L’économie selon Ray Dalio

Ray Dalio est le fondateur de Bridgewater Associates. Homme d’affaires avisé, il est écouté au sommet de l’État aux États-Unis. Quelle est sa vision du fonctionnement de l’économie mondiale ?

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Ray Dalio (Crédits : World Economic Forum, licence CC BY-NC-SA 2.0)

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L’économie selon Ray Dalio

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 25 avril 2015
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Par Le Minarchiste.

Global Financial Outlook: Ray Dalio credits  World Economic Forum (CC BY-NC-SA 2.0)
Global Financial Outlook: Ray Dalio credits
World Economic Forum (CC BY-NC-SA 2.0)

Ray Dalio est un homme d’affaires américain fondateur de la firme d’investissement Bridgewater Associates, qui emploie 1200 personnes et gère US$122 milliards d’actifs. Il est la 69e plus riche personne au monde selon Forbes et la 30e aux États-Unis.

Bridgewater est considérée comme la plus grosse et l’une des meilleures firmes de hedge funds au monde. Ses stratégies sont qualifiées de « global macro », c’est-à-dire qu’elle positionne ses investissements en fonction de ses prévisions de la conjoncture économique. Elle a été une pionnière dans l’utilisation des approches de « portable alpha » et de « risk parity».

La compagnie a commencé à sonner l’alarme dès le printemps 2007 en ce qui concerne les risques élevés reliés au levier financier dans l’économie. Les portefeuilles des clients de Bridgewater étaient bien positionnés pour faire face à la récession qui a suivi. Dalio a d’ailleurs été consulté par le Secrétaire au Trésor et la Maison Blanche. La newsletter de Bridgewater est notamment lue par Tim Geitner et Barack Obama.

On pourrait donc s’attendre à ce que Dalio soit quelqu’un qui comprenne bien le fonctionnement de l’économie, et c’est effectivement le cas. En 2013, il a mis en ligne une vidéo de 30 minutes intitulée How The Economic Machine Works. La vidéo est bien faite et très instructive. Il y a cependant certains points avec lesquels je suis en désaccord.

Pour Dalio, il existe 3 grandes tendances économiques. Il y a tout d’abord la croissance de la productivité, qui constitue une tendance passablement stable à long terme qui progresse grâce à l’innovation technologique. Il s’agit en quelque sorte de la « véritable » croissance économique ; le reste n’est qu’un cycle artificiel. La deuxième tendance est le cycle de crédit à court terme, qui fluctue en moins d’une décennie. Puis, il y a le cycle de crédit à long terme, qui lui dure de 75 à 100 ans.

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Quand on superpose les trois tendances, on obtient une image assez réaliste du fonctionnement de l’économie moderne.

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Dalio nous explique que le cycle de crédit à court terme est contrôlé par la banque centrale. Celle-ci ouvre les vannes de la création de monnaie jusqu’à ce que l’inflation des prix devienne menaçante, puis elle ferme les vannes en resserrant sa politique monétaire, ce qui engendre un désendettement et une récession. Par contre, Dalio évite de mentionner le corollaire de cette affirmation : les cycles économiques résultent de l’intervention des banques centrales, car celles-ci n’ont aucune idée du niveau approprié des taux d’intérêts !

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Dalio montre le graphique ci-bas, qui illustre bien l’effet du crédit sur l’économie. Quand le crédit prend de l’expansion, la consommation augmente au-dessus de la tendance de croissance économique, mais comme les dettes doivent un jour être remboursées, il faut éventuellement réduire sa consommation pour y arriver. Le cycle de crédit fait donc en sorte de nous amener au même point (ou peut-être pas ?), mais en subissant un violente récession en cours de route.

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Cette image montre bien que pour hausser votre consommation aujourd’hui, vous pouvez en quelque sorte vous emprunter à vous-même dans le futur ; vous réduisez votre consommation future pour augmenter votre consommation présente. C’est ça le cycle économique.

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Plus loin, Dalio nous explique qu’à chaque cycle court terme, les « pics » et les « vallées » sont de plus en plus hauts, ce qui signifie que l’endettement a tendance à augmenter : c’est le « cycle de crédit à long terme » selon lui. Le graphique ci-bas montre que c’est le cas aux États-Unis : il affirme que 1929 et 2008 sont les pics des deux derniers cycles de crédit à long terme aux États-Unis.

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Puis, il nous indique que si l’endettement augmente sans cesse durant ce cycle à long terme, c’est à cause de la nature humaine. Sans mentionner le terme, on pourrait presque dire qu’il fait référence aux « esprits animaux » de J.M. Keynes.

