Pourquoi les Français épargnent-ils autant ?

Les Français ont tendance à garder leurs revenus épargnés sous forme liquide plutôt qu’à les investir pour permettre aux entreprises de se développer et d’embaucher.

Partager sur:
Sauvegarder cet article
Aimer cet article 0

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Pourquoi les Français épargnent-ils autant ?

Publié le 8 juillet 2016
- A +

Par Jacques Garello.

Pourquoi les Français épargnent-ils autant ?
By: ozalee.frCC BY 2.0

De tous temps les Français ont été les champions européens de l’épargne : entre 14 et 16 % de leurs revenus disponibles (après impôts et prélèvements sociaux). Mais que font-ils de leurs économies ? Ils ont tendance à les garder sous forme liquide plutôt qu’à les investir pour permettre aux entreprises de se développer et d’embaucher. Même quand elle ne rapporte rien l’épargne française reste désespérément oisive. Il faudrait peut-être se demander pourquoi : allez donc voir du côté de la fiscalité et du dirigisme !

L’épargne cause de la crise ?

La querelle poursuivie au début du XIXe siècle entre Malthus et Jean Baptiste Say s’est prolongée entre Keynes et Friedman au milieu du XXe. Pour l’un la « préférence pour la liquidité » est sans limite et déraisonnable, pour l’autre la demande réelle de liquidité est toujours stable en fonction du revenu permanent. Pour l’un la « trappe monétaire » engloutit et stérilise l’épargne dès que le taux d’intérêt des placements atteint un niveau trop bas, pour l’autre le taux d’intérêt n’a pas de raison de baisser si la masse monétaire s’accroît régulièrement « rien n’est moins important que la monnaie…quand elle est bien gérée ». Forçons le trait : s’il y a crise, c’est parce qu’il y a des riches qui ont trop d’argent (Keynes), ou c’est que les banques centrales créent plus de monnaie que ce dont les gens ont besoin (Friedman).

Le taux zéro

epargne rené le honzecDans la conjoncture actuelle, ce qui est le plus surprenant est que les keynésiens qui inspirent la politique monétaire « active » s’acharnent à émettre de la monnaie sans limite et à abaisser le taux d’intérêt au point qu’il devienne nul, voire négatif. Les Banques Centrales (Fed ou BCE) font un double calcul : d’un côté les épargnants gorgés de liquidités vont certainement se tourner vers des placements rentables et productifs de nature à relancer l’emploi ; d’autre part, les opérateurs sur le marché financier ont davantage de moyens d’orienter l’épargne quand la matière première de leur métier, l’argent, coûte moins cher. Wall Street aime « l’aisance monétaire ».

Mais le double calcul est apparemment déjoué : d’une part, l’abondance de liquidités oriente les financiers vers des placements qui peuvent être purement spéculatifs ; d’autre part, les épargnants peuvent s’alarmer des risques que font courir des placements financiers.

De plus en plus d’épargne liquide

Forme d’épargne la plus liquide (à l’exception des billets), les dépôts à vue ont représenté 30 milliards d’euros en 2015, alors qu’ils étaient en solde négatif en 2012 ; ils ne rapportent rien, sinon les « commissions de mouvements » prélevées par les banques. Mais il faut dire qu’à l’inverse, en 2012, les livrets A attiraient 50 milliards d’euros alors qu’en 2015, 15 milliards en ont été retirés. C’est que le taux d’intérêt a été réduit à néant (0,75%), ce qui a discrédité le livret en dépit de l’exemption fiscale dont il jouit, et de la totale garantie du capital placé. Restent cependant 260 milliards d’euros sur les livrets A. Au total, l’épargne liquide et sans risque représente 1.400 milliards. Par comparaison, l’épargne risquée, notamment en actions, en unités de compte d’assurance-vie représente 1.700 milliards, soit à ce jour moins de 40 % de l’épargne totale. On peut imaginer ce que représenterait pour les entreprises un transfert d’une partie des liquidités vers des placements « risqués ».

Le poids de la fiscalité et de l’insécurité

Le transfert ne se fait pas à cause du risque fiscal de tels investissements. Une étude récente (IREF) établit que si les impôts sur les sociétés (IS) sont en France proche de la moyenne européenne (2% du PIB), la somme de l’IS et des prélèvements payés par les actionnaires sur leurs dividendes met la France largement en tête : 65 % des profits réalisés (contre 55% pour les salaires bruts perçus).

