Donald Trump, le Brexit, les classes moyennes et les grognons

Une récente étude sur l'impact de la mondialisation sur les pays et sur les classes moyennes dans les pays riches explique bien leur mécontentement.
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Donald Trump, le Brexit, les classes moyennes et les grognons

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 6 juillet 2016
- A +

« Alors que les riches deviennent toujours plus riches, les pauvres deviennent toujours plus pauvres. » L’important, pour qu’un mensonge devienne un lieu commun, est de le répéter suffisamment souvent, à suffisamment de personnes, et ne surtout pas tenir compte d’études sérieuses qui viennent régulièrement flanquer par terre tous ces efforts de propagande.

À ce propos, deux articles du même auteur sur ce sujet, l’un paru sur Vox et l’autre dans la Harvard Business Review, apportent un rafraîchissant éclairage sur cette propagande.

gifa yeah ok shkreli

Branko Milanovic, professeur à l’Université de New-York, a réalisé une étude assez détaillée de l’impact de la mondialisation sur les différentes classes de populations à l’échelle mondiale et notamment son effet sur leurs revenus. Cette étude porte entre autres sur la répartition des revenus par centiles — i.e. chaque centile représente 1% de la population disposant de la tranche de revenu considérée — et sur leur évolution dans le temps, depuis 1988 jusqu’à présent.

Comme le pointe très justement l’auteur, beaucoup d’études sur l’évolution récente des revenus portent sur des régions ciblées : on trouve assez facilement l’évolution des revenus sur les 30 ou 40 dernières années dans les pays de l’OCDE, à l’échelle mondiale, pour les pays pauvres, etc. En revanche, l’étude de l’évolution de ces revenus par centiles et à l’échelle mondiale est plus rare. C’est d’autant plus dommage que les conclusions qu’on peut en tirer sont éclairantes et plutôt en contradiction avec le discours dominant, tout en expliquant assez bien les comportements observés dans les pays occidentaux.

En substance, tout peut se résumer au graphique suivant :

la mondialisation est-elle bénéfique à tous les pays ?Cliquez pour agrandir

Ce graphique montre l’évolution des revenus sur la période 1988-2008, ajustés en dollars de 2005, sur la population mondiale ; les données ont été établies par centiles, le graphique ci-dessus montre des paquets de 5%, et le graphique détaillé par centile est disponible ici. Cette représentation indique par exemple que les cinq premiers pourcents de la population mondiale ont observé un gain d’environ 15% de leurs revenus sur la période considérée, ou que le 5% de plus haut revenu a vu les leurs progresser de plus de 60%.

Déjà, l’assertion que les pauvres deviennent plus pauvres est largement battue en brèche : il y a de moins en moins de pauvres. En outre, en termes d’inégalités, les statistiques montrent qu’à l’échelle mondiale, le coefficient de Gini (qui, à 100, signifie une inégalité totale et à 0, une égalité totale) a diminué de 69 à 64 : non seulement, les pauvres sont moins pauvres, mais l’inégalité entre riches et pauvres diminue.

Shocked

Le reste du graphique nous en dit encore plus.

On observe en effet que, de très loin, c’est bien le 1% le plus riche qui a le plus profité de la mondialisation. Ce 1% représente les personnes qui engrangent 45.000$ par an ce qui, pour une famille traditionnelle de 4 personnes (deux parents et deux enfants), représente 180.000$ de revenus nets après impôts ; reconnaissons-le, c’est très confortable, mais on est assez loin de l’image d’Épinal du millionnaire à gros cigare censé représenter à lui seul ce 1% si souvent décrié.

En outre, se focaliser sur ce 1%-là serait oublier les 99% restants qui ont eu un trajet fort différent.

Ainsi, pour 85% de la population mondiale, la progression a aussi été spectaculaire : on parle en effet de plus d’un milliard et demi d’individus, essentiellement issus d’Inde et de Chine, qui ont vu leurs revenus se multiplier par respectivement 2,3 et 5,6 en une vingtaine d’années. La Chine, par exemple, a observé 63 centiles de gain pour sa population, dans un « grand bond en avant » qui ne doit rien au communisme et tout à l’ouverture du pays au marché mondial et aux méthodes typiquement capitalistes.

Enfin, on ne pourra passer sous silence le creux, dramatiquement visible dans le milieu du graphique, correspondant aux centiles 70 à 95. Ce sont ces derniers qui ont observé la plus faible progression de leurs revenus sur cette période ; attention, ici, on ne parle pas de baisse, mais bien d’une augmentation plus faible que tous les autres centiles, et même en dessous de la moyenne générale située autour de 25%. Or, les populations concernées sont celles des classes moyennes des pays riches occidentaux.

Dit autrement : la mondialisation, si elle a énormément bénéficié au 1% le plus riche, et beaucoup à tous les centiles de 1 à 70, n’a permis qu’une amélioration modeste voire nulle pour les classes moyennes occidentales. Typiquement, ces classes moyennes occidentales sont composées des individus qui ont subi les vagues de délocalisations des années 80 et 90 au profit des pays comme l’Inde ou la Chine, justement. Ce sont eux qui ont vu leurs emplois devenir obsolètes ou peu compétitifs face à une main d’œuvre d’autant plus bon marché qu’elle était en nombre important.

