L’attitude des entreprises vis-à-vis du français

Les chefs d’entreprise ne se rendent pas compte des inconvénients de l’anglicisation, y compris pour leurs propres entreprises.

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L’attitude des entreprises vis-à-vis du français

Publié le 9 février 2016
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Par Yves Montenay.

Je ne vais pas revenir sur la présentation de mon livre « La langue française, arme d’équilibre de la mondialisation » (Les Belles Lettres), mais rappeler seulement qu’il comprend une histoire puis une géographie du français avec sa situation dans de nombreux pays et pour commencer en France.

J’insiste également sur l’Afrique qui pourrait donner à notre langue la première place mondiale vers 2050, À CONDITION qu’il y ait une bonne stabilité politique, une gouvernance normale. Et à la condition supplémentaire que les gouvernements africains ne cèdent pas à la pression, exercée actuellement par qui vous devinez, pour remplacer le français officiel par l’anglais, soit directement comme au Rwanda, soit indirectement en éliminant notre langue au profit d’une langue locale.

Je vais donc me limiter à un point précis, développé dans ce livre, qui concerne l’attitude des entreprises, vis à vis du français. Elles ont pour l’instant un rôle positif extrêmement important en Afrique francophone et au Maghreb. C’est en effet principalement grâce à elles que le français y progresse. Je dis « pour l’instant » parce que ce ne serait plus le cas si les entreprises françaises en Afrique s’anglicisaient comme en France.

En effet, en France, la pression de l’anglais est très forte, et sa progression impressionnante. Cela amène beaucoup de mes camarades de combat pour le français à traiter les chefs d’entreprise de traîtres. Ce à quoi ils ripostent en les traitant de ringards. Je trouve ce différend désastreux, car nous avons besoin de tout le monde et plus particulièrement des entreprises, car ce sont elles qui imposent la langue de travail, voire la langue tous les jours.

Il faut d’abord rappeler que les ouvrages en faveur de la langue française sont le fait d’intellectuels brillants, mais souvent fonctionnaires, enseignants par exemple. Il est donc assez naturel qu’ils ne connaissent pas le monde de l’entreprise et donc n’utilisent pas les meilleurs arguments pour le convaincre. Comme j’ai moi-même été cadre dirigeant puis chef d’entreprise dans une douzaine de pays, j’essaie de combler ce fossé.

De plus, par ignorance ou par conviction politique, beaucoup d’intellectuels français n’aiment ni le libéralisme, ni le capitalisme, ni les États-Unis, trois termes qui se recoupent largement dans leur esprit. Donc cet état d’esprit, l’enseignement qui le reflète, et in fine une bonne partie des décisions économiques de nos gouvernants sont « anti-entreprise », et cela depuis très longtemps : on pourrait remonter à Colbert. Il est donc assez naturel que beaucoup de chefs d’entreprise, de cadres, voire de Français de tous niveaux cherchant un emploi, aillent voir ailleurs. Et particulièrement dans les pays anglo-saxons où ils sont bien accueillis non seulement fiscalement, mais aussi et surtout avec la considération que l’on doit à ceux qui apportent l’emploi et le niveau de vie, en contrepartie d’un profit ou d’un emploi espéré.

Souvenez-vous que quelques mois après le début de l’actuel quinquennat, le Premier ministre britannique a déclaré aux entreprises françaises « venez chez nous, nous vous déroulerons un tapis rouge ». Or ces Français, une fois établis dans ces pays et après avoir vérifié que l’économie y fonctionne mieux, ont tendance à en adopter la langue et certaines de leurs idées, puis à les importer en France pour ceux qui ont un pied de chaque côté, comme la plupart de nos grandes entreprises. Ce sont donc nos idées économiques qui sont responsables de ce phénomène et plus généralement du déclin relatif de la France.

Cela étant dit, les chefs d’entreprise vont trop loin et ne se rendent pas compte des inconvénients de l’anglicisation, y compris pour leurs propres entreprises. Ils oublient que l’on travaille mieux et que l’on est plus créatif dans sa langue maternelle et qu’imposer l’usage de l’anglais stérilise leurs meilleurs ingénieurs et commerciaux. Combien de fois en ai-je vu ne pouvoir s’exprimer aussi bien que des anglophones pourtant moins compétents qu’eux ? Il y a bien d’autres arguments à donner, que vous trouverez dans mon livre, par exemple valoriser des compétences de tel employé d’origine portugaise pour discuter des clients de son pays d’origine, plutôt que de passer par l’anglais et de payer des formations linguistiques coûteuses et inefficaces.

En résumé, il faut convaincre les patrons et cadres qu’en faisant travailler les Français en français, ils améliorent les performances de leur entreprise, et qu’à côté de cela, pèsent peu les complications pratiques comme les coûts de traduction. Gérer au mieux le travail de ses collaborateurs à la fois pour l’entreprise et pour leurs carrières personnelles est le travail normal de tout responsable.

