Par Zeid Ra’ad Al Hussein.

Je suis de plus en plus convaincu que toute éducation dépourvue d’une forte composante universelle des droits de l’homme, sera peu utile surtout en période de crise, lorsque notre monde commence à s’effondrer. Qu’est-ce que l’humanité des diplômes d’études supérieures en médecine et en anthropologie de Josef Mengele, alors qu’il a été capable de commettre les crimes les plus inhumains ?
Huit des quinze personnes qui ont planifié l’Holocauste à Wannsee en 1942 étaient titulaires d’un doctorat. Ils brillaient académiquement, pourtant ils étaient profondément nuisibles pour le monde. Radovan Karadzic était un psychiatre. Pol Pot a étudié l’électronique de radio à Paris. Leur niveau d’instruction comptait-il quand aucun d’eux n’a montré la plus petite once d’éthique et d’humanité ?
Bien sûr, nous avons besoin des écoles pour nourrir la curiosité et l’intelligence. L’apprentissage de la géométrie complexe, ou de la biologie cellulaire et moléculaire, ou de la philosophie cartésienne, peut être une chose précieuse. Mais quand l’humanité bascule dans l’autodestruction vicieuse, nous n’avons pas nécessairement besoin de gens qui sont intelligents. Nous avons davantage besoin de gens bienveillants, ayant un haut niveau de compassion. Des gens qui possèdent la joie de vivre, la générosité et l’amour, et qui ont pleinement intégré les valeurs essentielles à la vie dans la liberté et dans la dignité. Nous avons besoin de gens avec une boussole morale forte.
Avant que chaque enfant sur cette planète atteigne les neuf ans, je crois qu’il doit acquérir une compréhension fondamentale des droits humains. Et je suis loin d’être le seul à le penser. Il y a soixante six ans, les auteurs de la Déclaration universelle des droits de l’homme ont estimé que l’éducation aux droits de l’homme serait si importante qu’ils l’ont inscrite dans ce grand texte fondateur. L’article 26 stipule : « l’éducation doit viser le plein épanouissement de la personnalité humaine et le renforcement du respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales ». En outre, tous les États membres de l’ONU ont affirmé à plusieurs reprises leur croyance en l’importance de l’éducation aux droits de l’homme comme une stratégie à long terme pour, la prévention des violations des droits de l’homme et des conflits, la promotion de l’égalité et le développement durable, le renforcement de la participation des populations aux processus de prise de décision. Le Programme mondial pour l’éducation aux droits de l’homme a été mis en place pour encourager une action nationale plus forte et plus cohérente.
Même à l’école maternelle, les enfants devraient apprendre – et pratiquer – les valeurs des droits humains fondamentaux de respect, de l’égalité et de la justice. Depuis le plus jeune âge, l’éducation aux droits de l’homme devrait être intégrée dans le programme de chaque école, les programmes et les manuels scolaires, les politiques, la formation du personnel enseignant, les méthodes pédagogiques et l’environnement global de l’enseignement. Les enfants ont besoin d’apprendre ce que la bigoterie et le chauvinisme sont, et le mal qu’ils peuvent engendrer. Ils ont besoin d’apprendre que l’obéissance aveugle peut être exploitée par des figures d’autorité à de mauvaises fins. Ils doivent aussi apprendre qu’ils ne sont pas exceptionnels du fait de leur lieu de naissance, leur apparence, leur passeport, leur classe sociale, leur caste ou la religion de leurs parents. Au contraire, ils doivent apprendre que personne n’est intrinsèquement supérieur à son ou ses frères humains.
Les enfants peuvent apprendre à reconnaître leurs propres préjugés, et à les corriger, à réorienter leurs propres pulsions agressives et utiliser des moyens non-violents pour résoudre les différends. Ils peuvent aussi apprendre à s’inspirer du courage des pacificateurs qui aident, et non pas ceux qui détruisent. Ils peuvent être guidés par l’éducation aux droits de l’homme pour faire des choix éclairés dans la vie, aborder les situations avec une pensée critique et indépendante, et sympathiser avec les autres points de vue.
