À la recherche du nombre magique… En étudiant les présentations des majors pétroliers lors des résultats du T3 2015, telle est l’impression qui se dégage.
Quel sera le cours futur du baril auquel « nous devons équilibrer notre cash-flow » ? 50 $ ? 60 $ ? Quels cours du baril futur ciblent les majors pétroliers ?
Par Aymeric de Villaret.
La forte chute du baril depuis un an a entraîné une grande révision stratégique de tous les pétroliers avec une baisse importante des dépenses d’investissements de manière à pouvoir être « cash-flow positif » si l’environnement pétrolier demeurait aussi déprimé qu’il ne l’est actuellement. L’américain Chevron dans une de ses diapositives lors de la présentation de ses résultats résume bien cette problématique :
Le tout est de savoir ce que l’on entend par environnement déprimé… Pour cela, nous avons regardé les différentes présentations des majors pétroliers à l’occasion de la publication des résultats du 3ème trimestre 2015 et le message a été quasiment identique
BP
A exposé l’évolution des prix futurs (sur les marchés)…
… avec une courbe indiquant à l’horizon 2019-21 un prix futur de 60-65$.
Royal Dutch Shell : 60$
D’une neutralité du cash-flow de l’ordre de 100$ le baril de 2010 à 2014, l’équilibre est recherché à 60 $ !
Total : 60 $
ENI : 55$
Le groupe italien, qui vient de céder une partie de sa filiale dans les services pétroliers Saipem, vise encore plus bas avec un objectif d’équilibre de 55 $/baril
Où sont les prix et que disent les analystes ?
Les cours actuels – toujours dans la zone des 45-55$/b
Depuis début septembre et après la chute vers les 40$, le Brent évolue dans une zone des 45-55$ évoluant en fonction de la hausse des stocks de produits américains, du ralentissement de la demande en Chine, de la baisse du nombre de rigs de forage aux États-Unis. Le marché cherche le nombre magique et en attendant une tendance claire se dessinant, semble prendre une position d’attente en restant pour le moment dans la zone des 45-50$/baril.
Les prévisions de la part des analystes financiers
Comme les marchés, les analystes sont prudents et ne tablent pas sur de rebond à court terme. Pendant ce temps,
Les forages aux États-Unis au plus bas et la production recule…
Et l’évolution des forages aux États-Unis, qui en début d’année avait montré une forte chute, indique de nouveau un recul marqué alors que sa stabilité avait semblé indiquer que l’huile de schiste avait trouvé son point d’équilibre :
Le graphe ci-après montre bien que la baisse du nombre de rigs s’est arrêtée mi-juin avant une petite progression et de nouveau un fort déclin :
À 578 forages au 30 octobre, le chiffre est le plus bas de 2015. Cela incite à penser qu’aux niveaux de baril actuels, seuls sont mis en forage, des puits « profitables » et que la formidable hausse de production américaine relève du passé.
Production américaine en recul… et quasiment plus de croissance par rapport à il y a un an…
La baisse des forages aux États-Unis a entraîné depuis le milieu de l’été une baisse très nette de la production américaine. Et ainsi, alors qu’en début d’année la variation annuelle montrait une croissance de 1 Mb/j (voir plus au printemps), celle-ci n’est plus actuellement que de l’ordre de 150 kb/j… Et les prévisions sont même maintenant pour 2016 d’une stabilité, voire d’une baisse de production :
Ainsi avec une reprise de la demande, la demande de pétrole fournie par l’OPEP va augmenter
Même si celle-ci n’est pas très forte, elle est en hausse de 1,2 Mb/j en 2016, contre 1,8 Mb/j en 2015 et cela alors que la croissance de production américaine devrait être nulle et que tous les projets à points morts élevés sont au ralenti… Du coup, l’OPEP va voir sa demande de pétrole monter :
Conclusion : ce nombre magique est-il si important ?
En posant la question, nous y répondons plus ou moins… Car quel intérêt de le connaître ? Bien sûr, cela permet de fixer des objectifs, de voir l’avenir avec prudence, d’éviter des erreurs car nous savons tous que les prévisions passées ont souvent (même très souvent) été peu réalisées. En revanche, il nous semble qu’avec un nombre de 50-60 $, les pétroliers se donnent une bonne marge de sécurité et que du coup, le moment où le baril repartira, les cash-flows libres n’en seront que d’autant plus impressionnants. Et cela tout en ayant maintenu (voire pour certains américains) monté leur dividende…
http://stockcharts.com/h-sc/ui?s=$WTIC&p=W&b=3&g=0&i=t64664583319&a=309540155&r=1391796418201
Les cours sont fermement logés sous les résistances représentées par les moyennes mobiles courtes. Compte tenu du ralentissement économique mondial (ralentissement de la demande) et de la vitalité du dollar (avec la hausse des taux en perspective), il faudrait un choc géopolitique (un ralentissement de l’offre significativement plus marqué que celui de la demande) pour que les cours dépassent ces résistances dans les prochains mois. Pourquoi pas ? Si les producteurs aux USA ou ailleurs sombrent dans des faillites en chaîne, ceux du Golfe, avec l’opportunisme qu’on leur connaît, n’auront plus de raison de dilapider leurs précieuses réserves à vil prix et adapteront leur production au rythme de croissance de la demande. Mais au vu de ce qu’on observe du présent, une spectaculaire jambe de hausse dont le baril de pétrole a le secret n’est pour l’instant qu’une hypothèse. Et il manque encore un sell-off , façon panique, pour conclure la tendance initiée à l’été 2014.
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