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  • « Ils oublient que l’on travaille mieux et que l’on est plus créatif dans sa langue maternelle et qu’imposer l’usage de l’anglais stérilise leurs meilleurs ingénieurs et commerciaux. »
    « Combien de fois en ai-je vu ne pouvoir s’exprimer aussi bien que des anglophones pourtant moins compétents qu’eux ? »

    Je fais de la recherche, moi et mes collégues travaillons 100% du temps en anglais alors qu’aucun de nous n’est anglophone mais francophone, hispanophone, etc… Niveau créativité, ne vous inquiétez pas pour nous on se débrouille très bien, et la langue n’a jamais été un problème.

    Par contre quand je lis votre article, je crois que le problème est surtout la compétence des français en langue étrangère. Même si le niveau s’améliore, la plupart des cadres en France ont des difficultés à s’exprimer et à travailler en anglais ou dans une autre langue étrangère.
    Bref, le problème n’est pas la langue, mais son apprentissage. Et clamer qu’il vaut mieux faire travailler tout le monde en Français c’est vraiment une négation du problème. Il est tout simplement anormal d’atteindre un niveau bac sans maitriser au mois une langue étrangère que ça soit l’anglais, l’allemand, l’italien, ou une autre.

    Enfin, je trouve vos propos d’un autre temps aussi parce que les équipes s’internationalisent de plus en plus. Si je travail en anglais, et que mon collégue travaille en bulgare, les échanges risquent d’être compliqués.

  • 1. la fascination de l’anglais est plus importante en France qu’en Suisse, en Belgique et au Québec. 2.L’anglais pénètre en Afrique par le canal de missions protestantes

  • Certains services dans les entreprises dans lesquelles je suis passé sont une caricature de ça, avec une utilisation de l’anglais qui frôle le ridicule, notamment dans les services marketing et commerciaux.

  • Merci pour cet article.
    C’est évidemment aux autres de s’adapter aux français, et non l’inverse.

  • « à côté de cela, pèsent peu les complications pratiques comme les coûts de traduction. »

    C’est certain : Yaka fournir une (un ou une pour respecter les quotas) secrétaire bilingue (en respectant les quotas ethniques) à chaque cadre (et technicien ou employé pour respecter les quotas de classe) afin de traduire en anglais (et en allemand, espagnol, italien … basque, corse, breton … taa, artchi, silbo, rotokas … pour respecter les quotas et les minorités).

    On peut aussi laisser ces traitres de chefs d’entreprise décider de ce qui est bon pour leur entreprise et les marchés sanctionner les ringards qui font les mauvais choix. Mais c’est peut-être trop turbo-ultra-libéral ?

  • Mon employeur (Peugeot) a un jour mis toutes les communications téléphoniques automatiques en anglais pour obtenir un numéro de conférence audio sur Paris et être dirigé vers une réunion. J’ai réagi devant les délégués du personnel en citant les lois et le lundi suivant, tout était redevenu normal et nous pouvions de nouveau nous réjouir de parler français et de ne plus passer pour des benêts devant les employés de langue anglaise. Cela m’a fait un plaisir immense puisque j’étais le seul à être monté au créneau. Beaucoup m’ont remercié pour ce petit service.
    la langue officielle de la République française est le français (article 2 de la Constitution de 1958).
    Loi n°94-665 du 4 août 1994, (NOR:MCCX9400007L), version consolidée au 22 juin 2000.
    Article 1 : la langue française est un élément fondamental de la personnalité et du patrimoine de la France.
    Elle est la langue de l’enseignement, du travail, des échanges et des services publics.
    Elle est le lien privilégié des États constituant la communauté de la francophonie.
    Article 2 : Dans la désignation, l’offre, la présentation, le mode d’emploi ou d’utilisation, la description de l’étendue et des conditions de garantie d’un bien, d’un produit ou d’un service, ainsi que dans les factures et quittances, l’emploi de la langue française est obligatoire.

  • Une langue n’est pas qu’un outil, un moyen d’échange, c’est aussi un mode de pensée et le reflet d’une société.

    Le globish est un peu comme un bernard-l’hermite, qui n’attend qu’à occuper une coquille vide.

    Aujourd’hui un certain nombre de jeunes et « d’élites » ont en quelque sorte « honte » du français (et d’être français), et trouvent que parler l’anglo-américain est plus « hype », moderne, pratique, etc. alors que nos élites et élus devraient par devoir d’exemple promouvoir le français par un parler sobre et formel, ils s’en détournent par une pseudo-novlangue médiocre sans acribie (qui fait notamment des ravages dans l’éducation) et par des emprunts anglais pour pouvoir paraître mondain, cosmopolite, moderne…
    (Ce qui est triste c’est que la langue française est à l’étranger encore synonyme d’art de vivre, chic.)

