Par Olu Akanmu.
Un article de Libre Afrique
S’il y a une leçon que le gouvernement fédéral nigérian doit retenir de la pénurie d’essence, avec les longues files d’attente aux stations-service, c’est qu’il ne peut pas se substituer au marché, peu importe la noblesse de ses intentions patriotiques. De la gestion des devises étrangères au marché du carburant, les marchés ne sont pas assez pris en considération. Le gouvernement s’acharne à vouloir tout maîtriser à travers la régulation de l’offre et de la demande pour la fixation des prix. La crise pétrolière actuelle prouve clairement que ce n’est pas la bonne voie.
Lorsque les biens sont autoritairement évalués à un prix inférieur à leur véritable valeur économique, le fonctionnement efficace des marchés est biaisé, l’offre diminue face à une augmentation croissante de la demande. Cela favorise les marchés parallèles où les biens économiques trouvent des prix plus proches de leur vraie valeur. Ainsi, le peu de privilégiés qui contrôlent l’offre profitent d’une rente injustifiable. Le marché devient inefficace et au final la productivité et la production économique chutent. Il serait d’ailleurs intéressant d’estimer la baisse de la production et de la productivité occasionnée par la crise pétrolière actuelle dans tous les secteurs de l’économie, y compris les petites entreprises, et son impact sur la qualité de vie des ménages nigérians.
Le rôle néfaste du contrôle des prix
Pour ceux qui pouvaient encore douter des conséquences néfastes du contrôle des prix et du taux de change, le carburant devient un cas d’école. La fixation du prix de l’essence en dessous de sa valeur dissuade le secteur privé de participer au marché du carburant. La Nigerian National Petroleum Corporation (NNPC) devient donc pratiquement le seul fournisseur. Malgré toutes les intentions patriotiques et la meilleure gestion logistique, la NNPC seule a été incapable de faire face à la demande nationale.
Notons qu’en période de crise, les ressources du secteur privé sont cruciales pour soutenir le budget de l’État. Du Venezuela au Nigéria, nous voyons la même erreur se répéter : une politique économique anti-marché et son effet négatif sur la production et l’emploi. Un ultra patriote comme Hugo Chavez pouvait en son temps contourner les marchés lorsque le prix du pétrole était élevé, mais ce n’est plus possible pour le gouvernement actuel de Maduro dans un contexte où les prix du pétrole sont bas et les recettes fiscales de l’État fortement limitées. La production a chuté, l’inflation et le chômage ont grimpé et les magasins sont vides avec de longues files d’attente pour trouver des denrées de base. C’est également le cas du Zimbabwe. Les mêmes politiques économiques produisent les mêmes effets, et au Nigeria les files d’attente de cessent de s’allonger pour trouver du carburant ou des devises. L’électricité manque également.
À ce contrôle des prix, s’ajoute le programme de subvention au carburant qui crée de fortes inégalités. En effet, les riches consomment plus d’essence avec plusieurs voitures gourmandes en carburant par rapport aux ménages à faible revenu qui, eux, utilisent les transports en commun. Les riches profitent donc davantage des subventions des produits pétroliers que les pauvres. Ainsi, plutôt que de vouloir tout contrôler, il serait plus efficace de faire confiance au marché de manière à ce que des prix justes permettent d’équilibrer la demande et l’offre. Cela évitera en plus la fuite des produits pétroliers dans les pays voisins pour bénéficier d’un meilleur prix. En effet, 30% de la production de carburant sont convoyés au Cameroun et au Tchad, où les prix sont plus proches de leur vraie valeur économique.
Un tarif libre éliminerait les incitations à la contrebande de carburant à travers la frontière. Les importations de carburant et la demande de dollars pour l’importation de carburant chuteraient, le Naira s’apprécierait avec un effet de spirale positive sur le bien-être social. Au prix du marché, l’offre du secteur privé des produits pétroliers augmenterait, ce qui réduirait la pression sur la NNPC..
Ainsi, retenons qu’un gouvernement ayant des contraintes financières, ne peut absolument pas se permettre de fausser le jeu du marché. Le coût de ces distorsions du marché est beaucoup trop élevé pour la société, l’économie et le bien-être social. Alors que gouvernement Buhari affiche la volonté de lutter activement contre la corruption, il est important de permettre aux marchés de fonctionner librement. C’est une condition de la lutte contre la récession économique créant ainsi le terreau d’une meilleure gouvernance.
