Par Drieu Godefridi.
Dans son livre L’agression, Une histoire naturelle du mal, le grand biologiste et zoologiste Konrad Lorenz montre comment certains vertébrés ont développé des rites de combat dont la fonction est d’identifier le plus fort des deux combattants, sans trop endommager le plus faible : « Comme les tournois et le sport ont des buts semblables, ce genre de combat (…) donne inévitablement l’impression du « chevaleresque » ou du « fair play » sportif. Parmi les cichlides (des poissons), il y a une espèce, Cichlasoma biocellatum, que les amateurs américains appellent, en raison de ce comportement, Jack Dempsey, d’après le champion du monde de boxe connu pour son fair play. » Parfois, cette ritualisation de l’agressivité va jusqu’à l’absence de contact physique, donc de combat au sens strict, entre les deux adversaires, qui se quittent pourtant en ayant vidé leur querelle et décidé du primat de l’un, sur l’autre.
Demandons-nous si les récentes démonstrations de force syndicale — notamment la journée du lundi 8 décembre — ne s’inscrivent pas dans cette même perspective de ritualisation de la violence, qui en aurait toutes les fonctions, sans le caractère sanglant. Des piquets bloquants sont dressés aux quatre coins du pays, des barrages se lèvent sur les autoroutes, des commerces et des écoles (!) sont menacés de dommages s’ils ne ferment pas leurs portes pendant 24 heures. Des organisations patronales se font menaçantes, des groupes citoyens sont montés sur Facebook, des automobilistes affirment leur résolution de forcer les barrages, coûte que coûte.
Tous les éléments de la confrontation semblent réunis. Pourtant, au final, rien, ou presque. Ce qui semble un défi aux lois de la probabilité. Sauf à postuler, dans la suite de Konrad Lorenz, que les manifestations syndicales auraient atteint, en Belgique, une manière de ritualisation, dont la fonction serait de profiler le plus fort des deux combattants (syndicats ou gouvernement), sans que l’autre ne perde la face. Quand Marc Goblet, de la FGTB, prend la parole devant une centaine à peine de ses partisans, au soir du 8 décembre, après avoir réussi à paralyser une partie de l’économie du pays, il n’est ni vainqueur, ni vaincu ; il prend date, sans perdre la face. Idem pour le gouvernement. Tout est bien et chacun rentre chez lui, sans dommage apparent.
Toutefois, cet équilibre de la ritualisation, pour réjouissant qu’il soit, paraît fragile. Car, il suffirait d’un dérapage, d’un manquement largement médiatisé à cette ritualisation de la violence qui semble la rendre inoffensive, pour que le conflit dégénère et se fasse vilain. On ne peut donc qu’inviter les parties à dépasser ce moment de ritualisation, à la fois moral et esthétique, pour regagner le havre éprouvé du respect de la loi. Le droit de grève ne devrait s’exercer que dans le respect des libertés fondamentales de ceux qui ne souhaitent pas l’exercer. Toute autre solution nous expose au risque de la rupture soudaine de cette cristallisation éphémère, justement célébrée par Konrad Lorenz, de la ritualisation de la violence.
Paru dans La Libre Belgique, 9 décembre 2014
Ritualisation, peut-être, violence, certainement. Qu’est-ce qui distingue le fascisme des années 30 avec les menaces exprimées par les syndicaux actuels, à part l’aspect para-militaire inexistant aujourd’hui ? Menaces physiques, création d’un climat délétère par tout ce que les syndicats comptent comme voyous, entrave à la simple liberté de circuler, refus du résultat des urnes quand celui-ci ne leur convient pas, et pour les dirigeants, le pactole (il suffit de voir le salaire du secrétaire général de la FGTB), le népotisme (ce même personnage a casé son fils et sa fille comme il le fallait), l’arrogant mépris pour toute personne qui ne pense pas comme eux (avec les mêmes crises d’hystérie que S. Royal pour une ancienne ministre socialiste qui le fut durant 25, vingt-cinq !, ans).