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En fait, tôt dans la vidéo, Dalio nous explique que si une personne emprunte pour augmenter sa consommation, cela fait augmenter les revenus des gens qui lui vendent des biens. Ensuite, comme ces personnes ont maintenant des revenus plus élevés, leur capacité d’endettement augmente, et ainsi de suite. Selon Dalio, c’est de cette manière que le cycle de crédit se construit et mène au surendettement. Il néglige cependant d’indiquer que si l’endettement peut augmenter presque sans relâche, c’est parce que le système bancaire à réserves fractionnaires crée la monnaie nécessaire avec l’aide de la banque centrale. Autrement, les taux d’intérêt augmenteraient, ce qui agirait comme frein naturel à l’endettement.

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Dalio explique ensuite que si l’endettement sert à consommer des biens qui ne produisent pas de revenus, comme par exemple une télévision, il s’agit d’une « mauvaise dette ». Par contre, si la dette sert à investir dans du capital productif, comme un tracteur qui permet d’augmenter les récoltes de maïs, il s’agit d’une « bonne dette », puisque l’actif ainsi acquis permet de générer un revenu qui servira à rembourser la dette.

Il y a un problème avec cette explication. Dans la partie du cycle où l’endettement augmente, la demande de télévisions aura tendance à augmenter, ce qui fera en sorte que les fabricants et vendeurs de télévisions vont emprunter pour investir dans l’augmentation de leur capacité de production (ce que Dalio considérerait comme une « bonne dette »). On constate donc que la mauvaise dette corrompt la bonne dette ! C’est cette subtilité que prend en compte la Théorie Autrichienne des Cycles Économiques (ABCT).

Dalio explique qu’il existe quatre manières de réduire l’excès d’endettement pour permettre à l’économie d’être relancée.

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La meilleure manière pour un individu de réduire son endettement est de diminuer sa consommation pour libérer les fonds nécessaires à rembourser ses dettes. Cependant, ces réductions de dépenses pour rembourser les dettes font évidemment diminuer la consommation, et donc les revenus des producteurs, ce qui fait augmenter les ratios d’endettement des producteurs. Ces réductions de dépenses et de dettes mènent aussi à la déflation des prix, ce qui fait augmenter la valeur réelle des dettes. La dette est aussi réduite par les défauts de paiement, soit suite à une faillite, soit suite à une restructuration de la dette réduisant son ampleur, ce qui est aussi déflationniste. Ainsi, selon Dalio, des interventions sont nécessaires pour que la réduction des dettes ne soit pas accompagnée d’une trop sévère récession.

Dalio mentionne ensuite que les gouvernements peuvent taxer les riches pour financer des programmes de dépenses visant à stimuler l’économie et pour financer des programmes de transfert vers les pauvres. Je doute que de hausser les impôts soit très efficace en récession, même si c’est pour réduire le déficit du gouvernement. En fait, les plans de relance incluent plutôt des baisses de taxes. De plus, les plans de relance servent souvent à financer des projets inutiles qui ne créent pas de richesse et ne permettent pas de redémarrer la croissance économique de manière soutenable.

Selon Dalio, la création de monnaie par la banque centrale permet de contrer la réduction de la masse monétaire qui résulte des remboursements de dettes. Le mécanisme par lequel la banque centrale stimule l’économie est celui qui consiste à utiliser l’argent créé pour acheter des bons du trésor, ce qui permet au gouvernement de monétiser son déficit sans faire augmenter les taux d’intérêt. Le problème avec cette façon de faire est qu’elle a comme effet de stopper le processus de désendettement et de nettoyage de l’économie. La reprise part donc sur une base moins solide. Dalio explique ensuite qu’un « beautiful deleveraging » est accompli quand 1) les ratios d’endettement diminuent, 2) la croissance économique réaccélère et 3) l’inflation n’est pas un problème. Selon lui, cela peut être accompli par une combinaison bien équilibrée des quatre solutions susmentionnées.

Conclusion : le problème avec l’approche de Dalio…

Le problème majeur avec les politiques monétaires de relance économiques telles que pratiquées par la Federal Reserve est que les creux et pics d’endettement sont toujours plus élevés que ceux du cycle précédent. On se retrouve donc avec un endettement sans cesse croissant qui, à un certain point, atteint un plafond infranchissable. C’est possiblement le cas aux États-Unis, au Japon et en Europe. Arrivé à ce plafond d’endettement, on a beau faire baisser les taux d’intérêt à zéro ou même négatif, l’emprunt n’est pas stimulé et l’économie stagne. C’est l’ultime résultat du keynésianisme…

 

Le graphique ci-bas illustre bien mon point. J’ai utilisé un graphique présenté par Dalio dans la vidéo et ai simplement dessiné une ligne de tendance en rouge.

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Voir les commentaires (3)

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  • il faudrait demander son avis à dominique strauss-khan …

  • Ces graphiques peuvent cependant bien illustrer l’ABCT, qui présente une cohérence interne et externe. Je crois que l’école autrichienne gagnerait à plus utiliser ce genre de statistiques pour ses démonstrations.

  • Certains avancent que le taux d’intérêt doit être à peu près équivalent au taux de croissance …

  • Les commentaires sont fermés.

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