Bac : trop dure l’épreuve d’anglais ? Vite, une pétition !

L’épreuve du bac anglais est jugée trop difficile par des lycéens qui ont décidé de réagir en créant une pétition. Quel scandale ! Il faudrait avoir des connaissances pour passer le bac en 2016 !

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Élèves sortant des épreuves du baccalauréat au Lycée Charles de Gaulle à Caen (Crédits Valenting Mangnan, licence Creative Commons)

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Bac : trop dure l’épreuve d’anglais ? Vite, une pétition !

Publié le 21 juin 2016
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Par Chimène Gabriel.

Élèves sortant des épreuves du baccalauréat au Lycée Charles de Gaulle à Caen (Crédits Valenting Mangnan, licence Creative Commons)
Élèves sortant des épreuves du baccalauréat au Lycée Charles de Gaulle à Caen (Crédits Valenting Mangnan, licence Creative Commons)

Qui a dit que les jeunes étaient incapables d’engagement ? Voilà une nouvelle qui devrait faire mentir les atrabilaires patentés qui se refusent à jeter sur la jeunesse le regard complaisant et fasciné qu’il est d’usage d’arborer. Derrière leurs écrans, ou à Nuit debout, les jeunes révolutionnent les voies démocratiques – nous dit-on. Par-delà la caricature de la jeunesse morte-née et apathique, se dégage une écume d’éternels rebelles scandalisés, folâtrement amusés par leur propre indignation.

La pétition comme revendication

Et ils trouvent dans la pétition le moyen de satisfaire leur besoin de revendication. Gare aux penseurs aigris qui croient que le baccalauréat n’a plus de valeur et qu’on se contente de le donner aux élèves en phase terminale : il est difficile, aujourd’hui, au point que pour l’anglais, plusieurs milliers ont demandé le retrait d’un texte jugé trop complexe. Les rédacteurs de l’épreuve d’anglais n’ont pas retenu la leçon de l’an dernier. Ces adultes, hélas, n’écoutent donc rien et n’en font qu’à leur tête : ils persistent et signent ! Alors que déjà lors de la session 2015 on avait réclamé l’annulation de la question M qui comportait le verbe « to cope with », l’Éducation nationale a récidivé. « Où la scène se passe-t-elle ? », ont-ils osé. Précisons que le texte comportait l’indication Manhattan et qu’il était donc demandé aux élèves de déduire qu’il était question de New York. Cela valait bien une pétition.

La question requérait donc une culture assez large pour savoir que Manhattan est à New York ; et comme l’un des élèves le souligne dans un commentaire, cela demandait « des connaissances que nous ne possédons pas tous, même si cela paraissait évident. » Et puis on sent que le ton des pétitionnaires a pris en grade. Cette année, une phrase laconique : « Suite à la difficulté de la compréhension du texte A nous voulons une modification du barème », sonne comme une exigence pure et simple : on a dépassé le stade des revendications alambiquées de l’an passé, consternant monceau d’arrogance (« nous demandons à rencontrer la ministre »), voire d’insolence (« il est inadmissible de proposer des questions incompréhensibles ») et d’immaturité (« nous demandons des points bonus » !). Percluse de fautes d’orthographe qui avaient beaucoup amusé les observateurs l’an passé, la pétition faisait état d’une question « intraitable » (le terme est impropre, mais passons) et évoquait des « externalités négatives » sur le reste de la copie.

Polémiques littéraires

Quant au sujet de français des premières, il y eut moins de grabuge que l’an dernier. Laurent Gaudé avait essuyé les foudres de certains élèves qui avaient peiné à commenter un extrait de son livre Le Tigre bleu de l’Euphrate, où l’on ne savait plus s’il s’agissait de l’animal ou du fleuve, ou des deux. Devant la virulence de la polémique, Actes sud avait publié un communiqué : « L’auteur joue sur l’homonymie entre le fleuve et l’animal pour enrichir la résonance de son texte ». Cette année, Dieu merci, nous autres L avons été pacifiques, car on n’est pas passé loin de l’émeute : une coquille concernant la date de naissance de Jean Cocteau émaillait notre sujet.

