La guerre civile est une politique comme les autres

Casseurs à Rennes, Paris, Nantes, manifs qui dégénèrent… L’État utilise-t-il à son profit le chaos social pour se maintenir ?

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La guerre civile est une politique comme les autres

Publié le 24 mai 2016
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Par Laurent Gayard.

By: Sylvain SZEWCZYKCC BY 2.0

En 1998, le philosophe Éric Werner évoquait, dans un ouvrage au titre éponyme, L’avant-guerre civile, s’inquiétant de la propension des États contemporains à user à leur profit des multiples tensions internes des sociétés contemporaines afin de légitimer leur pouvoir, distribuant ici et là des subventions, des droits, des statuts, des avantages à tel ou tel segment de la population, utilisant à leur avantage la destruction du tissu social, les conséquences de l’immigration de masse pour consolider une position d’arbitre incontournable dans un contexte de délitement postmoderne.

Les troubles liés à la contestation de la loi El Khomri donnent à nouveau l’occasion de vérifier la viabilité des thèses de Werner. La majorité des Français assistent en spectateurs médusés aux explosions de violence auxquelles donnent lieu les exploits des antifas et autres casseurs au nom d’un romantisme révolutionnaire et d’un projet anarcho-utopiste qui laissent nombre d’observateurs dubitatifs voire franchement atterrés. Pour les routiers et salariés qui tentent de bloquer autoroutes et raffineries, la remise en cause de la Loi travail et la question de la rémunération des heures supplémentaires restent le point essentiel d’un discours contestataire et de revendications salariales assez classiques.

Idéalisme destructeur

Pour les manifestants autoproclamés anticapitalistes qui ont dévasté les centres-villes rennais ou nantais, on a dépassé en revanche depuis bien longtemps ces préoccupations très terre-à-terre pour afficher des exigences nettement plus abstraites : « Pour rappel, NuitDebout c’est horizontal, c’est-à dire qu’il n’y a ni prises de position officielles, ni revendications officielles », rappelle de façon assez cryptique le compte Twitter du mouvement Nuit Debout rennais. La furie chaotique qui anime les casseurs se voudrait-elle simplement l’illustration d’un nouveau « mal du siècle », au chevet duquel se penchent les médias compatissants, et d’un projet de société « idéale » qui coûte surtout cher en mobilier urbain ?

Le spectacle des centres urbains de Paris, Rennes ou Nantes, livrés à la rage de demander l’impossible, irrite l’opinion publique et embarrasse le gouvernement dont on ne sait s’il a péché par incompétence ou amateurisme machiavélien. Les idiots utiles se trouvent à tous les étages de l’avant-guerre civile dont Éric Werner a très bien décrit les contours mouvants dans son ouvrage, il y a dix-sept ans. Avec une lucidité certaine, Werner détaillait alors le mécanisme de dislocation de la démocratie livrée à elle-même à la fin de la guerre froide. On peut d’ailleurs relier quelques réflexions à celle de Werner.

Fukuyama tout d’abord, énormément et quelquefois injustement moqué et dont La fin de l’histoire ne pronostique peut-être pas tant une fin de l’histoire globale que l’incapacité de l’homme occidental à s’inscrire encore dans cette histoire. Marcel Gauchet également, qui analysait ce système étrange d’une démocratie dont le triomphe absolu menace l’existence même, et dont les institutions ou les gouvernements n’ont plus pour fonction que de servir de self-service législatif à des sociétés atomisées et individualistes.

Werner va plus loin cependant dans L’avant-guerre civile. Le constat fait en 1998 dépasse celui de l’anomisme durkheimien. En encourageant une immigration de masse dont ils refusent paradoxalement d’assumer les conséquences en termes d’intégration sociale et culturelle, les États européens ont délibérément cherché à détruire le tissu social et attiser les tensions en son sein pour diviser et neutraliser l’opinion.

Gestion sécuritaire aberrante

La gestion de la question sécuritaire est par ailleurs aussi aberrante que le thème est central dans toutes les campagnes politiques d’importance depuis trente ans. Incompétence ou aggravation délibérée du climat sécuritaire et social ? Éric Werner ne doutait pas, en 1998, que la deuxième explication était la bonne : l’insécurité sociale, culturelle et physique est dans tout les cas un levier de pouvoir formidable et un instrument de contrôle des masses. Il s’agit donc de la susciter et de l’aggraver par une politique délibérée de culture du chaos dont la gestion des troubles liés à la loi El Khomri donne aujourd’hui un autre exemple.