Du reste, c’est logique : en moyenne, ces classes moyennes sont handicapées par leur position géographique (typiquement, la campagne, les villes moyennes avec moins d’opportunités d’emploi), par l’avalanche de législations et de réglementations trop protectrices (depuis le sanitaire jusqu’au social) qui, finalement, les empêche de se lancer dans des activités productives originales, ou par des systèmes sociaux rigides construits à une époque où la situation mondiale était éminemment différente, systèmes qui favorisent inconsciemment un chômage local en attente d’un emploi similaire plutôt que, par exemple, une relocalisation ou la formation continue ou complémentaire.

À la lumière de cette dernière remarque, on comprend alors nettement mieux l’impact des discours politiques qui s’adressent directement à ces classes qui ont été le plus négativement (ou le moins positivement) touchées par la mondialisation, et on s’explique mieux la différence notable d’ambiance qu’on ressent entre les pays occidentaux et les pays émergents : là où les seconds font preuve d’un fort optimisme et se tournent résolument vers le commerce et l’ouverture au reste du monde, les premiers enregistrent surtout les messages protectionnistes. La popularité de Trump aux États-Unis ou la forme qu’a prise le vote britannique pour le Brexit illustrent cette tendance.

Quelques leçons peuvent être tirées de cette étude.

La première est que la propagande sur l’appauvrissement des pauvres n’est que cela : de la propagande.

La seconde, et quoi qu’en disent les politiciens les plus audibles actuellement, c’est que pour les pauvres, le capitalisme est un magnifique ascenseur pour la richesse.

Et la dernière, c’est qu’à l’échelle des individus, la richesse absolue n’est pas aussi pertinente que la richesse relative à ses pairs. Comme l’observe Milanovic, l’auteur de l’étude, on assiste au plus grand rebattage de cartes depuis la révolution industrielle, une redistribution phénoménale de la richesse mondiale dans laquelle l’énorme quantité de pauvres du monde accède à l’aisance sinon la richesse, et rattrape les ouvriers et les employés occidentaux.

Ironiquement, cela ne semble guère plaire à ces derniers. Finalement, l’égalité n’est pas aussi plaisante que ce que les socialistes tentent de nous vendre.

capitalism
—-
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  • Bonjour

    Un smicard français fait parti des 7% les plus riches (globalrichlist).

  • Oui c’est donc ce que gapminder (www.gapminder.org/world/) essaie de faire passer comme message depuis des années.
    A l’échelle de la planète tout va tellement pour le mieux que l’ONU a decidé de tenter l’éradication de l’extrême pauvreté en 20 ans.

    L’image du ratio percentile / accès au transport de gapminder est très parlante:
    Un pauvre extrême qui réussit à s’acheter un vélo peut multipler sa productivité journalière par 4 en 1 seule journée. (car il amène simplement 4 fois plus vite/4 fois plus de production au lieu de vente, sans compter qu’il réduit aussi son temps de non production dans son activité propre)). En France, evidemment, réussir à s’acheter un vélo quand on est extrêmement pauvre français ne rapporte pas autant, car il était tout à fait possible de prendre le car en attendant d’acheter le vélo.
    C’est d’autant plus paradoxal qu’il faut des années pour payer un vélo en afrique contre des jours en France (économiser 90€ peut se faire si on se prive de tout le non essentiel deux semaines durant, même en étant très pauvre)

    L’autre image parlante, c’est que pour un « riche » passer d’un salaire françcais à un salaire asiatique ou africain c’est la même chose. Hors por un africain gagner un salaire asiatique, c est gagner un ratio de 10 en progression salariale. D’oû le ressenti optimiste des pays pauvres et pessimiste des pays riches.

    Il faut quand même faire un attention à un point, relier le tout à un dollar moyen sur la planète, c’est un peu faire preuve d’escroquerie intellectuelle, il n’y a aucune manière de moyenner de manière précise une valeur en fonction du pays dans lequel on est. C’est déjà extrêmement difficile sur France/allemagne, alors sur Etats-unis/Zimbabwe … Si macdo n’y arrive pas, j’imagine qu’un universitaire aura d’autant plus de mal.

    • +1 sans compter que dans les pays en voie de développement et pays émergents, proportionnellement au revenu l’équipement électroménager qu’on pourrait considérer comme basique est encore largement hors de prix.

  • aucune mention faîte du continent africain?

    • Le continent africain a démarré plus récemment, mais pourrait bien suivre la même tendance depuis une dizaine d’années.

  • Le graphique est intéressant, néanmoins il manque une donnée importante pour décider si, oui ou non, les classes moyennes occidentales se sont enrichies ou non: c’est l’augmentation des prix.

    Si l’augmentation du prix des différents services ou bien est plus importante que l’augmentation du revenu d’une classe de population, cette dernière s’appauvrit. Conclure donc à partir des seules données présentées dans l’article conduit à une conclusion partielle, voire possiblement erronée.

    • je doute que pour un smicard il y avait une différence entre 180000 net / an et un « riche » en costard et cigare.
      Généralisez sur ce type de sujet est peu productif quelqu’un qui voit son salaire diminuer ou se retrouve au chômage ce fiche pas mal de ses graphique.
      On pourrait faire la même en disant que le monde est devenu plus démocratique qu’il y a un siècle…

    • Regardez bien le graphique, vous avez déjà la réponse.
      Indice: « Note: incomes are real ».

