Par Steve Chapman.
Un article de Reason.
Entendre Grover Norquist, militant anti-fiscaliste, parler de baisses d’impôts, ça n’a rien d’original ; mais c’est assez surprenant de l’entendre parler de licornes roses. Les licornes roses sont parfaitement imaginaires ; c’est selon lui leur point commun avec les baisses de dépenses que les Républicains espèrent négocier avec l’administration Obama contre une augmentation des impôts. Norquist affirme que les Démocrates ne cherchent qu’à faire grossir l’État, et ses alliés du parti Républicain seraient bien naïfs de vouloir parvenir à un arrangement avec eux.
L’Histoire soutient son point de vue, dit-il. « Les Démocrates au Congrès, a-t-il affirmé sur National Public Radio, ont trompé Reagan ; ils avaient dit qu’on supprimerait trois dollars de dépense pour chaque dollar d’impôt supplémentaire. Mais les dépenses ont augmenté au lieu de diminuer. Ils ont fait le même coup à Bush quelques années après en 1990. » Reagan et Bush auraient négocié une licorne rose, et ne l’ont jamais obtenu.
De ce point de vue, la seule manière d’imposer la frugalité aux politiciens est de réduire les impôts et les rentrées fiscales. « Dès que vous levez un impôt, ils le claquent » ajoute-t-il.
C’est souvent vrai. Mais il semble que si vous réduisez les impôts, les politiciens vont aussi dépenser davantage. Ronald Reagan a fait passer de grosses baisses d’impôts, et la dépense fédérale a augmenté de plus de vingt pour cent, une fois l’inflation retirée. George W. Bush en a fait de même, et le budget a explosé. Si les hausses d’impôt ne marchent pas, les baisses non plus.
Dans sa vision de l’histoire, Norquist omet le seul moment, dans les quarante dernières années, où le budget a réussi à être équilibré : les années 1990. Pourquoi ? Parce que ça ruine profondément son argument.
Sous Bill Clinton, les taux de l’impôt sur le revenu ont augmenté. En fait, ses critiques l’ont vilipendé pour avoir promulgué « la plus grande augmentation d’impôts de l’histoire des États-Unis ». Et pourtant la hausse n’a pas ouvert les vannes de la dépense. En retirant l’inflation, les dépenses fédérales ont crû très lentement, et rapportées à l’économie, elles ont largement diminué, de 21,4% à 18,2% du PIB, soit environ ce qu’elles constituaient sous Eisenhower.
Pourquoi est-ce arrivé ? Non pas parce que Clinton était un grippe-sou, un radin, ou qu’il voulait réduire le périmètre de l’État, mais parce que les Républicains au Congrès, menés par Newt Gingrich, l’ont forcé à accepter un accord pour équilibrer le budget, qui impliquait des restrictions sur les dépenses.
Sous Clinton, les dépenses fédérales totales n’ont augmenté que de 1,5% par an, défalquées de l’inflation, soit 40% moins que sous Reagan ou 70% moins que sous George W. Bush. Et son père, George H.W. Bush ? Durant sa présidence, la croissance des dépenses était un peu plus élevée que sous Clinton.
La plupart des conservateurs souhaitent « affamer la bête », c’est-à -dire qu’ils pensent que si vous privez l’État de ses revenus en baissant les impôts, il sera obligé de dégonfler. Ce serait vrai si l’État ne pouvait pas dépenser l’argent qu’il n’a pas. Mais c’est pourtant ce qu’il fait année après année. Ça n’a pas de sens de diminuer l’argent de poche d’un adolescent s’il garde votre carte de crédit.
En 2006, une étude publiée par feu l’économiste William Niskanen a démystifié cette théorie de la dynamique des dépenses publiques. Niskanen, qui était l’économiste en chef de Reagan et le président du think tank libéral Cato Institute à Washington, a trouvé dans les données historiques que les augmentations des recettes de l’État avaient en fait tendance à limiter la croissance de ses dépenses. Les réductions de ses recettes, elles, ont provoqué une accélération des dépenses, soit l’exact opposé de ce que clame Norquist.