    La vivacité de la langue française est fonction du respect qu’ont les Français et les étrangers de la France et de l’image qu’elle renvoie : quand l’économie ira mieux, qu’il y aura un véritable programme politique sur le régalien, moins d’interventions militaires à la con à l’étranger (donc moins d’aplaventrismes sur les mauvais choix de Washington de la part de notre personnel politique) une grande réforme de l’éducation « nationale » en une véritable instruction publique (plus grande autonomisation des établissements, chèques édu -> dépolitisation de l’enseignement, etc.) une réforme des banlieues et retour du régalien dans des zones de quasi non-droit (moins de laxisme vis-à-vis des droits individuels, dépénalisations des drogues, moins de collectivisme -> moins de clientélisme) puis finalement une plus grande confiance des élus et du peuple en la société civile et les individus qui entreprennent, alors et seulement alors la France pourra aller mieux et au bout de quelques temps après un peu d’inertie, la langue française vivra vraiment à nouveau, en France et ailleurs.

    La lutte contre les langues régionales et vouloir des lois interdisant l’anglais (comme au Québec) sur les enseignes ou le fait de pleurer sur le « malheur » des nouvelles technologies et de leurs effets supposés négatifs sur la langue (bizarrement ils n’ont pas ce problème au Japon, à Singapour ou en Corée du Sud) ne fait que traduire une peur fallacieuse de perdre notre identité sous des assauts « étrangers », comme si cette dernière avait une faiblesse inhérente pour se répandre librement face à la mondialisation, croire qu’on organise sa « défense » en agissant ainsi c’est au contraire signer son arrêt de mort…

    Si la langue française venait à disparaître pour se substituer à l’anglo-américain qui se répand essentiellement par séduction, « libéralement », ce serait assez ironique, sachant que notre langue s’est imposée en France notamment en province et à l’étranger en grande partie par la coercition étatique : colonisation dont les vestiges sont encore visibles, et par des subventions via les Alliances françaises…

    Quelques citations pour finir.

    « Une culture établie, protégée, subventionnée, constituée en église ou chapelle vivant aux dépens du public risque fort de n’être qu’une fausse culture.(..) La vraie culture, le vrai sport, l’art véritable comme la vraie religion, est plus réellement démocratique. Elle est plus réellement et plus spontanément demandée. Elle ne va pas de haut en bas, jusqu’au peuple, à partir de mystérieux arcanes habités par des grands prêtres » (Raymond Ruyer)

    « La chose la plus importante que j’ai apprise est que les cultures n’ont pas besoin d’être protégées par les bureaucrates et les forces de police, ou placées derrière des barreaux, ou isolées du reste du monde par des barrières douanières pour survivre et rester vigoureuses. Elles doivent vivre à l’air libre, être exposées aux comparaisons constantes avec d’autres cultures qui les renouvellent et les enrichissent, leur permettant de se développer et de s’adapter au flot constant de la vie. La menace qui pèse sur Flaubert et Debussy ne vient pas des dinosaures de Jurassic Park mais de la bande de petits démagogues et chauvinistes qui parlent de la culture française comme s’il s’agissait d’une momie qui ne peut être retirée de sa chambre parce que l’exposition à l’air frais la ferait se désintégrer. » (Mario Vargas Llosa)

    « Depuis le temps que la France « rayonne », je me demande comment le monde entier n’est pas mort d’insolation. » (Jean-François Revel)

  • PSA a une charte éthique dont le 5è comportement énonce : « Les solutions contraires à l’intérêt général sont interdites ».
    PSA trahit les intérêts français en demandant à ses employés de traduire leur savoir faire en anglais et ensuite de le mettre à disposition de R&D Chine composé en partie de Chinois résidant en Chine, et donc assujettis au bon vouloir de leur Etat qui peut à tout moment renvoyé PSA en France sans juste dédommagement. Il s’agit purement et simplement d’un dépouillement du savoir faire français pour le donner à la Chine sans compensation pour ces dits Français.

    La règle N° 15 de la charte éthique nous donne le devoir de nous préoccuper des intérêts de la société.
    Règle n° 15 : Représentation de la Société
    Chaque salarié(e) est porteur de l’image du Groupe et de ses marques.
    Il s’engage à éviter tout acte de dénigrement du Groupe, de sa stratégie, de ses dirigeants et de ses produits. Lors des événements, colloques, séminaires, où il représente l’entreprise, il veille à conserver une conduite conforme aux valeurs du Groupe. Les présentations du Groupe ou de ses activités réalisées à ces occasions fournissent des informations conformes à la réalité, tout en respectant la confidentialité requise et en assurant la promotion de l’image de la société.

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