    • Comme dit dans l’article, c’est « ajusté en dollar/ 2015 »

  • L’Egalité, c’est bien avec les plus riches. Pas avec les plus pauvres. Résultat faisons en sorte qu’il y ait moins de riches !

    Je sais, c’est un très bon programme que je vous propose là. Mais, comme Nicolas Hulot, j’annonce à tous que, tout bien réfléchi, je ne me présenterai pas aux présidentielles de 2017. Et ça, c’est un scoop planétaire que j’offre gratuitement à CP. A part ça, mes chevilles vont bien, merci.

  • ce qui est remarquable c’est que les données et les faits sont simples….

  • Cela est parfaitement correct mais passe malheureusement à côté de la question principale : comment améliorer le système commercial et monétaire international pour que la réduction des inégalités entre pays et régions ne se fasse pas au prix de l’augmentation des inégalités au sein des pays. Autrement dit, quelle organisation du système commercial et monétaire international permettrait de contribuer au développement des pays pauvres sans que cela se fonde sur la ruine des pays développés. Car, bien sûr, une telle organisation existe et ne demande qu’à être mise en place. La prochaine fois peut être ?

    • Car, bien sûr, une telle organisation existe et ne demande qu’à être mise en place.

      Ah bon… néo 😆

      • Une telle organisation a en effet existé entre 1944 et 1971. Connue sous le nom de « Bretton Woods », elle a servi de cadre commercial et monétaire international (sous l’égide du GATT et du FMI) aux 30 glorieuses. La prospérité n’est pas un hasard, elle s’organise … ou se désorganise, comme on s’efforce de le faire depuis le début des années 1970, avec une certaine réussite il faut bien reconnaître.

        • La prospérité n’est pas un hasard, elle s’organise

          Non, elle ne s’organise pas. Mais on peut l’encourager, question de terreau.
          Vous voudriez dire qu’il n’y a pas assez de planche à billet ❓ Pas assez d’arbitraire de l’état ❓
          Un peu de liberté dans le choix de l’étalon, même beaucoup, de l’or certes, mais aussi du platine, d’autres métaux, de la monnaie électronique, sans intervention étatique, voilà qui pourrait être un bon support pour la prospérité.

          • La prospérité commune – via le commerce international – de pays ayant des écarts de coûts complets du travail de 1 à 40 s’organise nécessairement. L’institution la plus importante sont les taux de change, qui doivent être fixés à des niveaux équilibrant les coûts du travail moyens affectés des productivités moyennes entre pays participants au système, de façon à garder les balances commerciales croisées à des niveaux proches de l’équilibre. Sinon, c’est la porte grande ouverte à un arbitrage salarial systématique qui fait baisser la part mondiale des salaires et monter la part mondiale des profits dans la production globale. Si la masse salariale mondiale ne suffit plus à absorber la production mondiale, le systeme doit forcément s’endetter et la planche à billets doit forcément tourner pour que la demande puisse suivre l’offre. Alternativement, les prix offerts doivent baisser, ce qui déclenche la spirale déflationniste. On est bel et bien dans ce schéma. A noter que l’or n’est nullement obligatoire pour servir de référence à ce système commercial et monétaire international. En revanche, il faut nécessairement que la référence internationale ne soit pas aussi la monnaie d’un état participant, car cela déséquilibre fatalement le système.

            • Vous n’êtes pas au courant ? les parités fixes entre les monnaies ça ne marche pas, jamais.
              SME : voir les dévaluations, Argentine : voir arrimage au dollar, Venezuela voir le taux officiel et le taux du marché noir… jamais, nulle part.

              Pourquoi : parce que si le taux d’une devise est trop haut ou trop bas elle sera l’objet de spéculation sur les marchés (arbitrage) et le commerce en souffrira (importations exportations). La meilleure solution c’est les changes flottants et le marché des devises.

              • J’ai parlé de taux de change équilibrant les coûts du travail moyens affectés des productivités moyennes entre pays participants. Ce qui fait pas mal de données, dont aucune n’est fixe dans le temps. Je n’ai donc pas parlé de changes rigidement fixes. Les changes doivent en effet pouvoir être ajustables (dans les deux sens) de façon concertée en cas d’apparition de déséquilibres extérieurs. L’essentiel est de prévenir le développement de déséquilibres extérieurs massifs et persistants, responsables – de par la double origination de crédit qu’ils déclenchent – du fait que la dette globale croit deux fois plus vite que la production globale, ce qui est bien sûr insoutenable. Que les balances commerciales soient équilibres est la seule solution pour que le commerce international soit mutuellement bénéfique.

                Vous n’avez pas l’air au courant mais les changes flottants qui étaient censés faire converger les taux de change vers leurs valeurs d’équilibre par le jeu du marché n’ont absolument pas marché : depuis le passage aux changes flottants en 1971 de facto et en 1976 de jure, les déséquilibres extérieurs ont littéralement explosé et la courbe de l’endettement global s’est spectaculairement retourné à la hausse. Dire qu’ils sont la meilleure solution est donc quelque peu aventuré et en tout cas contraire à l’expérience de ces 40 dernières années. Quand une théorie et les faits sont en désaccord, ce sont les faits bien sûr qui on raison.

