« La liberté aux États-Unis (1849) » de Michel Chevalier

Alexis de Tocqueville ayant traité avec maestria de la liberté politique aux États-Unis, Michel Chevalier se propose de parler dans son livre de la liberté civile.

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La Liberté aux Etats-Unis par Maurice Chevalier (Crédits Institut Coppet, tous droits réservés)

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« La liberté aux États-Unis (1849) » de Michel Chevalier

Publié le 3 janvier 2015
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Par Francis Richard.

La Liberté aux Etats-Unis par Maurice Chevalier (Crédits Institut Coppet, tous droits réservés)Michel Chevalier (1806-1879) est un économiste français contemporain d’Alexis de Tocqueville et de Frédéric Bastiat. Il est, davantage encore qu’eux, une figure oubliée de l’école libérale française.

Un séjour aux États-Unis, dans les années 1830, lui a permis de découvrir que « l’Américain est de tous les hommes, celui qui a au plus haut degré la liberté de sa personne;  il est, sous ce rapport, libre comme l’air« .

Alexis de Tocqueville ayant traité avec maestria de la liberté politique aux États-Unis, Michel Chevalier se propose de parler dans son livre de la liberté civile, « celle dont a besoin l’homme intelligent et laborieux, à chaque instant de la vie pour ainsi dire, en chacun de ses actes, dans chacune de ses affaires« .

Il précise cependant que « la liberté civile est l’objet de la liberté politique ; celle-ci est le bouclier de celle-là, bouclier, malheureusement, aussi difficile à manier que celui du grand Ajax.« .

Aux États-Unis, la loi de l’habeas corpus, apportée par les colons anglais depuis la mère-patrie, garantit les personnes contre toute séquestration arbitraire. Dans le même esprit, les visites domiciliaires sont soumises à conditions. Ce qui n’est pas le cas, à l’époque en France, où les domiciles de particuliers peuvent être violés par le fisc et les douanes… et, par extension, ceux des commerçants qui vendent des marchandises que l’État a décidé arbitrairement de prohiber.

La loi militaire, qui pourvoit à la défense d’un pays, permet d’apprécier en quel respect est tenue la liberté individuelle. Aux États-Unis, du temps de Michel Chevalier, « l’armée régulière se forme exclusivement par l’enrôlement volontaire. La garde nationale appelée milice, qui comprend toute la population mâle de plus de vingt et un ans, ne serait convoquée qu’en cas d’invasion« .

En France, mais également dans toute l’Europe occidentale, l’armée est une armée de conscription. L’État tire au sort les hommes pour la constituer et ils deviennent sa propriété pendant sept ans. Sans possibilité d’échappatoire, ils sont alors enlevés, pendant les plus belles années de leur vie, « à leur clocher, à leurs habitudes, à leurs affections, à leur existence productive » et désapprennent leur métier.

Michel Chevalier ne nie pas qu’une armée ne soit nécessaire mais il conteste que la conscription soit indispensable. Il en veut pour preuve l’exemple de l’armée anglaise : « L’Angleterre n’a que l’enrôlement volontaire, et son armée n’en est pas moins solide. Elle a des soldats tant qu’elle veut. » Mieux, cet exemple montre qu' »avec l’enrôlement volontaire, pour avoir un même effectif réel, on pourrait se contenter d’un effectif moindre » et que cela donne de meilleures troupes.

Le cas le plus ordinaire du citoyen américain est le cultivateur. Il acquiert à prix raisonnable, dans l’Ouest, des parcelles de terres publiques sécurisées, sur lesquelles il a jeté librement son dévolu : « Si la terre était concédée gratuitement, on a pensé que le cultivateur y tiendrait moins, s’en séparerait plus aisément.« .

Le cultivateur américain valorise donc ces terres, sans aide, à ses risques et périls. S’il n’a pas les moyens de payer, il peut le faire après les avoir valorisées, faisant jouer son droit de préemption ou les ayant achetées préalablement aux enchères, ce qui lui permet de détenir un titre de propriété provisoire.

Rien de comparable avec la politique de pays tels que la France, la Suisse ou l’Allemagne, à l’égard des populations agricoles, pour ce qui concerne les terres d’Afrique : « Le gouvernement donne des terres, des semences, du bétail, mais il ne donne pas la liberté d’acquérir ce qu’on veut, quand on veut et comme l’on veut. C’en est assez pour que ses dons soient dédaignés. »

D’une manière plus générale les formalités administratives pour qui veut entreprendre aux États-Unis sont réduites et se traitent au plus proche, localement, le contraire de qui se passe en France : « Les affaires dans lesquelles la permission ou l’intervention de quelque autorité est requise ne dure pas en Amérique plus de semaines alors qu’il y faudrait des années en France« .