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Je ne partage pas du tout cette analyse qui ne prend pas en compte les réalités africaines ni nigériannes. J ai travaillé 4 ans au Nigéria dans le secteur de la distribution.
S’il y a des prix régulés au Nigeria et en Afrique c est pour une raison: éviter les abus de prix des réseaux logistiques de distribution finale. D’ailleurs c’est ce que constatent les usagers en cas de pénurie: le prix du carburant peut doubler ou tripler en fonction du stress du client. D’ailleurs également, pratiquement tous les pays africains à 1 ou 2 près ont des prix régulés fixés par l’Etat, en particulier le Cameroun, le Tchad et le Niger cités.
Les prix régulés permettent une certaine « égalité » car les prix sont identiques au nord comme au sud, en zone urbaine comme rurale, par la perequation transport. Du contraire les ruraux paieraient systematiquement 30% de plus.
Le Nigeria n est pas structuré économiquement pour des prix non régulés: ce serait chaos et violence. L’Afrique non plus, car la distribution et ses canaux de ventes sont à 90% de l’informel, laissant l’usager dans l’ignorance et le rapport de force de détaillants assoiffés par la perspective de gains substantiels rapides.
En revanche, les prix régulés doivent refléter les prix internationaux et varier tous les 15jours.
Contrairement à ce qui est fait au Nigeria, les prix devraient être calculés par une formule de prix internationaux, sans subvention et révisèe automatiquement tous les 15 jours.
Dans un certain nombre de pays Africains c ‘est déjà presque ainsi et cela nourrit une stabilité sociale sans abus des dètaillants.
Si vous estimez que ce n’ est valable que pour l’Afrique, détrompez vous, la bouteille de gaz en Espagne et en Belgique, c est egalement cette methode, et en Amerique Latine, gaz et carburants. Il suffit d’aller sur les sites Web des ministères correspondants en Amérique Latine et vous aurez l’historique des prix de détail: que d’ailleurs un chacun peut vérifier!.
Je ne crois pas à la dérègulation des prix en Afrique
Il n’y a des réalités africaines et nigérianes que pour ceux qui ne veulent pas voir les causes et qui veulent solutionner les conséquences.
Le contrôle des prix est toujours une mauvaise réponse. Il est normal de payer plus cher quand on se situe dans une zone peu peuplée : le détaillant ne fait que répartir ses frais sur un volume vendu moins élevé. S’il y a une distorsion des prix c’est aussi bien souvent à cause de la difficulté pour des concurrents de s’installer (respect de la propriété, corruption, réglementation).
La Belgique est en effet un pays qui impose des prix maxi sur les carburants et les bouteilles de gaz : vous ne trouverez donc pas de bouteilles de gaz dans les campagnes. Le prix maxi est d’ailleurs interprété comme un prix conseillé et au final tout le monde est perdant. D’ailleurs ce prix limite du gaz bouteille en belgique (prix au kg) a empêché pendant un moment la vente de mini bouteilles de gaz de 5-6 kg car leur prix au kg était 50% plus élevé que les bouteilles de 13kg donc interdites de vente.
Le blocage du prix du pain ou des loyers a eu les conséquences qu’on sait sur la qualité mais il semble qu’il y en ait qui n’ont toujours pas compris. Même Hollande a eu dans l’idée il y a 2-3 ans de vouloir contrôler le prix des carburants… Ces gens-là n’apprennent pas de leurs erreurs.
@Papito69 Bonjour, Quand vous parlez du prix du carburant en Amérique latine vous n avez pas du regarder l Uruguay ! http://www.ancap.com.uy/Precios%20Historicos/Listado%20de%20precios%20combustibles.pdf Pays où le gouvernement socialiste critiqué car il ne suivait pas la baisse du prix du brut, a finalement AUGMENTÉ le prix à la pompe! Le super est donc maintenant a 1.22 euros le litre alors que le salaire minimum net mensuel est 284 € et de 1133 € en France (source https://www.caf.fr/sites/default/files/cnaf/Documents/international/fiches%20pays/Uruguay_mai_2014.pdf)
Effectivement