                • « …mais les changes flottants qui étaient censés faire converger les taux de change vers leurs valeurs d’équilibre par le jeu du marché n’ont absolument pas marché… »

                  Pas du tout, le change flottant a pour seul but de mettre les monnaies à leur valeur de marché qui par principe ne peut être fixe puisqu’elle représente l’état de leur économie vs les autres économies des autres pays.
                  Si l’Allemagne a dénoncé la première en 1971 les accords de Breton Woods c’est justement parce qu’avec le système de change fixe elle payait le dollar plus cher que sa valeur réelle et finançait donc l’inflation US.

                  « …depuis le passage aux changes flottants en 1971 de facto et en 1976 de jure, les déséquilibres extérieurs ont littéralement explosé et la courbe de l’endettement global s’est spectaculairement retourné à la hausse. »

                  Faudrait étayer la causalité. J’ai lu les avantages / inconvénients sur le sujet par les divers auteurs et je reste pour l’instant partisan que le système de changes flottants décidé par le marché est meilleur qu’une parité fixe décidé par on ne sait trop qui depuis que l’étalon or a disparu. Oui il y a certainement des spéculations mais si elle n’a pas lieu sur le marché financier, elle aura lieu sur le marché des biens : c’est le cas actuel avec le yuan sous-évalué et avec parité décidée par la banque chinoise, et ça donne un avantage compétitif qui n’a pas lieu d’être, subventionné par les travailleurs chinois et les occidentaux car quelqu’un paie tout ça.

                  Voir la catastrophe d’arrimage du CHF à l’euro et tous les pegs. Ca en a juste enrichit quelques uns et je ne serais pas surpris que ça ait joué sur les taux négatifs à cette époque.

                  • La causalité a été étayée par Nixon en août 1971 de façon limpide. Puisque la convertibilité-or empêchait les Etats-Unis de laisser filer leur déficit extérieur et l’obligeait à ajuster les déséquilibres intérieurs de son économie consécutifs aux programmes de la « Great Society » et à la guerre du Vietnam et que, symétriquement, l’Allemagne et le Japon érigeaient en modèle de développement économique le mercantilisme sans aucune envie de ré-évaluer suffisamment leurs devises ni de ré-équilibrer leur croissance vers la croissance interne en modérant leurs excédents extérieurs, les changes flottants furent adoptés. A noter que cette issue était quasiment inévitable et pour ainsi dire inscrite dès le départ dans le vice de conception de Bretton Woods qui fit de la monnaie nationale d’un pays participant l’étalon de référence du système international, difficulté qu’avait parfaitement anticipée et tenté de prévenir Keynes avec son projet de Bancor (mais ce fut le plan White qui l’emporta à Bretton Woods) et qui fut reformulée par Triffin au début des années 1960 sous la forme de son fameux dilemme. Bref, historiquement, c’est précisément le refus par les États excédentaires comme déficitaires d’assumer la responsabilité de leurs équilibres extérieurs qui a donné naissance aux changes flottants. Ce fut pour ainsi dire la vocation même des changes flottants (ou plutôt de ce qu’on appelle par abus de langage « les changes flottants » – nous y reviendrons) que de permettre le développement de déséquilibres extérieurs massifs et persistants. Ce qui n’a pas manqué de se constater dans les décennies suivantes du fait de la libéralisation accrue du commerce international dans ce nouveau cadre monétaire, notamment à partir du Tokyo Round conclu en 1979. Pour les statistiques sur l’envolée des déséquilibres extérieurs à partir des années 1970’s, vous avez l’embarras du choix : FMI, Banque Mondiale, BRI, etc.

                    Étayons maintenant la causalité entre changes flottants, déséquilibres extérieurs et envolée de la dette relative globale (dette totale / PIB). Schématiquement, le processus de duplication du crédit au niveau mondial se déroule ainsi :

                    1. Un pays – par exemple l’Allemagne, le Japon, la Corée du Sud, Taïwan, la Suisse, la Chine, etc – en limitant délibérément la part des salaires et donc de la consommation dans sa production totale et en intervenant sur le marchés des changes pour maintenir sa devise sous-évaluée, exporte plus qu’il n’importe et accumule un excédent de son commerce extérieur vis-a-vis d’autres pays qui sont symétriquement en déficit, par exemple les Etats-Unis. En règlement de son excédent commercial, ce pays reçoit via ses sociétés exportatrices un solde de $.

                    2. Les sociétés du pays excédentaire convertissent ces $ en monnaie nationale auprès des banques commerciales du pays.

                    3. Les banques commerciales du pays excédentaire convertissent ces réserves en $ en réserves en monnaie nationale auprès de leur banque centrale. Autrement dit, la banque centrale émet de la monnaie domestique pour la contre-valeur des $ ainsi acquis. L’équivalent de ces $ entre donc dans la base monétaire du pays excédentaire à l’actif du bilan de la banque centrale en échange de nouvelle monnaie nationale et de nouvelles réserves des banques commerciales à son passif.

                    4. La banque centrale du pays excédentaire typiquement replace immédiatement ces $ sur les marchés financiers des États-Unis, très souvent en bons du trésor américain. Ces $ retournent donc immédiatement dans la masse monétaire américaine, avec l’effet que le déficit extérieur américain ne se traduit pas par une contraction monétaire et une restriction du pouvoir d’achat aux Etats-Unis qui permettrait de corriger le déficit extérieur. C’est ce que Jacques Rueff a appelé « le déficit sans pleurs » et d’autres « le privilège exorbitant » pour les Etats-Unis de pouvoir régler ses déficits extérieurs en émettant librement des $ monnaie de réserve internationale, « privilège exorbitant » s’accompagnant bien sûr du « fardeau exorbitant » de devoir s’enfoncer toujours plus dans la dette. Quoi qu’il en soit, ces $ sont bel et bien entrés dans la base monétaire du pays excédentaire sans quitter la masse monétaire du pays déficitaire. Cette boucle des déséquilibres extérieurs immédiatement recyclés monétairement se répète quotidiennement et indéfiniment. C’est le mécanisme par lequel les déséquilibres commerciaux se perpétuent et s’accentuent sans aucune correction au fil de l’eau, accompagnés bien sûr de la montée correspondante des promesses de payer, c’est à dire de la dette du pays déficitaire.

