Par Gaspard Koenig
Un article de Génération Libre
Lentement et à reculons, la classe dirigeante prend conscience de la faillite de l’étatisme. La France a besoin d’un État réinventé, se dressant face aux privilèges qui humilient, aux rentes qui excluent.
Qui ne s’affiche pas libéral ces temps-ci ? Le gouvernement socialiste multiplie les déclarations d’intention, depuis la libéralisation des professions réglementées jusqu’à celle du marché du travail. Parmi les candidats à la primaire de droite, c’est à qui supprimera le plus grand nombre d’impôts, à qui réduira davantage la dépense publique, à qui osera aller plus loin qu’Emmanuel Macron. Il faut sans doute y voir le signe que, lentement et à reculons, la classe dirigeante prend conscience de la faillite de l’étatisme, qui depuis le général De Gaulle semble être l’unique boussole de nos politiques publiques.
Fort logiquement, les caves se rebiffent. Gauche de la gauche et droite de la droite se retrouvent alliés objectifs pour s’opposer au (timide) déverrouillage de l’économie française, et en l’occurrence à la loi El Khomri, contre laquelle Florian Philippot et Jean-Luc Mélenchon dévident les mêmes arguments. Seule l’absurde rigidité de la Ve République et la malédiction du présidentialisme empêchent de nouvelles alliances parlementaires de se forger, et les réformateurs des deux camps, majoritaires dans le pays, de prendre le pouvoir. Il faudrait que les députés progressistes renversent le gouvernement par une motion de censure et forcent le président à nommer un Premier ministre et des ministres issus de leurs rangs. Et puis quoi, encore ? Comme si l’on était en démocratie, et que le pouvoir législatif pouvait décider des politiques de la Nation !
Mais il existe un obstacle plus fondamental à cette congrégation des centres : l’absence de références intellectuelles et historiques. La suppression des 35 heures ou la dégressivité des allocations chômage ne font pas un projet de société. C’est la place de l’État qu’il faut repenser de fond en comble.
D’où l’urgence de retrouver nos racines, sans attendre que les souverainistes s’en emparent. Dans son dernier essai, l’économiste Jean-Marc Daniel a sorti de leur paisible oubli les Feuillants, ces Jacobins restés fidèles au libéralisme tempéré de la Constituante. L’auteur les associe à la gauche par coquetterie, mais en ces temps où le clivage entre les deux grandes familles politiques émergeait à peine, tout libéral pourrait s’y retrouver (disons, pour simplifier, que de ce libéralisme originel sortiront au siècle suivant Proudhon et le socialisme autogestionnaire sur la gauche, Guizot et la tradition orléaniste sur la droite).
Ce que nous enseignent les Feuillants, c’est d’abord, pour reprendre l’expression de Jean-Marc Daniel, que « la liberté ne se partage pas ». Le libéralisme est un tout économique, politique et sociétal : avis aux « libéraux conservateurs » qui pullulent de nos jours. Il ne serait venu à l’idée de personne de séparer l’exercice des libertés individuelles et la « libre concurrence », dont l’abbé Sieyès fait l’éloge dès les premières lignes de son célèbre pamphlet Qu’est-ce que le tiers-État ?
Surtout, les Feuillants ne se dressent pas contre l’État. Ils en réinventent un nouveau, entièrement dévoué à assurer la liberté de l’individu : ce que l’historien Pierre Rosanvallon appellera le « jacobinisme libéral », qui marquera toute l’histoire du XIXe siècle. Ce n’est pas un hasard si l’on retrouve parmi eux Isaac Le Chapelier, l’auteur de la fameuse loi éponyme, qui abolissait d’un trait de plume toutes les corporations du pays, et donnait à chacun la liberté d’exercer le métier de son choix. L’État se dresse face aux privilèges qui humilient, aux rentes qui excluent, aux superstitions qui aliènent. Contre les kystes sans cesse reformés du corps social, il joue le rôle d’anticoagulant. Un rôle permanent, attentif, décisif. L’État donne à l’individu les moyens de son autonomie, sans préempter ses décisions.