On se demande en effet comment le gouvernement et le ministère de l’Intérieur ont pu laisser aller les choses aussi loin depuis les premières violences liées à Nuit Debout jusqu’aux saccages intervenus à Nantes ou Rennes. La police et la gendarmerie y sont logiquement les premières exposées : près de 400 blessés depuis le début des violences, sur lesquels les médias s’attardent moins que la malheureuse victime rennaise d’un tir de flashball.

Il est vrai que le syndrome Rémi Fraisse – après Malik Oussekine – étant très présent dans les esprits, les forces de l’ordre peuvent se plaindre à bon droit de ne jamais recevoir de directives claires ou de n’obtenir l’autorisation d’intervenir que quand la situation a déjà largement dégénéré. Syndicats et manifestants peuvent alors hurler à la répression policière tandis que l’opinion a sous les yeux le spectacle de casseurs brutaux et de syndicats irresponsables justifiant le recours à la violence au nom d’arguments et d’une rhétorique de la victimisation qu’une grande partie de l’opinion ne comprend plus.

C’est exactement le scénario pensé par Werner dans un contexte où frontières et autorités étatiques deviennent si floues qu’elles justifient l’emploi du vocable « d’avant-guerre civile » décrivant une situation de déliquescence avancée du pouvoir politique et de fragmentation territoriale qui prélude à des troubles bien plus graves. C’est ce contexte dont les gouvernements modernes tentent avec plus ou moins d’habileté de tirer parti pour maintenir un pouvoir fragile… et de plus en plus fragilisé par ce qui apparaît comme un cynisme bas du front et suicidaire.

Dans un ouvrage plus récent, publié en 2012, Le début de la fin et autres causeries crépusculaires, Werner retente à nouveau la démonstration faite dans L’Avant-guerre civile, cette fois sous la forme originale de brefs dialogues entre plusieurs archétypes qui s’entrecroisent, l’Avocate, l’Ethnologue, le Visiteur, l’Étudiante… Dialogues que l’auteur poursuit d’ailleurs sur son blog personnel, en livrant quelques analyses acides sur l’actualité la plus récente :

« Cela étant, les gens, parfois, se réveillent. Vous parlez de Verdun, dit l’Étudiante ? C’est très rare que le pouvoir recule, dit le Visiteur. Surtout quand des symboles sont en jeu. En règle générale, il ne cède pas. Là, en revanche, il a cédé. Cela mérite attention. Expliquez-moi, dit l’Étudiante. La peur est le commencement de la sagesse, dit le Visiteur. Ces personnels, je pense, ont eu peur : peur pour eux-mêmes, tout simplement. Peur qu’il ne leur arrive quelque chose. Juste quelque chose. Ils sont habitués à prendre des risques, dit l’Étudiante. Quand, dans ce domaine-là, les gens se réveillent, en règle générale cela fait particulièrement peur, dit le Visiteur. On ne sait jamais où cela mène, je veux dire : jusqu’où. »

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  • Il y a quelques jours le président a dit: c’est moi ou le chaos. Il semble que ce soit lui et le chaos.
    Il faut ajouter à l’analyse de Werner la duplicité… La paix, c’est la guerre…
    La démocratie s’effondre parce qu’elle a oublié les principes libéraux et leur conséquence: un Etat centré sur ses fonctions régaliennes.
    Il n’y aura pas d’issue tant que les hommes de pouvoir n’aura comme objectif que de perdurer
    « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’Homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression. » (DDHC art.2)

    • Cette loi est idiote!

      Il est quand même clair qu’on n’attendait pas ça d’un gouvernement socialiste: tous ceux qui ont voté socialiste doivent se sentir trahis, c’est évident!

      La droite, qui espère bien succéder à la gauche se voit couper l’herbe sous le pied: ils auront beau jeu de ne pas la voter parce qu’elle ne va pas assez loin!

      Droite qui pourra reprendre la main, une fois au pouvoir, et, par la même occasion montrer qu’ils réussissent là où la gauche a échoué, ce qui confirmera brillamment leur image dans leur rôle classique de droite, sans trahison.

      De plus, ils reprendront les mesures sécuritaires, autre trahison de la gauche, commodes pour tout pouvoir.

      Et si, en plus, ils peuvent recueillir les miettes d’une croissance qui, très lentement, revient dans les pays environnants, avec quelques emplois à la clé, ce sera tout bénef’ sans grand effort d’imagination.