                    5. Dans le système de credit à réserves fractionnaires en vigueur, les nouvelles réserves bancaires créées dans le pays excédentaire (étape 3. ci-dessus) peuvent servir de base à des octrois de credit pour des montants multiples, par exemple 10x plus pour un ratio de réserves requises de 10%. C’est précisément ainsi qu’ont eu lieu les extravagantes expansions du crédit au Japon à partir de 1985 (pour contrer les effets des accords du Plaza) ou en Chine à partir de 2010 : par multiplication dans leur système bancaire domestique des réserves monétaires accumulées après des années d’excédents commerciaux extérieurs. Au final, il y a bel et bien duplication du crédit et hausse de l’endettement non seulement dans le pays déficitaire mais aussi dans le pays excédentaire.

                    C’est cette duplication du crédit à l’échelle globale qui fait que la dette totale croit 2x plus vite que la production mondiale et qui est en train de conduire le monde vers une redoutable situation de sur-endettement et vers une impossibilité d’assurer le service de cette dette faramineuse à partir des flux de production. La première alerte de 2008-2009 n’a pas été comprise. On a juste gagné du temps en mettant les taux d’intérêt à 0% partout.

                    Maintenant, deux précisions :

                    – Ce qu’on appelle « les changes flottants » n’ont en réalité rien à voir avec des taux de change librement déterminés par les forces de marchés mais des taux résultant d’interventions massives de banques centrales cherchant à assurer et maintenir un change compétitif pour leur économie nationale et recyclant indéfiniment leurs excédents extérieurs en achats de titres libellés en devises de pays clients pour maintenir indéfiniment cet avantage de change. Cette situation quelque peu occulte a éclaté au grand jour à partir de 2008 et est maintenant explicitement appelée « guerre des monnaies », ce qui veut bien dire ce que ça veut dire.

                    – Je suis tout à fait d’accord avec vous que tenter de maintenir un peg à un niveau artificiel (sur- ou sous-évalué) peut s’avérer futile pour un petit pays à l’échelle des flux financiers mondiaux.

  • Et si vous faisiez le même graph mais en valeur absolue, au lieu de prendre le % d’augmentation? On aurait une toute autre lecture 🙂

    Dans votre article, vous considérez que si deux personnes voient leurs revenus augmenter de la même proportion, le niveau d’égalité reste inchangé. Or, c’est une manière bien partisane de voir les choses! Pour tout dire, je ne pense même pas que ce soit défendable.

    Voyons cela sur un exemple :
    – Considérons une personne moyenne dans les 1% les plus riche : il perçoit comme vous dites dans les 50 000$/an
    – Considérons un représentant des 400 millions de travailleurs ruraux chinois gagnant environ 2 000$/an. Je ne sais pas ou ils seraient sur votre graphique, peut être au 45eme centile.

    Si nos deux exemples voient leur revenus augmenter de 50% alors :
    – Top 1% : +25 000$, soit 75 000$/an
    – Rural chinois : +1000$, soit 3 000 $/an

    La différence absolue de richesse est passée de 48 000$ à 72 000$ Donc on a bien creusé l’écart… de 24 000$ ce qui n’est pas rien !
    Et on ne parle que de revenus…

    Je ne dis pas que vous avez tort, mais votre démonstration est nettement insuffisante et le graphique est définitivement trompeur : une augmentation proportionnelle de tous les revenus implique en réalité une augmentation de la différence de richesse, et non pas une stagnation.

    • Revoyez la définition de « PPP-adjusted »

      • Le « PPP-adjusted » permet simplement de travailler sur une estimation pertinente du revenu réel.
        Les données de l’article ne donnent pas les valeurs des revenus en PPP-adjusted, juste leur évolution en proportion. Mes exemples auraient été un peu plus pertinents si j’avais pu prendre les valeurs de revenus utilisées pour sortir ce graphique.

        Cependant, quelque soit la manière d’estimer le niveau de revenu, PP-adjusted ou pas, raisonner en proportion ou raisonner en valeur donnera des graphiques et des conclusions bien différentes.
        En l’occurrence, choisir d’afficher le graphe en proportion discrédite l’article car on peut facilement défendre que ce n’est pas une manière pertinente d’estimer les différences.

        C’était le point principal de ma remarque.

        • « ce n’est pas une manière pertinente d’estimer les différences. »

          Ben si. C’est juste idiot de comparer les hausses en valeurs absolues.

          Mais même si on on regarde les hausses en valeurs absolues plutôt que relatives, il faut être sacrément tordu (ou atteint d’un syndrome de jalousie aiguë) pour considérer que l’augmentation des revenus du rural de Chinois de 3000$ / an pendant que le riche occidental voit le sien augmenter de 75000$ / an est une mauvaise chose…

          • Non, ce n’est pas du tout idiot.

