Patriot Act, victoire du terrorisme sur la liberté

Le Patriot Act n’a pas amélioré sensiblement la sécurité des Américains et a largement dégradé leurs libertés. Pourquoi vouloir les imiter ?

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Vidéosurveillance (Crédits Paweł Zdziarski, licence CC-BY 2.5)

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Patriot Act, victoire du terrorisme sur la liberté

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 26 mai 2015
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Par Aurélien Véron.

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Vidéosurveillance (Crédits Paweł Zdziarski, licence CC-BY 2.5)

Le Patriot Act, que certains réclament à droite, existe déjà, dans les faits. La police dispose de moyens juridiques immenses pour intercepter toute information.

La tuerie de Charlie Hebdo a déclenché une vague d’émotion sans précédent en France. Quatre millions de Français sont descendus dans la rue le 11 janvier en mémoire des victimes et pour défendre la Liberté, cette Liberté chérie magnifiée sous la plume de Paul Éluard et qui triomphe dans la 6ème strophe de la Marseillaise. Les réactions en faveur de la liberté d’expression se sont multipliées dans le monde entier. Cette victoire des symboles n’a pas duré. Le même jour, Valérie Pécresse a appelé à l’instauration d’un Patriot Act à la française. Et les (très) mauvais esprits qui ont cédé à la tentation de la provocation, par haine du système ou par simple irrévérence, ont été systématiquement poursuivis et, pour certains, placés en garde à vue. Nous ne pouvions imaginer pire hommage au très irrespectueux Charlie Hebdo !

La liberté, se sentir en sécurité ?

Les Français craignent d’autres attentats, ils ont sans doute raison. Les signaux ne manquent pas. Le terrorisme islamiste est perçu comme une menace exceptionnelle qui appelle des mesures exceptionnelles. Sous l’effet de la peur, il est tentant de croire qu’en sacrifiant un peu de liberté, le pays aurait plus d’atouts pour l’emporter dans cet obscurantisme meurtrier. La liberté ne consisterait alors plus à penser et agir dans les limites de ce qui ne nuit pas à autrui, mais à se sentir en sécurité. Pas si simple. Ce travestissement de la liberté est dangereux. L’objectif de la terreur, c’est de diviser les communautés, miner la confiance et affaiblir les fondements démocratiques d’un pays. Chaque fois que nous renions nos valeurs, c’est donc la nébuleuse terroriste qui marque des points.

Une dangereuse addiction des pouvoirs publics américains

D‘autant que les lois d’exception engendrent une dangereuse addiction des pouvoirs publics. Le Patriot Act devait durer quatre ans lors de sa mise en place en 2001. Quinze ans plus tard, cet arsenal sécuritaire est toujours en place. Et il ne sert plus, pour l’essentiel, à lutter contre le terrorisme. Guantanamo, le recours à la torture, l’assassinat sans jugement de citoyens américains par des drones hors du territoire et les exactions commises par les services secrets au nom de la lutte contre le terrorisme marquent d’une tâche bien sombre l’histoire des États-Unis.

Ces atteintes graves et répétées aux principes démocratiques laisseront des séquelles. Au prix d’un recul sans précèdent des libertés civiles aux États-Unis, ces dispositions n’ont pas amélioré sensiblement la sécurité des Américains : 152 attentats (39 morts et 363 blessés) ont eu lieu sur le territoire américain depuis le 11 septembre 2001 selon le Global Peace Index.

La France a déjà son Patriot Act

video terrorisme rené le honzecEn réalité, la France dispose déjà de son Patriot Act avec la Loi de Programmation Militaire du 18 décembre 2013 venue renforcer la LOPPSI 2. La police n’avait pas attendu cette loi pour mettre en place un programme illégal de géolocalisation et de surveillance téléphonique, baptisé « Pergame ». En livrant 70 millions de conversations téléphoniques collectées entre le 10 décembre 2012 et le 8 janvier 2013 à la NSA, la DGSI va un peu plus loin qu’une simple coopération. Dorénavant, la DGSI peut pénétrer légalement chez n’importe quel suspect en son absence pour perquisitionner et pirater ses ordinateurs.