Quant au sujet des ES et S, il s’agissait d’un groupement d’oraisons funèbres, dont notamment celui d’Anatole France, qu’une partie non négligeable a pris pour une femme. Il y eut même des professeur-e-s (comme il convient de dire si l’on préfère éviter le procès en sexisme) pour se féliciter de cette petite erreur, innocente, parce que cela mettait en exergue l’absence des écrivaines dans les sujets ! De « grands écrivains » écrivant pour la mort de « grands écrivains », ont ironisé certains pour signifier que la littérature patrimoniale est, en somme, un royaume de vieilleries, bien rances, bien pompeuses et bien mortes. Être un écrivain mort est aujourd’hui une tare.

Colère des féministes

Le discours, prononcé à la mort d’Émile Zola, commençait par « Messieurs » et il était question de « mâles louanges ». Voilà qui suffit pour incendier la poudrière féministe et relancer la critique sur la représentation des femmes dans les épreuves. Et là, en plus, vous avez pris des misogynes qui disent « Messieurs » au lieu de « Mesdames, Messieurs » ! On n’a pas idée. À quand « À mademoiselle », le poème de cet obscur machiste – qu’il faut être assurément pour employer un pareil mot –, Alfred de Musset (et qui, soit dit en passant, est mort lui aussi) ?

En 2017, je passerai le baccalauréat d’anglais : et je trépigne déjà d’impatience à l’idée de découvrir quelle sera l’impardonnable faute dont le système m’aura lésé – en espérant, que cette fois-ci, ils auront compris la leçon, on ne va pas rédiger des pétitions tous les ans, non plus !

Finissons cependant sur une note positive : cette énième et dérisoire pétition montre tout de même que la France n’est pas totalement envahie par la culture américaine, puisqu’il est encore des candidats au baccalauréat qui ne savent pas que Manhattan est à New York – et qui sont prêts à rédiger une pétition pour s’en enorgueillir…

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  • texte amusant 🙂

  • entièrement d’accord avec vous. C’est devenu une mode.

  • Au sujet de l’épreuve d’anglais, la plupart des commentaires s’étonnent du manque de culture générale. Mais là n’est pas le plus grave… Ce qui est dramatique, c’est la mentalité de ces jeunes à qui ont a inculqué que réussir était un droit et qu’il convenait que ce droit soit respecté quel que soit leur mérite. On est ainsi passé de la réussite par le mérite à la réussite pour tous. Leur insertion dans le monde du travail, ce n’est pas gagné…
    Pas tous… cet article d’un jeune auteur fait plaisir à lire!

    • Le plus grave/ridicule (rayez la mention inutile) est surtout que ces jeunes ne savent plus lire. Sous le texte A ici décrit, il y avait très logiquement le texte B qui indiquait que Manhattan était à New York. 😉

      • Exactement ! Même si c’est vrai que cette question n’a pas sa place dans l’épreuve (étant donné que celle-ci doit évaluer le niveau de langue). Bon après, dans le texte B on apprend que dans les années 20 Manhattan était couverte de skycrapers.
        J’espère que la pétition va aboutir pour que ce soit des points bonus vu que j’ai parfaitement réussi ces questions…

      • C’était peut-être un piège !

    • S’il est vrai que ces questions étaient données, elles n’ont pas leur place dans une épreuve visant à évaluer le niveau d’anglais, et non pas la culture générale.
      Bon par contre, les ES, New York et (Manhattan) sont étudiés en étude de cas en géographie. Je veux bien comprendre que cette pétition est exaspérante. Mais surtout drôle.

    • Il faut préciser que cette épreuve n’évaluait pas le niveau d’anglais en général, mais la capacité de compréhension du texte. Les élèves ne s’attendaient donc pas à devoir « déduire ». En gros ils s’attendaient à : la réponse est New-York parce qu’il est écrit l.6 : « New-York ». (C’est un exemple). Là, il fallait mobiliser sa culture personnelle. La pétition en fait proteste contre le fait qu’il faille déduire que c’était à New York, puisqu’il est question d’Hudson, de Harlem et de Manhattan, et donc que cela dépasse la stricte compréhension des mots du texte.

      Imaginons un texte sur Paris :
      « Dans quelle ville la scène se passe-t-elle ? »
      « A Paris parce qu’il est écrit Tour Eiffel et Seine »
      « Ah oui mais comment pouvait-on savoir que la Tour Eiffel était à Paris ? Ce n’est pas une épreuve de géographie. Allez : pétition »

  • Il faudrait avoir des connaissances pour passer le bac en 2016 ? Ça se saurait !