            Mettons que M. Pauvre gagne 1000€/mois, et M. Riche 6000€/mois, et que nous ayons 7000€ de richesses à partager entre les deux.

            La « justice » défendue dans l’article est : répartissons de manière proportionnelle aux revenus, c’est à dire donnons 1000€ à M. Pauvre, et 6000€ à M.Riche.
            On a bien 50% d’augmentation pour chacun, mais il est tout de même bien défendable de dire que c’est une répartition injuste puisqu’on donne 6 fois plus à celui qui est déjà riche et qui en a donc le moins besoin!

            Pour votre seconde remarque, vous avez raison, c’est une bonne chose que le niveau de richesses augmente pour tout le monde au niveau mondial.
            Reste que pour le même travail, on paie le chinois beaucoup moins cher, et c’est grâce à cela qu’on assure notre niveau de vie. Sur le long terme, capitalisme ou pas, ça ne pourra pas tenir. Le chinois moyen vise d’avoir le même niveau de vie que nous, et c’est légitime. Et cela implique qu’à un moment ou à un autre il nous rattrape, c’est à dire que son revenu augmente plus vite que le notre.

            D’ailleurs, je dis que l’argumentaire de l’article est partisan (et donc suspect), je ne dis pas qu’il a totalement tort. Car en effet, si on considère les gens entre le 5ème centile et le 95ème, on peut se réjouir pour la justice mondiale : augmentation des richesses en général, avec rattrapage des plus pauvres.

            Mais quand on regarde le Top 5% et le Bottom 5%, on voit quand même qu’il y a un gouffre entre les deux, et ce gouffre se creuse.
            Idem si on regarde la répartition au sein d’un même pays.

            • On a bien 50% d’augmentation pour chacun

              Bien tient, passer de 1000 à 2000 et de 6000 à 12000, c’est pas du 100% d’augmentation et non 50?

              Mais que savez-vous des actions et de l’évolution du 5ème centile le plus aisé ❓

              Ah le libéralhips… C’est tinsupportable 🙁

              • Erreur de ma part en effet, c’est 100% d’augmentation et pas 50%.
                Mais ça ne change ni le raisonnement ni la conclusion 🙂

                Pour ce qui est des évolutions, en proportion, des revenus par centile, c’est justement l’information sur laquelle est basée cet article… Je ne fais que raisonner dessus et débattre de la manière dont elles sont utilisées et interprétées ici.

                • Tirer des plans sur la comète juste sur la base de ce genre de chiffres me parait abusif, car néglige l’utilisation faite de ces capitaux.
                  Comment oser faire une analyse statique et tirer des conclusions sans tenir compte de la dynamique ❓

            • « Mettons […] que nous ayons 7000€ de richesses à partager entre les deux »

              Voilà d’où vient l’erreur de base. Les richesses ne se « partagent » pas, ce n’est pas un truc de taille fixe dont on « distribuerait » des parts à chacun, les richesses se créent. Et ceux qui sont le plus productifs sont ceux qui en créent le plus (Lapalisse n’aurait pas dit mieux) et ceux qui en tirent personnellement le plus de richesses (là normalement devrait débarquer celui qui confond ardeur au travail et richesse).

              « il est tout de même bien défendable de dire que c’est une répartition injuste »

              Non. Vous n’avez pas à définir ce qui serait une « juste répartition », je n’ai pas à définir ce qui serait une « juste répartition », l’État n’a pas à définir ce qui serait une « juste répartition » car personne n’est capable définir ce qui serait une « juste répartition ».
              Dans l’absolu, une répartition des richesses est légitime si elle découle d’échanges librement consentis dans le respect des droits naturels de tous, elle est illégitime si elle découle de la coercition, de l’utilisation de la force ou de la menace d’utilisation de la force, de la violation des droits naturels.

              « Reste que pour le même travail, on paie le chinois beaucoup moins cher, et c’est grâce à cela qu’on assure notre niveau de vie »

              Non, cela vient de la productivité, et donc directement de la quantité de capital productif et de capital humain.

              « Sur le long terme, capitalisme ou pas, ça ne pourra pas tenir »

              Faux. Cela fait des siècles que certains croient ça, et des siècles qu’ils se trompent.

              « Mais quand on regarde le Top 5% et le Bottom 5%, on voit quand même qu’il y a un gouffre entre les deux, et ce gouffre se creuse.
              Idem si on regarde la répartition au sein d’un même pays. »

              Et donc? Comme je le disais, il faut être sacrément tordu (ou atteint d’un syndrome de jalousie aiguë) pour considérer que si tout le monde voit sa richesse augmenter mais que les plus riches voient celle-ci augmenter plus vite que les plus pauvres, c’est une mauvaise chose.

              Et puis pour info, quand on dit que les x% les plus riches sont devenus y% plus riches entre 2 dates, ça ne veut pas dire que ce sont les mêmes personnes qui sont devenues plus riches. C’est ce que montrent les chiffres en tout cas. Et on constate également qu’en gros plus l’économie est libre, plus les personnes qui constituent le x% les plus riches changent dans le temps, et plus l’économie est administrée, plus ce sont toujours les mêmes personnes qui s’enrichissent.