Entre épargne investie en entreprises et épargne liquide se situe enfin l’assurance vie et les plans et comptes d’épargne logement (PEL et CEL), qui ont représenté une collecte de 40 milliards en 2015, alors qu’ils avaient diminué de quelque 10 milliards d’euros en 2012. Ils représentent aujourd’hui 2.000 milliards. Leur hausse a été spectaculaire, elle s’accentue au fur et à mesure que les doutes pèsent sur l’avenir des retraites. La rentabilité est faible (1,27 % pour les PEL et 0,63 pour les CEL) mais la garantie est totale. Quant aux assurances-vie, longtemps privilégiées par le fisc, elles sont estimées trop rentables maintenant par les pouvoirs publics : moins de 2 % net !

On pourrait cependant se rassurer en sachant que l’épargne des livrets A est recyclée par la Caisse des Dépôts et Consignations qui la gère. Mais la Caisse finance essentiellement le logement social, dont on peut se demander s’il augmente ou diminue la croissance générale ! La création de la Banque d’investissement Public est aussi une manière de gaspiller l’épargne française. De la sorte, on se demande quelle est la meilleure formule entre épargne oisive, épargne pénalisée et épargne gaspillée.

Sur le web

Voir les commentaires (5)

Laisser un commentaire

Créer un compte Tous les commentaires (5)
  • Quelle question !!!
    C’est parce que les français ont une confiance aveugle dans les capacités de leur système politique à leur assurer un avenir serein … droite et gauche confondues

  • avec un gouvernement de pignoufs capable d’imposer rétroactivement des heures sup et une mutuelle , champion de la taxe et de la dépense de l’argent des autres , le français a plutôt interêt à assurer ses arrieres. et ‘c’est pas fini ..en 2017 on prend les mêmes et on recommence.

  • “La BPI, autre manière de gaspiller l’épargne française” ? L’auteur pourrait-il développer un peu plus (avec quelques arguments) ,
    Merci

  • Epargne ,

    Savez vous que quand vous achetez un bien immobilier , la partie du Kapital que vous remboursez via vos mensualités devient de l’épargne , même si vous habitez ce bien immobilier , par exemple …ce qui me semble fortement relativiser la mobilité , voire existence même de l’épargne…

  • “Pourquoi les Français épargnent-ils autant ?”
    Ce doit être le résultat de l’immense confiance (apparemment justifiée) qu’ils portent dans les gouvernements et les institutions qu’ils subissent, ainsi que dans le système bancaire, le tout représentant la promesse d’un avenir radieux … C’est bien ça, non ?

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Le ministre de l’économie et des finances, Éric Lombard, ancien directeur général de la Caisse des dépôts, vient d’annoncer la baisse probable du taux du livret A, actuellement à 3%, autour des 2,5%. Formellement, il attend la proposition du Gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, pour préciser le chiffre, mais la baisse ne fait pas de doutes, selon le ministre… qui sait déjà ce que dira le Gouverneur !  Au-delà des apparences et des affirmations, il y a là une nouvelle mesure arbitraire de l ‘épargne administrée.

... Poursuivre la lecture
3
Sauvegarder cet article
A l’image de l’impôt sur les portes et fenêtres sous la Révolution, une nouvelle piste inédite pour le gouvernement actuel ?

On sait que le fisc n’est jamais à court de bonnes idées lorsqu’il s’agit de trouver de nouvelles sources de financement pour tenter de combler tant bien que mal une partie des déficits.

Dans le contexte actuel de déficits et d’endettement vertigineux, le gouvernement nouvellement aux affaires n’a donc d’autre préoccupation que de chercher activement des moyens de dégager de nouvelles recettes, sans toutefois don... Poursuivre la lecture

3
Sauvegarder cet article

Après la difficile nomination d’un Premier ministre, attendons l’accouchement encore plus difficile d’un budget qui sera probablement aussi désastreux pour les finances publiques que pour nos finances personnelles.

 

À la décharge d’Emmanuel Macron, la nomination d’un Premier ministre capable de plaire à une majorité de Français était une mission impossible.

En effet, le nombre des suffrages recueillis par des partis dits extrémistes ou populistes montre que les Gaulois se défient des politiciens.

Et « en même... Poursuivre la lecture

Voir plus d'articles