Par Thierry Godefridi.
« Ne nous laissons pas ubériser ! » clament les chauffeurs de taxis confrontés à la concurrence de la plate-forme de service qui met à la disposition de ses utilisateurs des voitures de tourisme avec chauffeurs. Dans The Forecast, un sous-produit annuel dérivé de leur magazine principal, les rédacteurs du Monocle, eux-mêmes confrontés dans leur métier à la concurrence de l’édition numérique et bien décidés à ne pas se laisser ubériser le papier par les octets, donnent quelques conseils de survie aux prestataires traditionnels de cet autre métier séculaire qu’est le transport de personnes.
Rappelant aux chauffeurs de taxis que le transport aérien souffre depuis plusieurs années de la propension des consommateurs à opter pour des services à bas prix et/ou à forte commodité qui se propagent aussi dans d’autres secteurs du tourisme (plates-formes de location ou de réservation en ligne) et d’activité (distribution de productions audio-visuelles, boutiques en ligne), les rédacteurs du magazine londonien sont d’avis que rien ne sert de maugréer et de se lamenter et que les moyens de prévaloir sur la concurrence en ligne restent nombreux pour le secteur traditionnel.
The Forecast prend comme étendard des taxis traditionnels la compagnie japonaise Nihon Kotsu dont les 7.000 voitures d’une propreté irréprochable, pilotées par des chauffeurs d’une tenue et d’une courtoisie qui le sont tout autant, lui ont permis de se démarquer de la concurrence à moindre prix. La seule manière pour les chauffeurs de taxis de la vieille école de contrer la concurrence nouvelle, avance-t-il, est d’offrir quelque chose que leurs rivaux ne peuvent pas : connaissances approfondies, flexibilité et service plus courtois.
Voici les dix recommandations concrètes que formulent les voyageurs impénitents de ce magazine “art de vivre” aux chauffeurs de taxis traditionnels :
1) Get in the mood. Quand votre ville abrite un événement marquant, culturel ou autre, mettez-vous dans l’ambiance.
2) Listen up. Permettez à vos clients d’écouter leur propre programme musical au moyen d’une station d’accueil pour téléphone intelligent. Ne leur imposez pas le vôtre.
3) Cash out. Offrez à vos clients de payer la course par carte de crédit ou de débit et évitez-leur de devoir se précipiter vers un guichet de banque.
4) Put a cap on it. Pratiquez des tarifs tout compris. Chacun apprécie le privilège d’un transport en taxi au départ d’un aéroport ou d’une gare mais n’est pas nécessairement prêt à y consacrer un billet de 100 €.
5) Up customer service. La suffisance dans laquelle beaucoup de chauffeurs de taxis se complurent en l’absence de toute concurrence n’est plus de rigueur. Soignez la prestation.
6) Sell harder. Pourquoi ne vendriez-vous pas des produits de première nécessité, boissons rafraîchissantes, bonbons à la menthe ou mouchoirs en papier, à vos clients en cours de route ?
7) Clean up. Soyez fier d’exercer votre métier dans un véhicule propre dont les vitres fonctionnent et prévoyez un déodorant pour éliminer les effluves de clients précédents à l’hygiène défaillante.
8) Be accountable. Montrez-vous responsables et faites apparaître vos coordonnées avec un numéro de téléphone sur le reçu de manière à ce qu’un client qui aurait oublié quelque chose dans votre véhicule puisse vous contacter.
9) Mind your manners. Attention à vos manières ! Vous êtes les premiers ambassadeurs de votre ville. Que penseriez-vous d’aider vos clients à ranger leurs bagages et d’apprendre des bribes d’allemand, d’espagnol, d’italien ou… d’anglais ?
10) Best practice. Montrez-vous en toutes circonstances les conducteurs les meilleurs et les plus affables. Soyez respectueux des cyclistes et des piétons, que vous ayez pris des passagers en charge ou non.
Après cette leçon de savoir-faire commercial aux chauffeurs de taxis, puissent les rédacteurs du magazine Monocle à présent prodiguer quelques conseils de savoir-vivre à ces convives qui à table se sentent obligés, même entre eux, de communiquer par smartphone en vue de les dés-ubériser et de leur redonner goût aux plaisirs de la présence d’autrui et d’un échange suivi de vive-voix, malgré la redoutable concurrence du virtuel…
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Lire sur Contrepoints nos articles consacrés à l’ubérisation
Pour ma part, les taxis en France sont pour moi un service de luxe que je ne peux me permettre et qui n’a aucune plus-values (cf recommandations de cette article) à me proposer pour m’inciter à utiliser leurs services. De plus, leurs récents agissements, témoignage de leur mentalité, ont forgé une réputation qui m’a braqué à leur égard. Ils ne sont pas prêts de me voir comme client.
Si les taxis professionnels ne devaient appliquer qu’une seule règle Uber, çà serait la notation, là, le nettoyage – si je puis dire – serait vite fait.
Listing inintéressant de bonnes pratiques pour les fournisseurs de transports aux particuliers. À quand le petit livre rouge pour augmenter les conseils des bonnes pratiques ?
Non que je m’oppose à Uber ou que je sois le défenseur du régime actuel des taxis, mais là cette liste me semble inepte, trop centrée sur le point de vue du consommateur, et ne s’interrogeant pas sur les différences entre les contraintes qui pèsent sur les producteurs. C’est là que gît la question politique : l’auteur pose ses exigences du point de vue de la demande, mais pourquoi y a-t-il des disparités dans les réponses de l’offre ?