Michael New, spécialiste de sciences politiques à l’université de l’Alabama, a réétudié les preuves, et a confirmé ces découvertes. « Comme Niskanen, j’ai trouvé des preuves statistiquement significatives que de bas niveaux de recettes fédérales vont en fait stimuler la croissance des dépenses », a-t-il écrit dans le Cato Journal en 2009.
Il n’est pas difficile de comprendre pourquoi. Les Américains sont plus enclins à soutenir un budget fédéral plus gros s’ils n’en ont pas à en payer le prix chaque année. Les réductions d’impôt nous permettent d’avoir 100 dollars de programmes et de services en payant seulement 80 dollars. Comme pour tout bien, les baisses de prix augmentent la consommation. Les hausses d’impôt nous forcent à payer un prix plus proche du vrai coût de l’État, ce qui en diminue la demande.
Nous avons fait deux guerres sans augmenter les impôts pour les financer. Si les Américains avaient su qu’envahir l’Irak allait vraiment leur coûter de l’argent, ils auraient dit « Non, merci ».
Les augmentations d’impôts ne produisent pas d’amélioration automatique, et notamment quand les présidents ne comptent pas diminuer le budget. Si les Républicains comptent vraiment infléchir les dépenses, ils devront insister sur des mesures claires et applicables pour arriver à une plus grande discipline budgétaire, et à s’y tenir. Ce n’est pas ce qu’il y a de plus facile à faire. Mais, à la différence des licornes roses, on en a déjà vu dans la réalité.
—
Traduction par Benjamin Guyot pour Contrepoints de « Higher Taxes, Smaller Government ? »
Article intéressant qui soulève un point crucial sans y toucher. Le financement par la dette (impôt différé) permet de tromper tant les politiciens que (surtout) les élécteurs.
Le seul moyen d’avoir un contrôle effectif par le peuple de l’expansion de la sphère publique et des dépenses de l’Etat est d’avoir le contrôle sur les impôts, tous les impôts. La dette étant une forme particulièrement perverse d’impôt différé, tout comme l’inflation, ces deux éléments doivent être interdits à l’Etat sauf cas particulier, autorisé par référendum pour une durée donnée avec un échéancier de remboursement et donc d’impôts clairement établi.
En outre, ces emprunts par l’Etat ne doivent pouvoir servir qu’à financer un investissement clairement défini, avec là aussi un terme clair, et donc l’Etat devrait montrer aux citoyens que la Valeur Actuelle Nette est positive pour un taux supérieur au cout d’emprunt (au cas où les conditions se dégraderaient).
A défaut de référendum pour les emprunts on devrait pouvoir gérer ça avec une majorité des deux tiers du parlement réuni.
excellent article
J’ai un gros doute là .
Etait-ce nécessaire de dire que pour avoir le contrôle sur un budget d’état il faut pouvoir contrôler les dépenses et non partir avec un postulat sur les recettes et laisser faire avec ?
Mais aller jusqu’à dire qu’il faut laisser les coudées franches afin d’avoir un budget réaliste, c’est un peu poussé.
Et 1.5% d’augmentation du budget tous les ans net d’inflation, on pourrrait dire : ça dépend de la croissance. Mais dans un autre sens il faut aussi être certain de pouvoir faire baisser ces dépenses en cas de récession ce qui est impossible avec des dépenses structurelles sans créer un bain de sang (quand les dépenses sont contraintes).
Sinon d’accord sur le fait que les hausses d’impôts doivent être en prise directe avec les événements afin de responsabiliser les gens sur les décisions et la guerre en est un bon exemple. Le vote régularisant la sitiation devrait être immédiatement assorti d’un prévisionnel puis d’une affectation de ressources ou une modification immédiate des impôts (IR, TVA…). En France on en est à voter une loi de finances 2015 avec un montant des OPEX (Opérations Extérieures) très sous-valorisé et même inférieur à celui réel de 2014 qui lui même était sous-valorisé et tout cela alors que le nombre des théâtres d’opération est en hausse constante. Les OPEX 2014 seront de 2 fois le budget.
Il s’est passé un peu la même chose lors de la crise de 2008 : on a payé les pots cassés seulement à partir de 2011, cela faisant croire que toutes les interventions de l’état ne coûtaient rien…