Par Valentin Weber.
Comment internet changera-t-il notre futur ? C’est la question fondamentale posée par Jared Cohen et Éric Schmidt de Google. Chacun d’eux apporte une expérience unique au livre : Éric Schmidt sur le versant technologique et Jared Cohen dans le domaine des affaires étrangères.
Aujourd’hui plus de 2,5 milliards de personnes sont connectées à Internet et plus de 5 milliards sont propriétaires d’un téléphone mobile. En d’autres mots, davantage de personnes sont en possession d’un portable que d’une brosse à dents. Cela leur permet d’augmenter leur productivité et leurs connaissances de manière considérable. « Un enfant qui ne peut pas être présent à l’école à cause de raisons sécuritaires, de la distance ou des frais de scolarité aura une connexion au monde de l’éducation s’il a un portable ». Il détient la totalité des informations mondiales dans sa main. Cela n’avait jamais été le cas dans l’histoire de l’Homme.
Avec l’augmentation de la connectivité notre vie quotidienne devient de plus en plus virtuelle. Cohen et Schmidt maintiennent que nous vivons et vivrons dans deux mondes, l’un physique et l’autre virtuel, s’influençant eux-mêmes mutuellement.
Des plateformes virtuelles comme Facebook ou Twitter faciliteront l’organisation de rassemblements de citoyens ou même des révolutions. Cependant, comme l’a dit Henry Kissinger, ancien ministre des Affaires étrangères des États-Unis, qui a été interviewé pour ce livre, « le leadership c’est un trait intrinsèque de l’Homme et ne peut pas être reproduit par la communauté des médias de masses… Les citoyens habilités connaissent la technique de rallier les citoyens dans la rue, mais ils ne savent pas quoi faire avec eux lorsqu’ils sont dans la rue. »
Le citoyen a d’autant plus de pouvoir avec son portable. Il peut filmer la corruption, signaler les incidents, des raids ou bien des injustices. Cohen et Schmidt évoquent l’exemple des élections générales au Pakistan en 2013. Lors de cet événement, 15.000 observateurs électoraux utilisaient des applications mobiles pour dénoncer immédiatement des irrégularités de scrutin. Tous ces développements changeront le comportement des États.
Les auteurs avertissent d’une « balkanisation » possible d’Internet. C’est-à-dire que des États individuels ou des groupes d’États formeront des alliances pour établir leur propre Internet. Dans cette vision, le flux des informations sera limité majoritairement au flux intra-étatique à cause de la censure nationale. Il pourra y avoir un Internet américain, français ou même un Internet motivé par les idées religieuses ou idéologiques partagées. Nous pourrions imaginer par exemple un Internet sunnite ou chiite qui filtrera toute information défavorable au gouvernement. Les pays démocratiques de leur côté formeront des unions pour prévenir la diffusion, la technologie de filtrage aux pays plus pauvres et pour propager leur vision d’un Internet libre.
Selon les auteurs, Internet pourrait aussi optimiser les instruments de la politique étrangère des petits pays, généralement moins puissants à cause de leur taille. Des États comme l’Estonie ou la Suède qui sont des pays fortement connectés et qui disposent de la technologie la plus avancée pourraient exporter cette technologie, leur expérience. Ils pourraient assister aux cyberguerres contre des pays très éloignés et aussi contribuer à travers le soutien technologique aux missions de maintien de la paix de l’ONU. Le proverbe de Napoléon, que « la politique des États est dans leur géographie », sera partiellement mis en cause par les possibilités qu’Internet ouvre aux petits ou moyens États en élargissant leur radius d’influence politique.
Toutes ces prédictions individuelles sont bien évidemment intéressantes, mais quel est le message plus large que ce livre apporte ? Nous évoquons souvent comment Internet devient de plus en plus important et partie intégrante de notre vie et que cela aura des conséquences positives et négatives. Le débat dans les médias est trop souvent limité aux nouveaux gadgets comme le Google Glass ou l’Apple Watch ou bien aussi l’espionnage de la NSA, l’agence nationale de sécurité américaine. Récemment les citoyens français ont appris que des hauts fonctionnaires et les plus grandes entreprises françaises ont été surveillés par les Américains. Pourtant les médias ne couvrent que rarement l’image plus grande de la connectivité et la politique d’Internet. Le livre de Cohen et de Schmidt nous ouvre les yeux sur cet aspect.
Pour eux, 5 milliards de propriétaires de portables ne se traduit pas seulement par une augmentation de la production économique. Ils y voient plutôt une situation inédite dans l’histoire de l’Homme. Si la progression de la connectivité s’accroît à la même vitesse que jusqu’à maintenant, la quasi-totalité de la population mondiale aura rejoint le débat global. Il y aura des milliards d’idées de plus, qui pourront améliorer la vie quotidienne de nous tous. En d’autres mots, nous vivrons bientôt dans le nouvel âge digital, où pour la première fois dans l’histoire nous serons capables de recueillir l’innovation et les pensées de tous les Hommes à travers un moyen : Internet.
- Jared Cohen, Eric Schmidt, The New Digital Age, éd. John Murray, 353 pages
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« pour la première fois dans l’histoire nous serons capables de recueillir l’innovation et les pensées de tous les Hommes à travers un moyen : Internet. »
C’est sur que grâce à Internet, je suis fortement influencé par les réseaux sociaux russes, arabe, japonais et chinois. Enfin pour ma part, il faudrait jusque pour cela que j’apprenne leur alphabet et peut-être accessoirement dans quel sens ça se lit …
Ouais, bof, et après pas étonnant que tous nos ministricules du numérique se sentent investis d’une mission divine. Internet, c’est comme le Cloaca Maxima, un progrès considérable mais en rien une source d’inspirations pour l’Homme…
Internet un petit pas pour l’homme un pas de géants pour les états policiers.