  • Une certaine Cécile D. situait bien le Japon dans l’hémisphère sud… ?

  • Ils se préparent pour l’UNEF.

  • Bah, ils tentent le coup, why not 🙂

  • hahaha ! Non vraiment ! L’école c’est trop dur ! Comme pour les petits chatons mignons, on devrait supprimer les notes, parce qu’être évalué c’est trop de pression !

    HAHAHA ! Très bon texte, chapeau l’auteur. Avec ta verve, je pense que tu n’auras aucune difficulté dans les matières qui nécessitent de savoir lire et écrire ! Keep up !

  • Ces bacheliers ont déjà du mal à écrire et comprendre le français alors vous pensez bien qu’en Anglais !
    On devrait leur donner le bac sans Examen.
    Incroyable !

  • Nous ne sommes pas tous obligés d’être des adorateurs des USA et de connaitre la géographie de ce pays étranger par coeur, je connais pour ma part bien mieux la géographie russe.

    • OK, mais quand même, Manhattan et New-York…

    • Personne ne vous oblige à apprendre l’anglais. Le bac mesure (enfin, est censé mesurer) votre aptitude à communiquer en anglais, c’est-à-dire comprendre et vous faire comprendre. Vous n’avez pas de référentiel commun avec ceux qui parlent anglais ? Des milliards d’humains sont dans votre cas, ça ne les empêche pas de vivre, mais ils n’ont pas le culot de vouloir faire croire par une peau d’âne à exhiber qu’ils seraient autre chose qu’ignorants en anglais.

    • Parce qu’il faudrait être un « adorateur des USA » pour savoir que Manhattan se trouve à New York ???
      Et pour savoir que Tokyo est la capitale du Japon il faut être ceinture noire de karaté ? (Chuck Norris connaît la capitale du Japon !)

      • De plus, il n’y avait pas besoin d’utiliser Manhattan. L’Hudson et la Harlem river, plus l’existence d’un « subway » à une époque où l’on chasse et pêche encore, fournissent largement les deux indices demandés…

    • lol,
      julien bezirard est un fake, c’est pas possible 🙂

  • Pourquoi ne pas leurs donner tous les diplômes à la naissance pendant qu’ils y sont ces ânes ?

  • Il est bien connu que le niveau d’anglais des français mérite la suppression de tous contrôles. On n’a pas besoin de progresser.
    La manière d’enseigner les langues est une autre histoire…

  • Dominogris,

    « Ce qui est dramatique, c’est la mentalité de ces jeunes à qui ont a inculqué que réussir était un droit et qu’il convenait que ce droit soit respecté quel que soit leur mérite »

    Moi je trouve plutôt que ces jeunes ont bien intégré le système de pensé juridique (d’origine libéral) qui structure le monde contemporain dans lequel ils vont devoir évoluer. Il n’y a plus de morale, plus de décence ordinaire (cette décence qui donnerait du sens à l’acquisition par le mérite d’un diplôme par exemple), mais il n’y a que des intérêts individuels qui trouvent leur justification au travers du juridique. Ainsi, s’il n’était pas mentionné que Manhattan se trouvait à New York dans le texte A, alors la question « ou se trouve Manhattan » qui se rapportait à ce texte n’avait pas de sens. Ça peut se plaider. Pourquoi s’en priver ?

    • Le positivisme juridique, qui correspond mieux au système que vous décrivez, n’est certainement pas d’origine libéral. Bien au contraire !

    • En effet, traduire la question « In what city is the scene set? Justify with two elements from the text. » par « Où se trouve Manhattan ? » est bien typique du système de pensée polémique contemporain…

  • Turning
    Vous avez raison de faire cette remarque pertinente. Après il me semble que le positivisme juridique découle des notions de droits naturels modernes qui diffèrent de la conception dite classique du droit naturel.

  • Michel O,

    Au temps pour moi, mais vous pinaillez, cela n’enlève rien à mon propos il me semble.

  • J’avoue, moi-même j’ignorais que Manhattan est à New York, je pensais que c’était aux États-Unis.
    J’ai quand même eu mon bac, ne désespérons pas notre jeunesse maltraitée.

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