Cela étant, le culte de l’uberisation me laisse encore sceptique, et à ce ce sujet je ne peut me défaire de ces propos de Bastiat :
« Si donc on veut comparer deux états sociaux, il ne faut pas recourir à une mesure de la valeur, par deux motifs aussi logiques l’un que l’autre : d’abord parce qu’il n’y en a pas ; ensuite parce qu’elle ferait à l’interrogation une réponse trompeuse, négligeant un élément considérable et progressif du bien-être humain : l’utilité gratuite.
Ce qu’il faut faire, c’est au contraire oublier complétement la valeur, particulièrement la monnaie, et se demander : Quelle est, dans tel pays, à telle époque, la quantité de chaque genre d’utilité spéciale, et la somme de toutes les utilités qui répond à chaque quantité donnée de travail brut ; en d’autres termes : Quel est le bien-être que peut se procurer par l’échange le simple journalier ?
On peut affirmer que l’ordre social naturel est perfectible et harmonique, si, d’un côté, le nombre des hommes voués au travail brut, et recevant la plus petite rétribution possible, va sans cesse diminuant, et si, de l’autre, cette rémunération mesurée non en valeur ou en monnaie, mais en satisfaction réelle, s’accroît sans cesse. »
Je me répond à moi même non pour ajouter à mon propos, mais pour souligner la question centrale que je n’ai pas graissée :
Quel est le bien-être que peut se procurer par l’échange le simple journalier ?
C’est à cette question, au cœur de l’uberisation, que répond le dernier paragraphe. Est-ce un progrès ou une régression ?
C’est un choix individuel. Personne ne peut se substituer à toi ou moi pour savoir ce qui est bon pour toi ou moi (bien-être). C’est une notion objective pour celui qui choisit mais subjective vu des autres. Quand j’entends « si j’étais toi, je ferais ceci ou cela » me fait toujours sourire car il n’y a pas de comportement standard.
C’est d’ailleurs un des reproches fait au socialisme de vouloir rendre les gens heureux malgré eux (taxes comportementales par exemple, assurances obligatoires etc…).
Donc pour répondre à ta question : ce sera un progrès pour certains et une régression pour d’autres. Mais en réalité un choix n°2 c’est un choix supplémentaire c’est du bonheur en plus pour ceux que ne se satisfaisait pas du choix n°1 unique, et donc c’est du bien-être en plus pour tous, c’est mathématique.
Le fait qu’une offre commerciale soit « trop centrée sur le point de vue du consommateur » me laisse sans voix, plongé dans un abime de perplexité, tant j’ignorais qu’il put en être autrement.
Quand aux différentes contraintes qui pèsent sur les acteurs de ce marché, leur origine étatique est bien connue. Supprimons les contraintes et nous supprimerons pour le coup les différences qui vous chagrinent.
« La seule manière pour les chauffeurs de taxis de la vieille école de contrer la concurrence nouvelle, avance-t-il, est d’offrir quelque chose que leurs rivaux ne peuvent pas : connaissances approfondies, flexibilité et service plus courtois »
Bah non, c’est d’offrir au moins la même chose et mieux si besoin.
« 1) Get in the mood. Quand votre ville abrite un événement marquant, culturel ou autre, mettez-vous dans l’ambiance. »
On voit bien que l’utilisateur ne sait pas que le taxi travaille au lieu de visiter ou s’imprégner de je ne sais quoi qui ne fait pas manger.
« Permettez à vos clients d’écouter leur propre programme musical au moyen d’une station d’accueil pour téléphone intelligent. »
Ça coûte combien de s’adapter à toutes les plateformes musicales quand le client veut payer le moins cher possible ?
« Pourquoi ne vendriez-vous pas des produits de première nécessité, boissons rafraîchissantes, bonbons à la menthe ou mouchoirs en papier, à vos clients en cours de route ? »
La législation française n’est pas très connue de l’auteur, le commerce et le service n’ont pas grand chose à voir dans la législation française. L’utopie est de rigueur chez contrepoint ?
« Soyez fier d’exercer votre métier dans un véhicule propre »
Vu la clientèle des taxis je rigole !!! Entre les clients qui puent, ceux qui dégueulent, ceux qui bouffent dans le taxi, le chauffeur ne gagne rien si il a les 3 dans la même journée.
« Montrez-vous responsables et faites apparaître vos coordonnées avec un numéro de téléphone sur le reçu de manière à ce qu’un client qui aurait oublié quelque chose dans votre véhicule puisse vous contacter. »
Merci d’enfoncer des portes ouvertes, c’est obligatoire les coordonnées sur le reçu sinon c’est pas un taxi.
« Montrez-vous en toutes circonstances les conducteurs les meilleurs et les plus affables. Soyez respectueux des cyclistes et des piétons, que vous ayez pris des passagers en charge ou non. »
Rien qu’en allant à mon taf tous les matins je me rend compte que les cyclistes font n’importe quoi (feux rouges inexistants), les piétons traversent n’importe où, et l’automobiliste roule comme il veut.
On voit bien ici l’esprit bien français où seul l’autre est responsable de ses propres problèmes.
Il y a des taxis complètement idiots et des clients complètements indécents. En revanche l’objectivité c’est pas très français.