Les Feuillants auraient fort à faire aujourd’hui. Ils briseraient les corps intermédiaires, ouvriraient les marchés aux outsiders, réinstaureraient l’égalité entre les citoyens (en supprimant le statut de la fonction publique, par exemple ?), adapteraient à notre modernité leur foi dans la propriété privée (sur les data ?). Gageons qu’ils militeraient pour les écoles autonomes et le revenu universel, une idée née dans les années 1790 sous la plume de Thomas Paine.
Vous voulez terminer la révolution ? Feuilletez les Feuillants !
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« …Gauche de la gauche et droite de la droite se retrouvent alliés objectifs pour s’opposer au (timide) déverrouillage de l’économie française, et en l’occurrence à la loi El Khomri, contre laquelle Florian Philippot et Jean-Luc Mélenchon dévident les mêmes arguments. »
Un des fondements d’une éducation réussie est la cohérence des injonctions parentales et particulièrement la cohérence entre leurs paroles et leurs actes.
A défaut, un enfant ne peut rien faire des propos contradictoires des adultes sauf se construire en défiance.
Au cas présent, il ne s’agit pas d’éducation mais la cohérence reste fondamentale pour que les électeurs comprennent un projet et y adhèrent malgré les craintes qu’ils peuvent éprouver à priori.
Ce qui mine la politique française, c’est la défiance des administrés face aux politiques.
Les progressistes de gauche comme de droite sont peut-être favorables à cette avancée mais globalement la population ne l’est pas si on en croit les sondages qui montrent 70% d’opposants au projet de loi.
La solution n’est donc certainement pas de passer outre cette opposition populaire par des alliances politiciennes mais pour une majorité gouvernementale de clarifier ses projets par rapport aux engagements qu’elle a pris, les yeux dans les yeux 🙂
Où est la cohérence entre le candidat François Hollande qui combattait il y a 10 ans les idées qu’il défend (un peu) aujourd’hui, qui détestait les riches et dont la finance était l’ennemi et le Président d’aujourd’hui dont personne ne comprend la stratégie s’il en a une ?
Comment ses électeurs et les autres pourraient-ils adhérer à une vision aussi brouillonne et velléitaire de changements dont il est incapable de justifier la nécessité à travers des paroles simples et vraies ?
Les progressistes ne devraient pas défendre ce projet de loi non parce qu’il est mauvais mais parce qu’il est entaché d’illégitimité.
L’essentiel devrait être de retrouver la confiance des électeurs en parlant et en agissant « vrai » et certainement pas en imposant quoi que ce soit par le haut au nom d’une quelconque Vérité.
Eh oui ! La cohérence…
Comment croire un seul instant que des marxistes peuvent se convertir à l’économie de marché. Il s’agit d’enfumage dont super menteur, à perdu toute crédibilité vis-à-vis de ses affidés. On n’efface pas des décennies de mensongeS par des mots et de leurs conséquences.
Quel gâchis !….
Je vous trouve malheureusement bien trop optimiste.
En France personne ne comprend rien à l’économie, d’ailleurs la majeur partie de la population est persuadée que le gouvernement mène une politique ultra-libérale…c’est dire le niveau…
A partir de ce moment je ne vois pas comment inverser le mouvement, quand la majeur partie de la population désire encore plus de paternalisme stallinomaoiste.
Le problème des français, et il est structurel je le crains, est que pendant trop longtemps, ils ont été habitué à un confort de vie, sans aucune responsabilité, sans aucune initiative (emploi à vie dans la fonction publique, protection hallucinante du statut de CDI, protection des locataires non payeurs, un rhume hop chez le médecin etc…)
Tout ce confort, non seulement n’est plus tenable économiquement parlant, mais en plus a littéralement atrophié et paralisé l’état d’esprit créatif, dynamique des français.
auteur éponyme de la loi et non pas l’inverse. C’est Le Chapelier qui donne son nom à la loi et non pas le contraire.