Par Valérie d’Emploi 2017
À l’heure où le gouvernement français emploie tous les moyens possibles pour relancer les créations d’entreprises – sans aucun résultat visible, apparemment –, le tout nouveau secteur des startups, baptisé la New Infrastructure (nouvelle infrastructure), est en train d’émerger aux États-Unis. Il faut noter que cela se produit, non pas grâce à l’intervention publique et aux aides d’État, mais grâce à la liberté d’entreprendre, dont se félicite l’Amérique, et à l’absence de tous ces freins qui empêcheraient ce phénomène de se produire en France.
On peut penser à tort que des sociétés comme Uber ou AirBnB se basent sur les mêmes principes que Facebook ou Twitter, c’est-à-dire le partage, qui est le principe de base de tous les réseaux sociaux. Mais en réalité ces nouvelles sociétés ne font qu’exploiter des réseaux qui existent déjà, notamment grâce à l’invention d’algorithmes extrêmement complexes qui permettent de gérer les réseaux existants d’une manière particulièrement efficace.
L’innovation par construction de réseau laisse alors la place à l’innovation par exploitation de potentiel existant non employé, grâce à internet.
Pensez d’abord à FedEx, créée en 1971, qui a dû inventer un système de logistique très complexe pour construire un réseau à dimension internationale et assurer des livraisons à certain coût. Aujourd’hui, la société dispose d’une flotte de plus de 600 appareils, soit le deuxième parc mondial après celui de Delta Air Lines, et compte près de 3,5 milliards de dollars en actifs par an. Elle emploie par ailleurs plus de 200.000 personnes. La qualité de l’infrastructure de FedEx est devenue sa force.
Mais les startups d’aujourd’hui adoptent une logique complètement différente. On parle de la nouvelle infrastructure puisque ces nouvelles startups imaginent comment exploiter au mieux les infrastructures d’autrefois. Par exemple, Uber, créée seulement en 2009, vaut déjà près de 80% de la capitalisation boursière de FedEx. Pourtant, la société n’emploie que 2.000 personnes et ne possède aucun véhicule. Son infrastructure est représentée d’une part, par les personnes intéressées par ses services et, d’autre part, par celles qui sont prêtes à mettre leurs véhicules à disposition de la société. Par opposition au secteur traditionnel de taxi, les personnes deviennent la nouvelle infrastructure des sociétés comme Uber, et il n’y a plus besoin d’investissement en capital physique.
Une autre société, pas encore connue en France, appelée Roadie, s’apprête à faire concurrence à FedEx. Pourquoi a-t-on besoin d’une flotte d’avions ou de camions si chaque jour des millions d’Américains font leurs trajets avec leur voiture et sont prêts à transporter – à petits frais – des colis que d’autres doivent faire livrer ? Avec FedEx, cela coûte cher puisque l’on paie en amont toute l’infrastructure et le personnel qui se charge de traiter la commande. L’avantage de Roadie est qu’à l’époque des tablettes et des smartphones, chacun peut gérer sa commande tout seul, avec l’aide d’un petit logiciel extraordinairement intelligent.
Ou bien, à petite échelle, la société Instacart intervient dans le secteur de la livraison de courses à domicile. Elle compte également sur le réseau de personnes dotées de véhicule, prêtes à faire des courses pour celles qui n’ont pas de temps à consacrer à cette activité et à les livrer directement à leur domicile, en contrepartie d’une petite compensation. Au cœur de cette idée se cache, encore une fois, un algorithme intelligent qui permet de faire concorder les besoins des acheteurs avec les disponibilités des livreurs.
Enfin, citons l’exemple de la société AirBnB, qui a décidé de repenser la logique du secteur hôtelier. Dans son cas, les hébergements des personnes privées deviennent la nouvelle infrastructure pour le tourisme et font concurrence au secteur traditionnel des hôteliers, gérés par des professionnels auxquels parfois fait défaut une petite touche personnelle appréciée par beaucoup de voyageurs. Dans des endroits où le manque d’infrastructure traditionnelle liée au tourisme est important, les services proposés par AirBnB peuvent être une bonne solution, sans aucun investissement préalable à réaliser dans le capital fixe pour la société. Le rôle de cette dernière se résume alors à imaginer une plateforme de rencontres entre les bailleurs et les voyageurs, à équilibrer l’offre avec la demande. Autrement dit, donner envie aux gens de voyager et de recevoir.
Ces multiples startups de la nouvelle génération ne font qu’exploiter au maximum le potentiel des infrastructures inemployées en s’appuyant sur les mécanismes d’optimisation et l’évolution permanente des technologies numériques.
Le Wall Street Journal, qui reprend l’exemple de toutes ces sociétés dans son article du 10 mars intitulé « People Are Startups ’Infrastructure’ », y voit même un espoir pour les statistiques de chômage. Dans un pays qui ne manque pas de jeunes personnes en bonne santé et sans activité permanente, de véhicules de toutes sortes, ou de logements à moitié vides, les startups de la nouvelle génération peuvent apporter de nouveaux emplois et avoir un rôle dans la baisse du chômage1.
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Sur le web.
- À quand la première startup qui saura transformer en produit marchand, avec de nombreux acheteurs, le potentiel non employé de la fonction publique ? ↩
Ces startups sont essentiellement fondées sur les scléroses et contraintes réglementaires des activités classiques. Libérez les activités classiques, et elles se trouveront en grande difficulté : leur valeur ajoutée disparaîtra. C’est plutôt embêtant, parce que du coup, elles non plus n’ont aucun intérêt à cette libération…
Prochaine bulle en cours !
Une entreprise sans infrastructure de mise en relation entres acteurs peut elle valoir plusieurs milliards de dollars ?
Si vous y voyez une bulle c’est facile : il suffit de ne pas investir et de laisser les autres se casser la figure.
Ce qui selon moi ressort de l’article est que la valeur d’une entreprise peut dépendre de son infrastructure – comme c’était le cas avant -, mais aujourd’hui la valeur d’une entreprise dépend aussi beaucoup du réseau qu’elle a pu construire. Par contre, on manque un peu de visibilité sur la fiabilité d’un tel réseau dans le temps, et les exemples qui me viennent à l’esprit ne plaident pas pour un maintien de la valeur à long terme (AOL, MySpace, même Facebook qui cherche des nouveaux relais d’expansion…)
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