              • Erratum: « là normalement devrait débarquer celui qui confond ardeur au travail et richesse » -> « là normalement devrait débarquer celui qui confond ardeur au travail et productivité »

              • Idiot, tordu… Mateo, le champs lexical que vous utilisez me laisse penser que vous ne cherchez pas à débattre afin d’établir la vérité, mais que vous cherchez simplement à discréditer votre interlocuteur, sans intention aucune de réviser votre point de vue. Manquez-vous de conviction en votre argumentaire pour en arriver là, ou avez-vous peur que la vérité s’oppose à votre vision du monde et de vous-même ?

                Rien ni personne ne vous empêchera de crier votre argumentaire en vous bouchant les oreilles pour être certain de ne jamais changer d’opinion, mais je ne saurais que trop vous conseiller (pour votre propre bien) de changer de stratégie générale vis-à-vis des débats (sauf si vous trollez pour vous amuser). Cherchez à atteindre la vérité, peut importe qui a tort et qui a raison. De plus, nous sommes tous anonymes ici, alors voyez…

                Ceci dit, vos méthodes m’amusent, alors permettez moi d’adopter un ton légèrement cynique pour la suite, après promis, je me calme :]

                « Voilà d’où vient l’erreur de base. Les richesses ne se « partagent » pas, ce n’est pas un truc de taille fixe dont on « distribuerait » des parts à chacun, les richesses se créent. Et ceux qui sont le plus productifs sont ceux qui en créent le plus (Lapalisse n’aurait pas dit mieux) et ceux qui en tirent personnellement le plus de richesses (là normalement devrait débarquer celui qui confond ardeur au travail et productivité) »

                Ha, mais vous tendez des pièges ! Je vous en prie, laissez moi sauter dedans. Je reprend l’exemple simplifié de Mr Riche et Mr Pauvre.

                Mr Riche, après avoir passé un mois sur la plage, revient dans l’usine qu’il a hérité. Il rémunère Mr Pauvre, qui travaille dans celle-ci, à hauteur de 1000€. Il enregistre un gros CA (non-révelé) et s’octroie 6000€ de dividende.
                Félicitation, grace à son capital, Mr Riche a été le plus productif des deux !

                Voila, à présent que j’ai redécoré un peu l’histoire pour qu’elle vous convienne, pouvez-vous répondre à la question initiale de Maximeq: peut-on vraiment dire que l’inégalité entre Mr Riche et Mr Pauvre a diminué ?

                « Non. Vous n’avez pas à définir ce qui serait une « juste répartition », je n’ai pas à définir ce qui serait une « juste répartition », l’État n’a pas à définir ce qui serait une « juste répartition » car personne n’est capable définir ce qui serait une « juste répartition ». »

                Exactement, et c’est précisément celà que dit Maximeq. Si personne n’est capable de définir ce qui serait une « juste répartition », alors tout le monde peut aisément défendre une position qui affirme que c’est une répartition injuste. Ici, la logique est triviale.

                Cette question est orthogonale car elle n’est pas en contradiction avec l’article et on entre ici dans le plan moral, mais c’est aussi le cas lorsqu’on parle de « bonne chose » et de « mauvaise chose ». Pour ma part, elle m’importe peu (ou en tout cas, moins que de savoir si on peut parler de réduction d’inégalités ici).

                « Sur le long terme, capitalisme ou pas, ça ne pourra pas tenir »
                « Faux. Cela fait des siècles que certains croient ça, et des siècles qu’ils se trompent. »

                Je ne suis pas sûr de comprendre de quoi vous parlez ici, mais je suis presque certain que vous ne pouvez pas prédire l’intégralité du futur.

                « Et donc? Comme je le disais, il faut être sacrément tordu (ou atteint d’un syndrome de jalousie aiguë) pour considérer que si tout le monde voit sa richesse augmenter mais que les plus riches voient celle-ci augmenter plus vite que les plus pauvres, c’est une mauvaise chose. »

                Je ne m’avancerais pas à dire que c’est une mauvaise chose. J’ai relu les commentaires de Maximeq, et apparemment, il ne le fait pas non plus. Il défend simplement l’idée qu’une repartition des résultats/bénéfices en proportion ne sont pas « justes », il ne dit pas que l’augmentation des richesses pour chacun des différents centiles de population est une mauvaise chose. Vous voyez, on peut tous faire des confusions !

                Maximeq dit simplement ici que les données présentes dans ces courbes ne sont pas suffisantes pour en conclure à une réduction des inégalités. J’adhère à son point de vue, et je ne demande qu’à avoir tort (parce que J’AIMERAIS avoir tort, car je suis POUR une réduction des inégalités). Mais pour changer de point de vue, ce qu’il me faut (et TOUT ce qu’il me faut), c’est un argumentaire bien fait, bien construit et sans raccourcis.

                Libre à vous de vous prêter à l’exercice.

                • Le débat entre Maximeq, Mateo et Sébastien est mal posé.

                  Si on veut raisonner en valeur absolue, on ne peut pas raisonner en salaire réels par tête ou par centile. On doit raisonner en masse salariale globale, c’est à dire nombre de salariés * niveau de salaires. Autrement dit, on doit prendre en compte l’effet volume en plus de l’effet prix. Or, d’après l’Organisation Internationale du Travail, près de 700 millions de travailleurs supplémentaires des pays en développement sont entrés sur le marché du travail ces 16 dernières années alors que le nombre de travailleurs a stagné dans les pays développés. Combiné aux hausses de salaires, on peut donc dire de façon totalement certaine que la masse salariale des pays en développement a cru considérablement plus vite que la masse salariale des pays développés. En ce sens, il est sûr et certain que les inégalités entre pays se sont réduites. Tant mieux.