Aujourd’hui, dans des écoles comme l’École Internationale de Genève – et ce devrait être le cas de toutes les écoles – les enfants peuvent apprendre qu’aucun être humain ne peut être correctement défini par un critère de référence unique : pas de nationalité, pas d’idéologie ou de religion. Comme le souligne l’économiste indien Amartya Sen dans son livre « Identité et violence de réflexion », chaque être humain a plusieurs identités, liées au sexe, à la nationalité, à la langue, à la résidence, à la classe, à la religion, la profession, les croyances politiques et inclinations personnelles. Selon lui, « le meilleur espoir pour la paix dans le monde réside dans la reconnaissance pure et simple mais de grande envergure que nous avons tous de nombreuses appartenances et affiliations différentes, nous ne sommes pas définis de façon rigide par une seule catégorisation de groupe endurcis qui se confrontent mutuellement ». Chaque enfant devrait être en mesure de saisir que cette reconnaissance d’identités multiples et transversales est une source d’enrichissement considérable.
Personnellement j’avais observé que chaque enfant, après discussion, est enthousiasmé par la citation du célèbre Martin Luther King : « un jour où les gens ne seront pas jugés sur la couleur de leur peau, mais sur le contenu de leur caractère ». Les enfants sont pleinement en mesure de saisir les implications des droits de l’homme. Et ils sont capables aussi de comprendre le pouvoir que les principes des droits humains exercent sur eux. Chaque enfant peut aider à former son univers : c’est la leçon donnée par cette jeune femme Malala, petite physiquement et pourtant très puissante mentalement, qui a enrichi le patrimoine moral de l’humanité. Nous n’avons pas à accepter le monde tel qu’il est. Nous n’avons pas à céder à l’attrait sombre de la haine et de la violence, il est essentiel que nous trouvions l’énergie pour résister.
Alors que nous avancons dans ce siècle, nous allons tous faire face à des moments de doute, et même de désespoir. Nous pouvons ainsi rencontrer de terribles souffrances. Mais la clarté des valeurs des droits de l’homme fournit la seule base possible pour trouver des solutions. Et c’est grâce seulement à ces droits que l’on peut répondre à une question simple posée par Witold Pilecki quand il marcha dans cette voie près d’Auschwitz : Oui, en effet, nous sommes tous des êtres humains. Ce qui arrive à chacun d’entre nous est important.
Que chaque éducateur devienne un défenseur des droits de l’homme et que chaque établissement d’enseignement soit une zone de tolérance et de dignité.
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Je suis absolument d’accord, sauf que seuls, les établissement d’enseignement ne pourront porter cette magnifique idée, il faut une relation de confiance avec les parents, repenser le fonctionnement de l’école …!
Mathilde, en période de totalitarisme “les établissement d’enseignement” ont vocation à formater l’esprit des enfants (Peillon dirait « arracher l’élève à tous les déterminismes, familial, ethnique, social, intellectuel »), alors méfiance !
Oui pour la tolérance, le respect de soi et des autres, la dignité. Mais est-ce que la défense des droits de l’homme par l’éducateur sont le moyen approprié d’y parvenir, j’en doute. Si l’enfant a été bien éduqué, les droits de l’homme s’imposeront à lui comme une évidence. Si les droits de l’homme lui ont été présentés comme un socle, il s’en trouvera pour contester l’enseignement ou l’éducateur.
Sur le collège à côté de chez moi, il y a une grande banderole pour la journée portes ouvertes : “Ici, pratique du débat citoyen en anglais”. Eh bien moi, je ne crois pas plus aux vertus du débat citoyen pour former les collégiens à l’anglais qu’à celles de l’enseignement ex-cathedra des droits de l’homme pour former à la tolérance et à la dignité. C’est beaucoup plus difficile que ça.
