Par Gilles Agricole.
Il fait chaud ! Très chaud ; les deux seaux d’eau que porte Madame Michu lui semblent peser une tonne ! Elle a les mains rougies, à chacun de ses pas les cailloux brûlants lui écorchent les pieds, elle a du mal à avancer ; l’air chaud et sec lui enflamme les poumons ; pourtant, elle a le sourire aux lèvres !
Le ciel est bleu, les arbres brillent autour d’elle, elle ne sent pas la douleur, elle sait que grâce à ces seaux, achetés avec ses économies, sa famille aura de quoi boire pour toute une journée ! Alors elle sourit, elle avance. Elle pense à la satisfaction qu’elle apportera à ses proches, et se prend même à rêver. Qui sait ? Une canalisation reliera peut-être un jour directement son foyer à la source. Ce serait la fin des pénibles trajets. Cette perspective la ravit et lui donne du courage, plus que quelques pas et elle sera à la maison !
Madame Michu ne le sait pas, mais elle fait de l’économie. Son histoire illustre les idées d’un auteur, Böhm Bawerk. Selon lui :
- L’épargne permet l’investissement. Seule l’épargne de Mme Michu lui permettra, grâce à l’achat d’un seau, de ne plus aller à la source plusieurs fois par jour !
-  L’investissement permet d’obtenir des moyens de productions plus efficaces. De la même façon, la construction de la canalisation permettra à Mme Michu d’avoir de l’eau à volonté sans se déplacer.
Autrement dit, l’investissement dans les biens de production permet d’accroître la quantité de biens de consommation. L’investissement dans des biens plus productifs (la canalisation à la place du seau) permet d’accroître la satisfaction globale.
- Le taux d’intérêt influence les décisions ! Selon Böhm Bawerk il faut inciter les acteurs économiques à épargner car les individus ont une préférence pour la satisfaction immédiate, une « préférence pour le présent ». C’est-à -dire pour la consommation.
Finalement pour cet auteur de l’école autrichienne d’économie, l’épargne est source de croissance car elle permet d’investir dans des moyens de production plus productifs ; il faut donc inciter les consommateurs à épargner.
À l’heure où les banques centrales pratiquent des taux d’intérêt nuls, à l’heure où de nombreux économistes affirment leur « préférence pour la consommation », ces analyses du XIXème siècle se révèlent étonnantes de clairvoyance.
Le taux d’intérêt joue un rôle capital dans la décision d’épargner et dans la décision d’investir. Or aujourd’hui, il n’est plus le fruit de la rencontre entre l’offre et la demande de fonds prêtables ; il n’est plus fixé par le marché ; il est fixé par les banques centrales !
« Ces manipulations sont inutiles et dangereuses »  pour Jens Weidmann, président de la banque centrale allemande.
Elles sont inutiles d’abord, car en dépit des taux d’intérêt nuls ou quasi nuls que nous connaissons, il n’y a pas de croissance. En France par exemple la richesse par habitant a reculé depuis la crise de 2008. Elles sont inutiles ensuite car les entreprises qui en ont le plus besoin, les PME et ETI, n’en profitent pas.
Mais pire, ces baisses de taux sont dangereuses. En effet, avec elles, les Banques centrales envoient aux entrepreneurs de « faux signaux » et nous préparent une nouvelle crise. Pour s’en convaincre peut-être faut-il se rappeler comment a débuté la crise du crédit subprime :
Dans les années 2000, suite à l’éclatement de la « bulle internet » la Fed a abaissé ses taux directeurs afin de relancer l’économie des États-Unis. Il en a résulté une nouvelle bulle, immobilière cette fois, puis la crise. En effet, en envoyant de « faux signaux » au marché, en perturbant la perception du risque, la Fed a encouragé les banquiers à largement accorder des crédits immobiliers, y compris aux clients subprimes, les clients logiquement à risque, qui n’y accèdent normalement pas.
Et pour cause, ces banques ne prenaient quasiment aucun risque car soit le client remboursait et ils encaissaient leurs intérêts, soit le client ne remboursait pas et ils réalisaient une plus-value en vendant la maison, bulle immobilière oblige. Tout allait bien dans le meilleur des mondes, jusqu’à ce que la Fed finisse par relever ses taux, et là , le conte de fée se transforma en cauchemar.