                  Le problème est que, dans le même temps et pour les mêmes raisons, les inégalités au sein des pays se sont accrus, ce qui ne pose pas de gros problèmes dans les pays en développement car cela se fait dans un contexte de croissance mais ce qui crée des grosses tensions dans les pays développés car cela se produit dans un contexte de croissance quasi nulle, de sous-emploi massif, de sur-endettement et de pression fiscale insupportables.

                  Sur des bases aussi fragiles, la situation actuelle – y compris le développement des pays relativement plus pauvres – est donc insoutenable. D’où mes commentaires ci-dessus.

                  • Je pense comprendre votre propos, mais je ne suis pas certain d’être d’accord avec celui-ci.
                    Raisonner uniquement en terme de masse salariale ne me parait (à priori) pas suffisant.

                    Par exemple, à l’échelle d’un pays, si vous appliquez une logique de « travailler plus pour gagner plus », vous allez répartir une quantité de travail donnée sur un plus petit nombre de salarié (qui gagneront plus). Vous pouvez obtenir une masse salariale en croissance alors que les chiffres du chômage seront en hausse, ce qui se traduirait par une augmentation des inégalités (et de l’instabilité sociale) au sein du pays. Si votre objectif est de diminuer les inégalités pour améliorer la stabilité sociale, je pense qu’il y a forcément un moment ou vous devrez revenir à un raisonnement par individu ou centile, plutôt que part salarié.

                    Voyez-vous une erreur dans mon raisonnement ?

                    • Oui. C’est une erreur de penser que la quantité de travail est une donnée fixe. Rien ne permet de l’affirmer et surtout pas l’expérience des 35 heures en France qui a au contraire conduit à une hausse significative du chômage. À vrai dire, c’est exactement l’inverse : le nombre d’heures travaillées supplémentaires augmentent la production (à moins que la productivité marginale soit de 0, ce qui est très improbable) et augmente la masse salariale distribuée. A moins que ce pouvoir d’achat supplémentaire soit entièrement thésaurisé et / ou ne serve uniquement qu’à augmenter les importations (ce qui est très improbable), la masse salariale supplémentaire sera recyclée dans l’économie sous forme de consommation ou d’investissement et se traduira donc par une augmentation de la demande, ce qui stimulera la production, donc l’emploi. Et ainsi de suite. Penser que la quantité de travail dans une économie est fixe correspond à des hypothèses totalement implausibles. Voilà pour la théorie.

                      Voyons maintenant la pratique : d’après l’Organisation Internationale du Travail, il y avait 1,13 milliards de salariés des secteurs secondaires et tertiaires dans les pays en développement en 2000. En 2015, ils étaient 1,75 milliards. La quantité de travail n’est donc pas fixe. [Soit dit en aparté, il est quelque peu humiliant pour l’intelligentsia française que la plus forte augmentation jamais constatée de la quantité de travail mondial se soit produite précisément au moment où ils théorisaient « la fin du travail »]. Mais revenons aux travailleurs des pays en développement. Non seulement ils sont plus nombreux, mais ils gagnent plus, le salaire moyen progressant d’environ $5.500 par an en 2000 à environ $12.500 par an en 2015. Durant la même période, le salaire moyen dans les pays développés est passé d’environ $35.000 à ~ $45.000 par an.

                      Ainsi donc, la masse salariale des pays en développement a progressé de +259%, passant de ~ $6.215 milliards en 2000 à ~ $21.875 milliards en 2015. Dans le même temps, la masse salariale des pays développés a progressé de +40%, de ~ $14.840 milliards en 2000 à ~ $20.745 milliards en 2015. Les inégalités entre pays se sont donc réduites. Il n’y a pas à être d’accord ou pas d’accord, ce sont là les ordres de grandeur empiriquement constatés.

                      Le salaire moyen dans les pays en développement a progressé de +127% durant la période, soit un rythme de +6% par an en moyenne. Dans les pays développés, le salaire moyen a progressé de +29% en 15 ans, soit +2% par an. Le salaire moyen des pays en développement représentait 16% du salaire moyen des pays développés en 2000. Il en représentait 28% en 2015. Les inégalités entre pays se sont donc réduites. Là encore, il n’y a pas à être d’accord ou pas d’accord, ce ne sont que des données de l’observation.

                      Vous voulez dire que les inégalités ont en fait augmenté car, en valeur absolue, le salaire moyen a augmenté de $10.000 dans les pays développés alors qu’il n’a augmenté que de $7.000 dans les pays en développement ? Si vous voulez, dans ce sens particulier, mais il me semble que ça ne correspond à aucune situation vécue ou ressentie dans aucun des pays concernés.

  • Ce qui est surtout remarquable, c’est que les plus riches des pays occidentaux se gavent au maximum de la croissance en imposant aux pauvres occidentaux de perdre les conditions sociales et le peu de richesse dont ils disposent aux profits des plus pauvres du monde sans leur demander leur avis. Et après on s’étonne de la monté du populisme dans nos « démocraties »… Oui décidément vive le libéralisme qui permet, en toute impunité et avec la bienveillance des politiques véreux, aux « gros » de prendre à la classe moyenne occidentale pour arroser les plus miséreux ! Amen

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