      Ce projet de loi est donc stupide: le vote n’a pas encore eu lieu et la grogne des salariés (et des socialistes contestataires) n’est évidemment pas éteinte: l’emploi ne risque pas de se redresser brutalement avant les élections: nouveau pari perdu pour Fr.Hollande qui ne risque pas d’être réélu dans ce scénario!

      • Quant à la guerre civile, je n’y crois pas du tout mais que les 18-25 ans sans emploi voient là, une raison de se révolter, j’attendais ça depuis un bon moment! C’est une situation, en fait, dramatique qui fait maintenant partie du décor!

        • On n’y croit jamais, à la guerre civile, jusqu’à ce qu’elle arrive et qu’on ne puisse plus se masquer qu’elle est là, déjà là. quelques éléments, dont chacun individuellement ne fait pas une guerre civile, mais accumulés … :
          Le présiflan a officiellement prononcé le mot « guerre », appliqué à des gens qui ne sont pas des étrangers. Et qui ont bel et bien tué.
          La France est en « Etat d’urgence » et « vigipirate maximum ». L’armée patrouille dans les lieux « sensibles » (pas encore les rues, et on a pas encore « mobiliser » les réservistes ni remis en marche la conscription qui reste « suspendue », cependant). Les gardes-fous institutionnels contre les abus du pouvoir ont tous été levés, des abus ont été délibérément commis juste pour voir (garde à vue préventive de militants politiques n’ayant aucun rapport avec le prétexte de l’état d’urgence), et on a vu : aucune réaction, le pouvoir peut se lâcher ; il ne le fait pas juste parce que ça ne lui servirait à rien
          Les juifs, qui jouent le rôle social de « canari dans la mine », sont pris à partie de plus en plus violemment, ils émigrent.
          Émigrent également les prudents qui ont les moyens.
          L’expression « guerre civile » qui passe du niveau des commentaires de lecteur parano à celui de titre d’article (je sais pas ce qu’en dit « google trends, mais je ne serai pas surpris que ça monte là aussi)
          Il y a 2 semaines les manifestants ont voulu marcher sur l’assemblée nationale ; le cÅ“ur n’y était pas vraiment, on a donc éviter le remake gauchistes des émeutes de février 34, mais ça reste pas exclus

    • Exactement ! Tout à fait d’accord avec vous !
      J’ajouterai en plus « Les Représentants du Peuple Français, constitués en Assemblée Nationale, considérant que l’ignorance, l’oubli ou le mépris des droits de l’Homme sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des Gouvernements,… » et même tout le préambule de cette même DDHC de 1789, que nos soit-disant représentants piétinent avec leurs gros godillots. Cette Déclaration aurait du être gravée dans le marbre, sur les murs derrière les présidents de l’Assemblée et du Sénat.

      • La référence, fréquente en France, aux beaux textes de 1789 me fait toujours sourire un peu: ces textes étaient la « leçon » française donnée au « Monde »!

        La réalité qui a suivi 1789 et depuis est loin d’avoir traduit ces belles envolées textuelles et jusqu’à l’époque actuelle où la constitution de la Vième a établi durablement, semble-t-il, cette monarchie élective provisoire!

        Il y a donc bien une différence permanente entre intentions et réalité: cela n’a pas dû vous échapper! I

        l et ainsi paradoxal d’écrire « Le Coup d’État Permanent » et ensuite, de le pérenniser: exemple superbe du « masque et de la plume »! Par contre, les leçons françaises données au Monde, elles, ne changent pas!

  • La guerre civile est déjà commencée puisqu’il il y a déjà deux camps, qu’ils s’affrontent et qu’ils ne s’écoutent plus. Seule l’extrême gauche est dans la rue, pour l’instant. Il y aura un événement déclencheur qui fera se lever les silencieux, ceux qui pour l’instant s’inscrivent dans des stands de tirs, passent leur permis de chasse et s’achètent des armes.

    • Je dirais que l’élément déclencheur dans une éventuelle guerre civile pourrait être l’entrée en jeu des jeunes des cités issues de l’immigration qui ont pas mal de revendications et qui ont été encore plus malmenés par le gouvernement socialiste. Comme beaucoup l’ont remarqué, ils sont étonnement absents des manifestations … Pour le moment !

      • Les jeunes des cités sont dans le camp du « chacun pour soi mais tous pour moi ». Ca n’est aucun des deux camps, c’est le pillage tout simple.

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