Le coût du crédit des clients subprimes, endettés à taux variable explosa… et la suite on la connait : faillite et crise !
À la source de la crise mondiale, il y a donc bien eu les manipulations de taux de la Fed. Or depuis 6 ans les taux de la Fed sont maintenus à zéro afin de relancer l’économie, comme en 2000. Que se passera-t-il donc lorsque la Fed les relèvera cette fois ?
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Pour plus d’analyses de ce genre, c’est ici et c’est gratuit
Il ne se passera sans doute rien de grave si ce n’est la faillite personnelle de quelques endettés: il n’y a pas de bulle importante aux U.S.A. Et à part quelques débiles, personne n’a oublié la crise des subprimes, trop grave et trop proche!
Mais en accusant seulement la Banque Fédérale, le procédé me semble un peu facile et simpliste. Il faut être bien innocent pour croire qu’on peut acheter de l’immobilier en payant moins cher que le loyer. Les subprimes, ce fut aussi une technique bancaire « fourguant » des crédits à des gens, peut-être un peu naïfs, qui ne l’avaient pas demandé. Je ne suis pas sûr du tout que le procédé puisse être répété!
Par contre, tout le monde sait ou devrait savoir maintenant que les banquiers s’intéressent à votre argent mais plus du tout à vos intérêts personnels et que l’argent que vous déposez chez lui servira sans doute plutôt à jouer « au casino » de la bourse qu’à être prêté à des particuliers ou à des entreprises, ce qui ne l’intéresse que très peu, à des taux si bas! Le banquier a pris la place et la réputation de l’ancien vendeur de voiture d’occasion, branche où on est maintenant suffisamment informé et fréquemment garanti.
N’oublions pas non plus que les traders, emmenés par Godman Sachs, devraient vous tenir à l’écart de la bourse: eux gagnent à tous les coups, à la hausse comme à la baisse, quitte à ce que les plus puissants manipulent les valeurs, le marché ou influencent des états, comme la Grèce ou pire comme la B.C.E. avec leur ancien, M. Draghi, ancien de Goldman.
Dès lors, si vous avez bien fait vos calculs, c’est peut-être le moment d’investir dans l’achat de votre logement si il ne fait pas partie de la bulle immobilière (à Paris, c’est trop tard). Sinon, vous pouvez encore acheter de l’or-matière (pas « certificat »!) ou investir pour améliorer durablement votre bien-être (isolation de votre logement-propriété, changement de véhicule pour un moins taxé, ou coffre à la maison où mettre vos économies en liquide pour les études des enfants et contrat d’assurance-pension pour vos vieux jours etc …).
« il n’y a pas de bulle importante aux U.S.A »
Bah si il y a encore une et de taille : celle des prêts aux étudiants.
Vous pouvez également ajouter la bulle des actifs financiers.
Mikylux: « il n’y a pas de bulle importante aux U.S.A. »
Vous voulez dire que la FED savait pertinemment qu’il y avait une bulle des subprime et que la remontée des taux était délibérée pour créer une crise ?
Non, s’il y a des bulles on le saura à la remontée des taux.
Mikylux: « les banquiers s’intéressent à votre argent mais plus du tout à vos intérêts personnels »
D’après ce que je sais de l’histoire de l’usure ça n’a jamais été au cÅ“ur de leur préoccupation.
Mikylux: « ou influencent des états, comme la Grèce »
La Grèce a fait faillite de nombreuse fois et après la dictature elle s’est construit sur le mensonge de l’argent gratuit. C’était inéluctable.
chère la conso française. Les producteurs français savent. Consommer français des produits fabriqués en France en ajoutant la taxe sur la valeur ajoutée. C’est ruineux
Dans ce petit monde se l’ économie je le compare à la psychiatrie avec ses fameux experts il y a au moins 1 point commun : quand ils se trompent on ne leur demande pas de compte , pas de licenciement en fait ce sont des gens qui se trompent sans risques , quels beaux métiers
les traders, […] gagnent à tous les coups, à la hausse comme à la baisse
Ils sont trop forts. Qu’attendons nous pour devenir trader?
