Foot : de moins en moins d’incertitude sportive dans la coupe moustache

L’évolution du format de la Coupe moustache lui a enlevé son peu de raison d’être.

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Foot : de moins en moins d’incertitude sportive dans la coupe moustache

Publié le 24 août 2015
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Par Yanarthus

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Suite et fin de la série de trois articles sur la coupe moustache et la Coupe de France. (Pour les épisodes précédents, voir ici, puis ).

Les figures 1 et 2 du premier article montraient une importante différence entre la Coupe de France (CdF) et la coupe moustache (cm). En CdF, les clubs de L1 entrent en lice en trente-deuxièmes de finale, ils sont donc 20 sur 64 à ce niveau ; en cm, ils entrent (ou du moins entraient, vide infra) en seizièmes de finale, ils sont alors 20 sur 32. L’effet de nombre est donc favorable aux clubs de L1 en cm, d’où leur prépondérance aux stades ultérieurs de la compétition.

La cause du récent effondrement du nombre de qualifiés de Ligue 2 pour les quarts de finale de cm est du même type. Jusqu’en 2006, les 20 clubs de L1 entrent tous en seizièmes de finale, mais deux d’entre eux (disputant la Ligue des champions, compétition européenne) en sont exemptés pour alléger leur calendrier à partir de 2007, puis quatre autres à partir de 2010. Depuis 2010, 6 clubs de L1 entrent donc en huitièmes de finale, ne laissant que 10 autres places à ce stade de la compétition : il ne peut alors y avoir que 10 matches en « seizièmes de finale », au cours desquels entrent en lice les 14 autres clubs de L1. Il ne reste donc que 6 places pour les clubs de L2 à ce stade de la compétition.

Dans le cas où 20 clubs de L2 et 4 clubs de National sont engagés en coupe moustache1, il faut deux tours de coupe entre eux pour qu’il n’en reste que 6 : un premier tour pour passer de 24 à 12 puis un second pour arriver à 6. La formule actuelle de la coupe moustache est donc approximativement : les clubs de L2 et de National s’éliminent les uns les autres puis les clubs de L1 jouent entre eux. Dans ces conditions, l’effet de nombre est très favorable aux clubs de L1 et il est parfaitement logique qu’il y ait très peu d’autres clubs en quarts de finale.

Pour confirmer que l’évolution du nombre de clubs hors-L1 en quarts de finale de cm est bien liée au changement de formule de cette compétition, étudions les résultats des confrontations entre clubs de L1 et L2.2 Le graphe de la figure 5 indique, pour chaque année, le nombre de confrontations de cm entre clubs de L1 et L2 gagnées par un club de L1 (en bleu), gagnées par un club de L2 (en rouge), et le nombre total de ces confrontations (en vert), égal à la somme des deux précédents.

Moustache(3)1
https://mythesmanciesetmathematiques.files.wordpress.com/2015/08/moustache31.png

Figure 5. Nombre total de confrontations entre clubs de L1 et L2 en cm (vert), nombre de ces confrontations favorables au club de L1 (bleu) et favorables au club de L2 (rouge).

Les moyennes glissantes sur trois ans permettent encore de lisser les irrégularités (figure 6, même légende que la figure 5).

moustache(3)2
https://mythesmanciesetmathematiques.files.wordpress.com/2015/08/moustache32.png

Figure 6. Nombre total de confrontations entre clubs de L1 et L2 en cm (vert), nombre de ces confrontations favorables au club de L1 (bleu) et favorables au club de L2 (rouge), en moyenne glissante sur trois ans.

On retrouve la nette diminution des confrontations L1-L2 à partir de 2010, faute de clubs de L2. En revanche, la proportion de victoires de clubs de L2 ne semble pas évoluer, ce qui est confirmé par le calcul des moyennes : de 1995 à 2009, 33 % des 196 confrontations L1-L2 sont remportées par les club de L2 ; cette proportion augmente même légèrement depuis 2010 puisqu’elle passe à 40 % des 46 confrontations.

S’il y a moins de clubs de L2 en quarts de finale de cm, ce n’est pas parce que l’écart de niveau par rapport à la L1 a augmenté, mais parce que la formule de la compétition a changé. La Ligue de Football Professionnel, a fait de sa compétition un tournoi entre clubs de L1, qui se croisent habituellement en championnat, lui enlevant tout intérêt sportif.

Et si on inversait les rôles ?

On peut essayer d’imaginer ce qui se produirait en cm si, au lieu de faire s’entretuer les clubs de L2 en début de compétition, on faisait de même avec les clubs de L1 : imaginons une « alter-coupe moustache » (abrégée alter-cm) dans laquelle les clubs de L1 s’affronteraient lors de tours préliminaires désignant 6 qualifiés qui rejoindraient 14 clubs de L2 lors de 10 seizièmes de finale, dont les vainqueurs seraient qualifiés pour les huitièmes de finale avec les 6 derniers clubs de L2, en gardant la proportion de 60 % de victoires de clubs de L1 lors des confrontations avec les clubs de L2.

Un calcul « de coin de table » prévoit la qualification de 60 % des 6 clubs de L1 pour les huitièmes de finale, soit 3,6 clubs, puis 60 % de ces 3,6 clubs pour les quarts de finale, soit 2,16 clubs de L1 en quarts de finale d’alter-cm (donc 5,84 clubs hors-L1). Ce calcul est bien sûr très approximatif car il néglige la possibilité de matches entre équipes de L1 (qui en éliminent et qualifient automatiquement une par match) en seizièmes et huitièmes de finale.

