Par Farhat Othman.
À la sortie de l’expérience malheureuse de la troïka et à la veille d’un nouveau départ au lendemain du second tour de la présidentielle dimanche 21 décembre, la Tunisie est sur le point d’inaugurer sa Nouvelle République bien plus que sa seconde République, la coupure devant être totale avec le passé.
Aussi, voici trois à quatre choses essentielles à connaître impérativement sur ce petit pays par ses gouvernants, directs de l’intérieur, comme indirects de l’extérieur, pour ne pas se laisser aller aux errements passés et saisir l’occasion de transformer l’essai de l’arrêt en cette terre du carrosse de l’histoire, ne pas en être juste la poussière que soulève son passage.
Car l’histoire peut et doit y être écrite au moment de la bascule du paradigme d’un monde fini à celui d’un autre en gestation.
1. Pacifisme et hédonisme majeurs
La toute première chose à ne point oublier est la nature foncièrement pacifiste du peuple de cette terre, doublée d’un hédonisme certain. Cela le fait fuir tout conflit, acceptant une apparente soumission aux aléas, car synonyme de libertés interstitielles qu’une logique d’affrontement préjudiciable à son envie de pouvoir croquer sa vie à pleines dents.
C’est ce qui a toujours fait que les envahisseurs de cette terre bénie des Dieux se soient très vite dissous dans la douceur de vivre d’un peuple enchanteur, gagnés par sa philosophie hédoniste.
C’est aussi ce qui fait que les démocrates du pays n’ont pas nécessairement choisi la lutte frontale contre les dictatures soutenues de l’extérieur, choisissant le réalisme d’une lutte plus efficace, celle qui se fait en catimini. Demeurant sur leurs valeurs tout en contrecarrant la dictature dans les faits et les actes, mais sans bruit, ils obtenaient plus de résultats et de concessions que les militants déclarés et les va-t-en-guerre dont les motivations ne manquent parfois pas la recherche de leur propre gloriole, la dernière chose qui compte dans l’âme authentiquement tunisienne.
2. Fusion de cultures d’ouverture
La situation géostratégique du pays et l’empathie naturelle de son peuple ont fait de la Tunisie un carrefour de cultures et une terre constamment ouverte aux influences extérieures dans un brassage continuel où le meilleur finit par s’imposer. Aussi, il serait erroné de contrarier l’éclectisme tunisien et l’œcuménisme de sa culture, y compris religieuses, car cela constitue en son être une forme ontologique.
La Tunisie est une sorte de pays monde où le Tunisien est un citoyen du monde. Jamais une dictature morale n’a duré en Tunisie, les esprits étant libertaires par définition. Et n’était le support ou la pression de l’étranger, aucune dictature politique n’y aurait tenu durablement. Au-delà de l’apparente soumission du peuple, des anticorps naturels travaillent à débarrasser son organisme de tout élément étranger à sa manière d’être, néfaste à son art de vivre.
3. Altérité en impératif catégorique
C’est une vocation à l’altérité qui résume cet art de vivre, érigée en impératif catégorique. C’est elle que l’on doit toujours cultiver en Tunisie dans tous les domaines, politiques certes, mais aussi et surtout religieux ou plus exactement spirituel.
C’est pour cela que d’aucuns, dont je suis, ont jugé positive la victoire islamiste aux élections de 2011 en l’estimant propice à une fatale évolution du parti Ennahdha vers la démocratie. Certes, une telle évolution aurait pu être plus rapide, mais elle a enfin lieu.
Aussi, tout doit être mis en œuvre pour que cette évolution ne soit pas qu’un simple feu de paille, et ce en osant les indispensables réformes parlant à l’imaginaire populaire, étant de nature à faire sauter les verrous qui bloquent bien plus l’inconscient des Tunisiens, alimentant tous les intégrismes. Or, il s’agit bien plus de l’inconscient des élites que de celui du peuple qui est bien moins constipé et nettement libertaire dans sa manière de vivre.
4. Des freins inconscients à faire sauter
Ces freins sont d’autant plus redoutables qu’ils ne sont pas seulement prégnants chez les islamistes, mais aussi chez des démocrates supposés affirmés à cause d’une véritable confusion des valeurs chez eux.
L’altérité étant la valeur cardinale résumant la tunisianité, c’est elle qui doit être placée en toute politique, interne comme internationale. Sur le plan domestique, elle doit être honorée avec l’abolition de toutes les marques d’exclusion d’autrui dans tous les domaines de la vie. Cela désigne bien sûr et en premier les lois en matière d’état civil, notamment celles discriminant sexuellement, aussi bien en termes d’homophobie que de succession, afin que l’effet psychologique salutaire soit effectif.
En effet, accepter l’homosexualité en terre tunisienne comme accepter la parfaite égalité successorale entre hommes et femmes correspond bien à la mentalité tunisienne éprise d’égalité tout en étant en harmonie, non seulement avec l’islam tunisien, capable d’inventivité et d’originalité grâce à ses racines soufies, mais aussi à l’esprit de l’islam bien compris.
Sur le plan externe, ce sont deux orientations majeures susceptibles de faire sauter d’autres verrous qui interpellent le courage des dirigeants afin d’oser sortir du conformisme diplomatique mortifère en Tunisie et chez ses partenaires. Il s’agit de la libre circulation des ressortissants matures de cette terre et de l’action en reconnaissance d’Israël dans le cadre de la légalité internationale, préalable pour que la Méditerranée renoue avec une certaine paix et le promeuve dans un monde gagné par les périls extrémistes de tous ordres.
Cela nécessite du courage et du talent, mais il ne s’agit nullement de ceux d’aller à l’encontre d’une société abusivement qualifiée de conservatrice quand elle est prête dans sa majorité silencieuse à tous les actes d’éclat, pourvu qu’ils aient du panache du fait de son esprit libertaire.
Il s’agit plutôt du courage d’aller à l’encontre du conformisme logique ambiant et du talent pour briser l’omerta de la doxa gouvernant l’univers qui entend continuer à gérer le monde qui a pourtant changé selon les techniques d’antan qui ne sont plus opérantes.
Tiens, elle ne porte pas encore le voile, la gamine ?
Réflexion idiote de la part de quelqu’ un qui ne connaît probablement pas la Tunisie, le Pays le plus tolérant du Maghreb côté moeurs !
Personne n’a oublié les emprisonnements politiques, la torture, les disparus, la terreur politique et policière, la corruption généralisé, la misère sociale et culturelle ! BCE était spectateur et acteur de plusieurs décennies noires de notre Tunisie humilié, martyrisé, brisé !