L’enregistrement des conversations téléphoniques, la géolocalisation des portables à l’insu de leur détenteur, la lecture des mails privés, le suivi des opérations bancaires, tout est à portée de clics sur simple décision administrative, sans passer par un juge. Les FAI et les hébergeurs sont devenus des indics malgré eux. La loi sur le renseignement est en passe d’autoriser la pose de balises et de caméras dans des lieux privés. Toujours sans magistrat. Cette ingérence dans la vie privée des Français n’est pas plus concluante que le Patriot Act aux États-Unis.

Nos libertés ont déjà trop reculé

La DGSI fait d’abord un travail minutieux d’enquête sur le terrain. Sa contrainte pour suivre ses suspects, ce sont les moyens. C’est la raison qui a poussé la DGSI à abandonner la piste des frères Kouachi 6 mois avant l’attentat. Rien ne sert d’ajouter de nouvelles mesures intrusives et répressives. Nos libertés ont déjà trop reculé, ne perdons pas notre âme en allant plus loin dans le dépeçage de l’état de droit. Exigeons de l’État qu’il renforce les moyens budgétaires destinés à lutter contre la menace terroriste, mission régalienne au poids encore très modeste. Ne fermons pas les frontières au sein de l’Union Européenne mais encourageons la coopération déjà largement en œuvre entre pays européens.

Nous devons être déterminés à préserver nos libertés pour ne céder en rien à la terreur. La victoire viendra de la supériorité de nos valeurs démocratiques et libérales.

Sur le web (parution initiale sur La Tribune)

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  • C’est curieux parce que le ministre de l’intérieur pense qu’il faut imiter les usa.Alors que les états-unis veulent sortir de la spirale sécuritaire la france fait exactement le contraire.La france entre dans la surveillance de masse.

  • En effet, le but du terrorisme est de… Terroriser. Se mettre à faire des lois qui restreignent la liberté ou à considérer le terrorisme islamique comme la seule problématique de notre politique étrangère serait une grave erreur. Ces gens se battent contre la liberté, si on renonce à la défense de la liberté pour lutter contre eux ils ont gagnés.

    On ne le répétera jamais assez:

    « Un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l’une ni l’autre, et finit par perdre les deux. »
    Benjamin Franklin

  • Je respecte beaucoup M.Véron, et il a raison de poser la question de la relation entre liberté et sécurité. Sa conclusion, quant à la nécessité d’augmenter les moyens budgétaires pour remplir l’une des missions les plus essentielles, me semble juste. Et un examen de l’efficacité des moyens juridiques s’impose bien sûr.

    En revanche, des pans entiers de l’argumentation sur le fond, me semblent faibles. On a l’impression que, étant libéral, il avait la conclusion avant d’en trouver les raisons.

    Tout d’abord, il répète ce qu est devenu un refrain lassant, et qui ne deviendra pas vrai à force d’être entonné :

    – M. Véron :  » Ce travestissement de la liberté est dangereux. L’objectif de la terreur, c’est de diviser les communautés, miner la confiance et affaiblir les fondements démocratiques d’un pays. Chaque fois que nous renions nos valeurs, c’est donc la nébuleuse terroriste qui marque des points. »

    Je pense que non : l’objectif des terroristes n’est ni de diviser, encore moins de nous faire renoncer à des libertés. Qu’en ont-ils à faire de nos libertés ? Ils veulent notre conquête, et pour cela nous terroriser, afin de nous amener à renonce à nous défendre. Par exemple, en refusant justement certains moyens, comme la surveillance.

    – Ensuite, M. Véron écrit (juste avant le passage précédent) :  » La liberté ne consisterait alors plus à penser et agir dans les limites de ce qui ne nuit pas à autrui, mais à se sentir en sécurité.  »

    La liberté consiste certes à « à penser et agir dans les limites… », mais pour celà il faut justement être en sécurité, contre les pouvoirs des gouvernements certes, mais aussi contre les agressions, vols, etc. des personnes ou organisations privées. Pour les libéraux, c’est justement ce que seul peut justifier les Etats (avec la protection contre les Etats voisins). Il n’y a pas de liberté sans sécurité, lorsque la peur nous impose de rester chez soi.