Il faut donc d’abord déterminer les probabilités du nombre de rencontres entre les 6 clubs de L1 mélangés à 14 clubs de L2 lors des seizièmes de finale d’alter-cm. En notant p(i) la probabilité que le tirage au sort donne i matches entre clubs de L1 lors des 10 seizièmes de finale d’alter-cm, le calcul donne :

p(0) = 34,7 %             p(1) = 52,0 %             p(2) = 13,0 %             p(3) = 0,3 %

Il est alors facile de calculer la probabilité de présence q8(j) de j clubs de L1 en huitièmes de finale d’alter-cm, en prenant une probabilité de victoire d’un club de L1 contre un club de L2 égale à 60 %.

Le calcul donne :

q8(0) = 0,1 %             q8(1) = 2,6 %             q8(2) = 14,9 %                       q8(3) = 34,1 %

q8(4) = 33,5 %                       q8(5) = 13,2 %                       q8(6) = 1,6 %

Il faut ensuite recalculer les probabilités de matches entre clubs de L1 lors du tirage au sort des huitièmes de finale (au cours desquels arrivent 6 nouveaux clubs de L2), cette probabilité dépendant bien sûr du nombre de clubs de L1 présents. Puis on peut enfin aboutir à la probabilité de présence de q4(j) de j clubs de L1 en quarts de finale d’alter-cm :

q4(0) = 5,7 %             q4(1) = 25,9 %                       q4(2) = 38,3 %                       q4(3) = 23,4 %

q4(4) = 6,1 %             q4(5) = 0,6 %             q4(6) = 0,02 %

On retrouve le résultat du « calcul de coin de table » : en alter-cm, il subsiste à peu près 2 (± 1, raisonnablement) clubs de L1 en quarts de finale d’alter-cm, soit à peu près 6 (± 1) clubs hors-L1. On est loin des observations des figures 1 et 2 : l’ordre d’introduction des compétiteurs dans une compétition a beaucoup d’influence sur son résultat !

Le résultat est clair : en alter-cm, le club de L1 a beau être sportivement favorisé contre un club de L2 (60 % de victoire, taux effectivement observé en cm), l’effet de nombre noie les clubs de L1 dans l’océan de ceux de L2, tout comme la cm le fait en sens inverse.

Lors de cet été 2015, dans un combat titanesque contre la FFF, la LFP souhaite réduire de trois à deux le nombre de promotions et relégations entre les championnats de L1 et L2 (clubs montant de L2 à L1 et descendant en sens inverse). Après le verrouillage de la cm, c’est une nouvelle tentative de fermeture de la L1 vis-à-vis du reste du football français et de réduction de l’aléa sportif puisque la probabilité d’être relégué en division inférieure suite à une mauvaise saison est diminuée.

Il serait plus franc d’aboutir à une ligue fermée à l’américaine3, la situation serait plus claire.

Sur le web

  1. Le nombre de 4 clubs de National constitue plutôt une estimation haute pour ces dernières années. S’il y en a moins, il y a donc aussi moins de 24 clubs en début de compétition, ce qui conduit à exempter un petit nombre de clubs du premier tour.
  2. Les très rares clubs de National participant à la cm sont assimilés à des clubs de L2, ce qui simplifie l’étude des confrontations dont il n’existe alors plus que trois catégories : L1-L1, L2-L2, L1-L2.
  3. Aux États-Unis, les championnats des grands sports collectifs (basket, football américain, hockey sur glace) sont fermés (c’est-à-dire sans promotion ni relégation) mais comportent des systèmes de redistribution qui évitent que l’écart entre les équipes ne devienne trop grand et permettent donc de conserver l’incertitude sportive et l’intérêt du public. Donc de maintenir les gains financiers.
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  • Le foot est un spectacle qui n’échappe pas à la logique économique. Quand on compare le niveau et les moyens financiers des club de L1 comparativement à leurs concurrents européens, est-ce vraiment opportun de les tirer encore plus vers le bas, de leur appliquer un nouveau boulet aux chevilles ? N’en ont-ils pas déjà suffisamment ?

    Qui, hormis les supporters locaux les plus fanatiques, désire voir un spectacle d’une MJC de quartier quand il peut profiter de l’Opéra de Paris ou d’un show de Broadway de renommée internationale ? S’il s’agit de mettre en valeur les clubs des divisions inférieures dans une compétition oecuménique, il est possible d’adopter un format éliminatoire inspiré de ce qui se pratique au tennis, où les têtes de série rencontrent les moins bien classés lors des premiers tours éliminatoires, et ainsi de suite jusqu’aux derniers tours où les choses sérieuses commencent. Voilà une solution simple qui renforcerait tout autant l’équité que le mérite sportif.

    Si on admet que l’aboutissement de la compétition est le niveau européen et non le niveau national, au vu des résultats tout bonnement risibles des clubs français dans les coupes d’Europe, on comprend la nécessité de réduire le championnat à 18 voire 16 clubs (1 ou 2 places de relégation) et de supprimer d’urgence une des deux coupes, afin que les moyens des meilleurs soient réservés à ce qui importe le plus.

    Enfin, jusqu’à preuve du contraire, les meilleurs joueurs internationaux fuient les clubs français, à une exception près, pour s’épanouir à l’étranger et non l’inverse. Si le foot français est généralement considéré comme la D2 de l’Europe, et son championnat une longue et pénible succession de matchs d’entraînement sans véritable opposition pour un club de niveau européen, il doit bien y avoir une raison…

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