A cela j’y ajouterais les droits de la femme et de la citoyenne Déclaration de Olympe de Gouges. Droits malheureusement qu’il nous faut rappeler sans cesse
Morel, ne soyez pas fâché, mais , à propos des
“droits de la femme et de la citoyenne”,deux points
1. les droits de la femme sont inclus dans les Droits de l’ Homme,
2. n’avez-vous pas remarqué que la référence au citoyen (et donc la citoyenne) a disparu; manquerait plus que le citoyen pense avoir des droits en système oligarchique; il pourrait croire que le référendum de 2005 lui demander s’il approuvait la Constitution Européenne. Mais bon nombre ne s’en sont pas aperçu !
La question que je poserais si un psy pouvait me répondre : est-ce que cela changerait quelque-chose ?
Les valeurs religieuses sont peut-être moins universelles pour le respect humain mais parmi les plus ancrées dans notre éducation et n’ont pas empêché les “monstres” de devenir ce qu’ils sont devenus et les peuples de les suivre. Comment se produit le basculement chez les dictateurs et l’aveuglement pour les foules ?
@ pragmat, à propos de universalité des valeurs religieuses je vous suis en totalité.
Mais, attention, il ne faut pas confondre avec les thèses totalitaires, même si dans certain cas, elles ne revendiquent “message divin” !
les régimes communistes ainsi que le régime nazi étaient athées. Le problème c’est que quelque soit les valeurs il y aura toujours des gens qui, par haine de la société, préfèreront penser qu’ils sont victimes de la société et qu’une société totalitaire les libèrera.
Merci de au minimum mettre un H majuscule à homme 😉
On ne met de majuscule à Homme que quand il s’agit de la totalité du genre Homo. La convention est donc de n’en pas mettre pour les droits de l’homme, qui ne concernent pas les branches éteintes du genre humain (c’est comme pour le Q majuscule à femme, qu’on omet puisqu’il ne les concerne pas toutes 😉 ).
Pfff…
“Ce n’est pas la peine d’essayer, ça ne marchera pas. Et même si ça marche, ça ne servira à rien”
D’accord pour la difficulté de la tâche, mais de là parler comme le paysan de la Creuse…
“…éthique de l’Humanité”.
Il y a autant de différence entre “éthique” et “morale” qu’entre le sel de table et le chlorure de sodium.
Mais “éthique”, comme “chlorure de sodium”, c’est très chic, très parisien… et ça évite de passer pour ce qu’on est: un cuistre moralisateur.
On fait lire ayn rand et rothbard aux petits enfants, on donne des cours de peaceful parenting aux parents et en cinq ans on a formé une génération qui changera la face du monde.
Avant que chaque enfant atteigne l’âge de neuf ans, lui donner Ayn Rand et Rothbard à lire ? De quoi s’assurer qu’il en aura gardé un tel souvenir quand il en aura 16 qu’il ne les lira pas non plus à ce moment-là, où ça lui serait utile…
On pourrait lancer un grand débat sur quelle déclaration est la meilleure, ainsi que leurs lacunes respectives (le droit de porter des armes est seulement présent dans la constitution américaine, pourtant c’est un droit fondamental qui symbolise la primauté de l’individu sur l’état) mais en effet l’apprentissage d’une forme de morale est indispensable.
Les droits de l’homme ont été enseignés à l’école du temps que mes enfant y allaient, mais seulement en extraits, ils se gardaient bien de parler des articles qui limitaient la loi (Art. 5, 6, 8, 12, 15) ou limitaient l’impôt (art. 13 et 14).
http://www.assemblee-nationale.fr/connaissance/constitution.asp#declaration
Coup d’épée dans l’eau .
Ce sont les devoirs acceptés qui comptent.
Quand il n’y a que des droits, il n’ a plus rien.