Le monde des traders est un petit cercle. Tout se sait très vite. En conséquence, le métier de trader n’est pas si facile que le simple pékin l’imagine.
Je suis en désaccord avec vous lorsque vous écrivez « L’épargne permet l’investissement. Seule l’épargne de Mme Michu lui permettra, grâce à l’achat d’un seau, de ne plus aller à la source plusieurs fois par jour « . En réalité, ce n’est pas la seule solution. le crédit lui permet également de se procurer un seau. L’investissement repose sur le crédit, et même sur le crédit non adossé à l’épargne comme l’ont expliqué des auteurs aussi divers que Marx, Keynes, Schumpeter, Minsky.
Second point de désaccord, le mythe du multiplicateur monétaire. Vous semblez nous expliquer que les crises proviennent d’une création monétaire des banques centrales qui créerait les bulles. mais des auteurs comme Prescott et Kydland ont montré que contrairement au mythe du multiplicateur monétaire, la création monétaire des banques centrales suit la création monétaire des banques privées au lieu de la précéder comme le veut la théorie du multiplicateur monétaire. Ce n’est donc pas aux banques centrales qu’il faut s’y prendre. d’ailleurs, c’est pour cela que la création monétaire à laquelle on a assisté tant aux USA qu’en Europe n’a pas eu l’impact escompté.
« même sur le crédit non adossé à l’épargne »
Ca s’appelle les réserves fractionnaires. Dans un monde libéral, elles n’existeraient pas : les banques devraient garantir les dépôts de tous leurs clients, pas comme cette vaste blague qu’est le fonds de garantie des dépôts et de résolution.
dans votre monde, le profit n’existerait pas !
Au fait, qui contrôlerait ? Une autorité publique ?
comme si le profit bancaire n’existait pas dans les systèmes de banque libre … mais tu ne sais probablement même pas que ça a existé ?
Pourquoi un contrôle étatique ? Celui des clients suffit largement, via les class actions par exemple.
C’est quoi « un crédit non adossé » ? Du travail venu de mars ? des matériaux extrait de l’air du temps ? vous croyez vraiment à ces absurdités ?
second point :
C’est une chose est d’adopter une théorie de la monnaie endogène.
C’en est une autre de nier l’existence des faux-monnayeurs, et spécialement des faux-monnayeurs étatiques… Quand on s’en prend aux banques centrales, c’est justement sous l’accusation (justifiée ou pas, ça se discute) qu’elles se transforment en faux-monnayeurs en imprimant des billets sans contreparties.
« d’ailleurs, c’est pour cela que la création monétaire à laquelle on a assisté tant aux USA qu’en Europe n’a pas eu l’impact escompté. » …. c’est vous qui le dites. L’effet escompté, d’après vous, c’était quoi ?
relancer l’économie ? c’est ce qu’on a raconté au bon peuple, il est vrai…
ou refinancer les états et leurs permettre de continuer à dépenser, gaspiller, à qui mieux-mieux ?
Le début de cet article met le pied dans un angle que les libéraux ne devraient cesser de répéter et propager tant c’est quelque chose de quasi subversif aujourd’hui.
Le système actuel est le fils parfait du keynésianisme dont un des précepte central est que tous les problèmes viennent d’une insuffisance de la demande avec son corolaire: l’épargne est le mal absolue.
Hors le keynesianisme s’est introduit par la gauche face à une orthodoxie économique « vieille droite » ; c’est un fait historique.
La société change, une part de gauche anticapitaliste, decroissante et écologiste n’a absolument mais vraiment absolument rien à faire dans une alliance avec la gauche sociale-dem qui est l’incarnation parfaite du keynésianisme et de tout ce qu’ils haïssent (fuite en avant consumériste, problèmes écologiques réels ou supposés, législation forçant à être dans le système pour le nourrir ect ect).
Bref avec un peu de pédagogie je suis convaincu que cette part de la population est la plus grande réserve de liberaux en devenir qui existe et il faut sans doute bien plus miser sur cette population qu’on ne le fait actuellement.