Cette lenteur résulte de la centralisation, que l’on justifie « pour prévenir des abus possibles« , alors qu’elle attente en réalité, systématiquement, à la liberté d’agir et de travailler et organise « un abus certain et pemanent« . Ses exagérations sont en fait dues aux gouvernements despotiques de la Convention et de l’Empire.

En Amérique les professions sont libres : « Si, par surprise ou par abus, un des États conférait à quelqu’un le privilège exclusif d’une fabrication ou d’un travail quelconque, on chercherait et on trouverait le moyen de traduire l’acte à la barre de la cour suprême des États-Unis, qui ferait de son mieux, dans les bornes de la légalité, pour le frapper de nullité comme inconstitutionnel. »

Aussi n’existe-t-il pas aux États-Unis d’alors, telles qu’elles sont appelées aujourd’hui en France, de professions réglementées : « Chacun est libre de se faire commissaire-priseur, agent de change, huissier, avoué, notaire, autant que ces professions ont leurs analogues en Amérique, car le mécanisme judiciaire et ministériel y est tout différent. »

Chacun est d’autant plus libre d’exercer telle ou telle profession que, dans nombre d’États, il n’a pas l’obligation d’être gradué pour cet exercice. Michel Chevalier considère cependant comme « infiniment prématuré de calquer la liberté française sur la liberté américaine« , à l’égard des professions qu’il vient d’indiquer, auxquelles il a ajouté l’exercice de la médecine…

Pour ce qui concerne les associations d’entreprises industrielles, Michel Chevalier regrette certaines faiblesses du libéralisme américain. Dans l’octroi d’autorisations, les États, à l’origine, évitaient autant que possible de conférer à des compagnies un privilège exclusif. Mais certains d’entre eux y ont fait exception pour eux-mêmes en se réservant, par exemple, le monopole d’établissements bancaires ou de voies de communication.

Ces entorses sont toutefois limitées : « Les monopoles que se sont attribués les gouvernements de plusieurs pays de l’Europe dans une pensée fiscale, comme le monopole des tabacs en France, ou celui des voitures publiques en Allemagne, sont complètement inconnus en Amérique.« 

Michel Chevalier peut donc dire: « Liberté, liberté extrême, liberté illimitée dans le travail et dans l’emploi des capitaux, voilà, malgré quelques anomalies, l’esprit général de la législation des États-Unis.« 

Certes des réglementations existent aux États-Unis, mais elles ne sont pas toujours dénuées de raison. Ainsi des inspections de marchandises à la sortie et à l’entrée du pays permettent de s’assurer qu’elles sont de qualité. Sinon, « en résumé, tenons pour démontré qu’en Amérique l’homme de travail, soit qu’il cultive, soit qu’il manufacture ou qu’il commerce, soit qu’il ait une profession libérale, possède pour exercer ses facultés, pour suivre ses idées, une liberté extrêmement étendue. C’est le pays du monde qui en a le plus. »

À l’origine, sous l’influence des puritains, « la loi réglementait tout, statuait sur tous les actes de la vie ; elle n’était pas seulement exclusive, elle était impitoyable« . Les idées européennes, « qui faisaient prévaloir la séparation de l’autorité civile et de l’autorité religieuse, la liberté de conscience et la liberté individuelle, et qui interdisaient au législateur de pénétrer dans le foyer domestique et de s’immiscer dans la vie privée« , ont heureusement traversé l’Atlantique et se sont implantées en Amérique.

Michel Chevalier conclut : « Aujourd’hui donc, d’une extrémité de l’Union à l’autre, ce n’est plus guère que par exception qu’on charge la loi de maintenir les pratiques religieuses, de garantir en détail les principes de morale qui servent de base à la société, à la famille, et par suite aux institutions libres, et de perpétuer par des prescriptions impératives les habitudes d’ordre, d’économie, de bonne conduite, par où se font jour ces principes de vie individuelle. Cette grande mission est confiée aux mœurs. »

Les mœurs ? Michel Chevalier se sert des expressions d’Alexis de Tocqueville : « J’entends ici l’expression de moeurs dans le sens qu’attachaient les anciens au mot mores. Non seulement je l’applique aux mœurs proprement dites, qu’on pourrait appeler les habitudes du cœur, mais aux différentes notions que possèdent les hommes, aux diverses opinions qui ont cours au milieu d’eux et à l’ensemble des idées dont se forment les habitudes de l’esprit. »

La liberté aux États-Unis (1849), Michel Chevalier, 76 pages Institut Coppet

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  • « l’Américain est de tous les hommes, celui qui a au plus haut degré la liberté de sa personne; il est, sous ce rapport, libre comme l’air »
    En 1830 comme aujourd’hui à condition de n’être ni un autochtone (amérindien), ni noir etc… et puis la liberté n’est pas d’écraser l’autre…et comme les améreuropéens ne savent faire que cela… il est temps de tourner la page sur ce cauchemar.

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