La progressivité de la CSG est une erreur fiscale

L’Assemblée Nationale vient d’adopter l’amendement Ayrault, qui vise à introduire une dose de progressivité dans la contribution sociale généralisée.

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La progressivité de la CSG est une erreur fiscale

Publié le 22 novembre 2015
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Par Marc Lassort

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cotisations-Chris Potter-Prescription Prices(CC BY 2.0)

 

L’amendement Ayrault qui vise à introduire une dose de progressivité dans la contribution sociale généralisée (CSG) et à la fusionner avec l’impôt sur le revenu vient d’être adopté par l’Assemblée nationale à 35 voix contre 21.

L’idée de Jean-Marc Ayrault, soutenue depuis longtemps par les frondeurs du PS, était de rendre la CSG dégressive en modulant son taux sur les bas salaires, soit entre 1 et 1,34 smic. Problème : cette réforme cruciale de la CSG, adoptée par un Parlement presque vide, est anticonstitutionnelle. Le Conseil constitutionnel avait déjà retoqué une mesure socialiste en 2000 qui était censée moduler le taux de la CSG en fonction des revenus. Le Conseil s’était appuyé sur le fait que la CSG est considérée comme une cotisation sociale visant au financement de la protection sociale, et non comme un impôt qui peut être conçu comme un outil fiscal de réduction des inégalités de revenus.

Les avantages de la CSG sur l’IR

L’instauration d’une progressivité de la CSG et donc de barèmes différenciés en fonction des revenus, une idée défendue depuis longtemps par Thomas Piketty, viendrait nuire profondément à l’efficacité du prélèvement. Comme on le sait, la CSG a des avantages majeurs sur l’IR : des taux faibles proportionnels sur des assiettes fiscales étendues sans niches fiscales, contre un barème très progressif allant d’une exonération totale pour la moitié des contribuables à un taux de 45 % pour les revenus supérieurs à 150 000 €, couplé à d’innombrables niches et une assiette limitée. La force de la CSG tient notamment à son caractère universel, à la simplicité de sa collecte, à l’étendue de l’assiette fiscale et à la proportionnalité de l’imposition.

Pour établir une comparaison, l’assiette de la CSG est équivalente à 72 % du revenu national, tandis que l’ensemble des revenus déclarés au titre de l’impôt sur le revenu (soit l’assiette fiscale) n’en représente que 59 %. De plus, même si certains revenus sont exonérés de la CSG, notamment certains minima sociaux, livrets d’épargne populaires ou revenus de remplacement, la proportionnalité du prélèvement exclut la possibilité d’y échapper, alors que les niches fiscales sont pléthore pour l’IR.

En matière de taux, les revenus d’activité et de remplacement sont taxés à 7,5 % sur la quasi-totalité du salaire brut, tandis que les revenus du capital sont taxés à 8,2 %. Le taux était de 1,1 % lors de la création de la CSG par le gouvernement de Michel Rocard en 1991, et puis a été augmenté sous Balladur, sous Juppé, pour atteindre 7,5 % sous Jospin. Quant aux revenus du capital, le taux de la CSG est passé à 2,4 % en 1993, 3,4 % en 1997 et à 8,2 % en 2005, son taux actuel. Quant à la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS), le taux proportionnel est de 0,5 % pour l’ensemble des revenus.

 
Revenus imposés au titre de la CSG en 2012
Revenus imposés au titre de la CSG en 2012

 

Pourquoi s’attaquer à l’impôt qui fonctionne le mieux ?

Le rendement total de la CSG est passé de 14,4 Md€ en 1995 à 93,8 Md€ en 2014, suite à un relèvement régulier des taux. Le rendement de la CSG est clairement le plus important par rapport aux autres types d’impôts sur les revenus comme l’IRPP, dont le montant total était de 70 Md€ en 2014, ou l’IS qui était de 36,2 Md€. La grande différence est que la CSG sert au financement de la protection sociale (prestations familiales, assurance maladie, vieillesse et dépendance), tandis que les autres impôts sont alloués au budget général de l’État.

La modulation du taux de CSG par rapport au montant des revenus serait donc une erreur majeure qui risquerait d’enrayer la mécanique bien huilée du prélèvement. La baisse dégressive de la CSG pour les bas salaires serait compensée par une baisse voire une suppression de la prime d’activité, qui consisterait en une fusion de la prime pour l’emploi et du RSA activité, mais augmentera probablement le coût de collecte.

Impôts sur les revenus-En milliards d'euros
Impôts sur les revenus-En milliards d’euros

 

Conclusion

Comme le rappelle Hervé Mariton, qui reprend les propositions de l’IREF sur la flat tax, c’est donc tout le contraire de l’amendement Ayrault qu’il faut faire. La CSG doit conserver des taux faibles et une assiette large, et la réforme de l’IR doit s’inspirer du modèle de la CSG. Comme le propose l’IREF depuis longtemps, il est temps de supprimer les niches fiscales en instaurant un impôt proportionnel sur le revenu sur le modèle de la CSG, avec un taux unique de 15 % pour les revenus supérieurs à 8 000 € par an. Quant à la CSG, il serait souhaitable de maintenir un taux faible voire de le réduire. Car toute augmentation de ce taux consisterait en une baisse quasi immédiate du pouvoir d’achat des salariés, puisqu’elle entraînerait une baisse immédiate du salaire net une fois amputé des cotisations sociales. Espérons donc que le Conseil constitutionnel viendra retoquer cette mesure qui s’oppose aux principes d’universalité et de proportionnalité qui présidaient à la création de la CSG. Les cotisations sociales doivent financer la protection sociale, elles ne doivent pas combattre les inégalités.

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