    • « Je pense que non : l’objectif des terroristes n’est ni de diviser, encore moins de nous faire renoncer à des libertés. Qu’en ont-ils à faire de nos libertés ? Ils veulent notre conquête, et pour cela nous terroriser, afin de nous amener à renonce à nous défendre. »

      Notre conquête ? Mais avec quels moyens ? Ils sont si peu nombreux. Se défendre est normal, cependant cela peut être contre-productif si cela créé plus d’islamistes. Les USA commencent juste à le comprendre et cherchent maintenant à éviter d’avoir des hommes à terre et se concentrent sur les drones (qui, même si ils sont honnis par les gauchistes, sont bien plus efficace tout en minimisant les victimes collatérales). L’idée c’est d’arriver à supprimer la menace sans donner envie à de nouvelles recrues se s’engager. Avoir des forces d’occupation dans un pays qu’elles comprennent mal et qui risquent de tirer sur n’importe qui pour la simple et bonne raison que n’importe qui peut se jeter sur eux pour exploser est une mauvaise idée.

      Pendant ce moment la des originaux qui ont passé leur temps à critiquer les méthodes US veulent maintenant aider Bachar al-Assad à supprimer toute opposition, alors qu’il est évident que c’est la combinaison d’une répression aveugle et du fait qu’il n’existait aucun autre challenger sérieux au régime d’Assad que les milices islamistes qui a provoqué une radicalisation d’une grande partie de l’opposition sunnite en Syrie. Il y a deux ans de ça on nous demandait de faire le choix entre Assad et le chaos, au final on a évidemment eu Assad et le chaos. Il faut tenter de comprendre mieux ces pays, leur population, les profonds changements que certains ont vécus au 20e siècle qui les rend maintenant instables, les erreurs lors du dessin des frontières du moyen orient…

      L’Irak est sans doute le meilleur exemple de pays qui a profondément changé au 20e siècle. N’ayant jamais été stable l’URSS réussit à y monter un coup d’état avec un général communiste et le parti baas. Après deux débâcles militaires pitoyables et plusieurs massacres de la population ce régime alors gouverné par Saddam Hussein prendra fin avec l’invasion américaine de 2003. Après plusieurs années d’instabilité l’armé US arrive à maintenir les milices islamistes sous contrôle, le pays semble stable et fini par avoir les premières élections depuis longtemps et une constitution (une grande partie de la population demandait une constitution dans les années 50, quand les idées socialistes n’étaient pas encore trop implantées). On pourrait penser qu’a partir de la les choses iraient mieux. C’était sans compter sur un retrait prématuré à cause de la politique intérieure US, l’instabilité en Syrie et la mauvaise volonté des hommes politiques iraniens.

      La lutte d’influence de l’Iran pour garder de l’influence et couper la continuité géographique entre le golf et la Turquie (ce qui permet aussi la continuité entre l’Iran et Israël, maintenant ainsi le pouvoir de nuisance du Hezbollah) nécessite de maintenir l’Irak et la Syrie sous contrôle. L’Iran arrive à convaincre Nouri-al-Maliki d’arrêter de payer les forces de défense des provinces sunnites (la constitution ne peut pas prévoir ce genre de fourberie, on comprend pourquoi les kurdes préfèrent garder leur part de l’argent du pétrole plutôt que de faire confiance à Bagdad pour faire la distribution) affin de pouvoir mettre en place une politique sectaire en toute sécurité. Ceci est de toute évidence un échec cuisant puisque une partie de ces miliciens (ainsi que d’anciens de Saddam ou encore d’Al-Qaïda) ont pu former des milices qui se sont fédérés pour donner de qui est maintenant ISIS.

      Que faire une foi qu’on aura bombardé ISIS ? Doit on tenter une nouvelle démocratie en Irak alors que pour des raison démographiques les chiites auront toujours l’ascendant ? Doit on laisser Assad et son régime sans avenir au pouvoir en pensant que le peuple syrien se taira pour toujours ?

      Se défendre est une chose, mais les terroristes s’attendent justement à ce que l’on réponde, c’est même exactement la raison pour laquelle ils prennent soin de montrer toutes leurs horreurs. Il ne faut donc pas se faire avoir et tomber dans leur piège en créant nous même les conditions qui feront augmenter leur force.

      Leur but et de nous épuiser, aujourd’hui combien un dollar investit par ISIS nous coutera en réponse pour arriver à les contrer ? Quel est le plan à long terme pour cette région ? Doit on chercher comment faire cohabiter différentes communauté comme elles l’ont fait pendant des milliers d’années ou bien doit on considérer que l’arriver des dictatures socialistes au siècle dernier a trop changé la donne et créé de ressentiment qui fait que ces gens ne vivront plus jamais ensemble ?

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