre peut toujours mieux faire « seul » (en décidant lui même librement) que si l’Etat l’avait contraint à faire ceci ou cela. Donc oui, quand quelqu’un me dit « sois libre », je regarde quelle philosophie/ »idéologie » politique, économique, éthique ou « morale » se rapproche le plus de cette notion, et la seule que je trouve qui satisfasse ce critère c’est le libéralisme.

                – les mains: la « main invisible » est l’agglomérat de toutes les mains individuelles. Elle ne fonctionne évidemment pas si tout le monde s’arrête de travailler. Tout au contraire, je trouve que votre interprétation de ce passage relève de la surinterprétation.

  • Bonjour,

    Je suis désolé de m’inscrire en faux par rapport à votre article, mais à mon sens, il vous manque une clé de compréhension majeure de ce qu’Emmanuel Faber a voulu dire.
    Emmanuel Faber est un qui n’a jamais fait mystère de sa foi catholique. C’est un fait, bien renseigné. On peut difficilement douter qu’il ne soit qu’un catholique de façade, quand on lui connaît des temps pris pour s’occuper des malades et des déshérités, en France ou à Calcutta, en Inde.
    On peut alors se risquer au postulat suivant : son discours serait avant tout un discours profondément chrétien. Il ne s’agit pas de bannir tout argent de sa vie, mais de faire un instrument de ce bon serviteur mauvais maître.
    Peut-être également fustige t-il amèrement le libéralisme? C’est bien à celui-ci, débridé, que l’on doit les multiples magouilles et escroqueries qui font le quotidien du monde de la finance d’aujourd’hui, un monde où la confiance n’existe plus qu’en façade? Ce même libéralisme en économie qui permet tout, et entraîne des crises sans fin par manque de régulation de la part de l’Etat, lui faisant dire alors que la main invisible du marché ne peut plus fonctionner correctement, toute lestée qu’elle est par les multiples excès d’une oligarchie se repaissant d’une manne illimitée et virtuelle…
    Peut-être cherche t-il a dire une seule chose : que l’argent et l’entreprise ont été faite pour servir les être humains et leur plus grand bien, et non l’inverse. Peut-être cherche t-il à témoigner à sa mesure que rien ne sert de rendre le monde inhumain, qu’il nous a été confié en partage à nous les hommes pour un temps seulement, et que nous devrons le rendre à la génération future.
    Peut-être également a t-il voulu prendre un lexique volontairement tourné vers le monde de l’entreprise parce qu’il en fait partie, et que s’il veut que le message soit compris il lui faut s’exprimer comme le comprend son auditoire.

    J’espère que ce commentaire aura (peut-être?) servi à faire voir chaque élément de son discours d’un oeil nouveau.
    A tout prendre, je ne puis que vous recommander chaudement de vous renseigner quelque peu sur la doctrine sociale de l’Eglise, sa genèse et ses idées, puis de regarder à nouveau le discours une fois que vous l’aurez bien en tête.

    Bien cordialement,

    • Bonjour,

      Ceci devrait être suffisant pour vous répondre: Il s’agit d’une interprétation que je fais à titre personnel, je ne prétends pas qu’elle serait « la bonne » ou que M. Faber serait libéral, loin de là.

      Sinon, votre paragraphe commençant par « Peut-être également fustige t-il amèrement le libéralisme?  » est assez hallucinant. Si vous êtes capable de sortir un tel non-sens tout en étant lecteur de Contrepoints, soit vous avez tout mal lu, soit vous venez de débuter votre périple dans la pensée libérale. J’ose espérer que l’on est dans la 2e catégorie, celle où il reste encore de l’espoir.

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