Par Jasmin Guénette.
Province de Québec, printemps 2012 : les sirènes de police balaient le centre-ville de Montréal, en proie à des manifestations quasi quotidiennes impliquant des milliers d’étudiants. Si la plupart arpentent les rues de façon pacifique, d’autres renversent des autos patrouilles et fracassent des vitrines, au milieu des gaz lacrymogènes. C’est ce qu’on a appelé le Printemps érable.
Le grief de ces jeunes en colère : la décision du Premier ministre du Québec, Jean Charest, d’augmenter les droits de scolarité de 1625 dollars canadiens sur 5 ans, pour les faire passer à 3793 dollars canadiens par année. Malgré cette augmentation, les étudiants québécois paieraient toujours bien en-deçà de ce que paient en moyenne les étudiants des autres provinces canadiennes.
Les universités québécoises sont aux prises avec de lourds déficits budgétaires, qui menacent leur compétitivité et la qualité des programmes offerts. Les dirigeants des universités et plusieurs experts disent souhaiter que le débat public ne se concentre pas uniquement sur les frais de scolarité aux études, mais aussi sur la qualité de l’enseignement.
Malgré les appels au calme, les manifestations persistent et s’amplifient. Vers la fin du Printemps érable, le gouvernement propose de réduire la hausse annuelle prévue des frais de scolarité et de bonifier les prêts et bourses, une offre largement avantageuse pour les étudiants pauvres ou issus de la classe moyenne. Cependant, rien n’y fait. Les manifestations ne cesseront que longtemps après.
Le gouvernement de l’époque perdra les élections quelques mois plus tard et le nouveau gouvernement annulera par décret la hausse des frais de scolarité.
L’exemple français
Ces émeutes, dont les images ont fait le tour du monde, ont eu ceci de positif qu’elles ont remis les questions de politiques éducationnelles à l’avant-scène des débats publics.
Pour plusieurs syndicats étudiants québécois comme français, la gratuité de l’éducation universitaire est souhaitable et nécessaire pour assurer l’accès à une éducation de qualité pour tous. Si cette proposition peut sembler convaincante à première vue, elle entraînerait en réalité des conséquences néfastes pour la qualité de l’éducation.
En tant que vice-président de l’Institut économique de Montréal, un think tank qui étudie les politiques publiques sous un angle économique, je me suis rendu en France au début du mois de mai, afin de mieux comprendre le système français d’études supérieures et voir si celui-ci peut servir d’exemple pour le Québec. Avec mon collègue, j’ai passé une semaine à Paris et à Lyon pour mener des entrevues dans le contexte d’un court documentaire que nous allons rendre public en septembre.
Comme nous le faisons dans le domaine de la santé, où nous avons analysé comment la plupart des pays européens réussissent à bien intégrer le privé et le public dans un système qui offre l’accès des soins pour tous, nous croyons qu’il est possible d’en faire autant en éducation. C’est-à -dire d’avoir un système d’enseignement supérieur accessible à tous, qui offre une liberté de choix aux étudiants sur la base de la concurrence et la diversité.
À ce chapitre, la France peut servir d’inspiration pour le Québec. Pour ce court documentaire vidéo, j’ai interviewé des élèves, des professeurs et des dirigeants de Grandes Écoles. Ces intervenants montrent comment la France a réussi à mettre en place un réseau d’établissements d’enseignement supérieur de grande qualité qui offrent une alternative aux étudiants qui ne veulent pas étudier dans les universités publiques. Cette liberté de choix, cette concurrence entre le privé et le public, n’existent pas au Québec, où il n’y a que des universités publiques. C’est dans cette perspective que la France peut servir d’inspiration pour le Québec, puisqu’elle permet l’existence de ce système parfois public, parfois privé, de Grandes Écoles, avec différents modèles de frais de scolarité.
Ceci est le premier d’une série de quatre billets de blogue qui présentera la démarche et certaines des idées et commentaires que vous pourrez voir dans ce court documentaire. Notre thèse est que le système d’enseignement supérieur français peut servir de modèle pour le Québec. Nous sommes clairement en faveur d’une plus grande liberté en éducation. Mon travail ne vise pas à identifier les pour et les contre des Grandes Écoles mais plutôt les pistes de solutions possibles pour améliorer l’éducation supérieure au Québec, inspirées par les Grandes Écoles.
Je souhaite que cette brève série d’articles suscite chez vous des réactions et qu’elle vous incite à visionner mon court documentaire quand il sera rendu public.
Dans le prochain billet de cette série, nous nous attaquerons à deux mythes tenaces : celui qui veut que la gratuité entraîne nécessairement une plus grande admissibilité, et celui qui veut qu’un développement parallèle d’établissements privés nuise au système public d’éducation.
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Voilà la seconde partie: http://www.huffingtonpost.fr/jasmin-guenette/les-mythes-entourant-la-gratuite-universitaire-et-la-concurrence-des-grandes-ecoles_b_8117122.html