Démantèlement du nucléaire : nos politiques sont fantastiques !

Nos politiques sont fantastiques : ils n’ont pas vu qu’il n’existe pas de marché mondial du démantèlement.

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Démantèlement du nucléaire : nos politiques sont fantastiques !

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 26 septembre 2014
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Par Michel Gay.
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Nos hommes et femmes politiques sont fantastiques : ils construisent des champions industriels mondiaux par un simple claquement de doigts !

Ainsi, grâce à la mise au rebut avant terme de la centrale nucléaire de Fessenheim, la France va devenir le « leader » mondial du démantèlement. La construction d’éoliennes « offshore » au large de la Bretagne va créer une filière « verte » que nous allons exporter dans le monde entier. Sur le plan économique, il y a une différence fondamentale entre des capitaux investis pour construire un appareil productif, et des capitaux investis pour son démantèlement. Certes, il faudra bien passer par cette phase un jour, mais la durée de production d’une installation permet de rentabiliser les investissements, surtout quand les frais de fonctionnement sont faibles au regard des revenus (chacun des deux réacteurs de 900 MW rapporte en moyenne un million d’euros par jour…).

Ensuite, la France dispose déjà d’une capacité d’ingénierie unique au monde en matière de démantèlement avec le Centre d’Ingénierie et de Déconstruction Environnement (CIDEN) d’EDF, les équipes du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) et celles d’AREVA. Rien que pour le CIDEN, l’ingénierie de déconstruction des réacteurs nucléaires concerne :

  1. la filière eau lourde (Brennilis),
  2. la filière rapide sodium (Superphénix),
  3. la filière uranium naturel graphite gaz (UNGG avec les réacteurs de Chinon 1-2-3, Saint Laurent 1-2 et Bugey 1)
  4. et la filière des réacteurs à eau pressurisée (REP de Chooz A).

Au total, le CIDEN a établi des procédures pour quatre filières différentes et gère la déconstruction de neuf réacteurs. De plus, il existe déjà en France des expériences achevées de démantèlement de réacteurs expérimentaux. Il n’y aura pratiquement aucune différence méthodologique pour démanteler les réacteurs de 900 MW de Fessenheim et le réacteur de Chooz A. Seul le retour d’expérience va jouer, et les outillages suivront les évolutions liées aux innovations technologiques.

Sur le site de Bugey 1 (UNGG), il y a un ingénieur chargé d’appliquer les procédures définies par le CIDEN, un responsable de la sécurité et de la radioprotection, un responsable de la gestion des déchets et quelques chefs d’équipes qui encadrent des intervenants extérieurs peu qualifiés. Il y a environ 30 personnes pour déconstruire ce réacteur de la filière UNGG, loin des 300 agents hautement qualifiés nécessaires à son exploitation. De plus, la déconstruction d’une installation de ce type est plus complexe que celle d’un REP. Pour démanteler en parallèle les deux REP de Fessenheim, 50 agents devraient suffire. Ce chiffre est à comparer aux 2 200 agents directement ou indirectement employés par cette centrale.

Mais là où nos politiques sont encore plus fantastiques, c’est qu’ils n’ont pas vu qu’il n’existe pas de marché mondial du démantèlement, pas plus qu’il n’existe un marché mondial de la casse automobile. Les USA ont démantelé la centrale nucléaire de Maine Yankee par leurs propres moyens, et aujourd’hui c’est un « gazon ». Chaque pays exploitant des réacteurs nucléaires a largement les capacités de réaliser ses propres démantèlements.

Enfin, parmi les arguments spécieux parfois repris par nos politiques (fantastiques), il y a cette perle : « Il faut en démanteler une pour savoir si l’on sait faire ! » Les Américains l’ont fait avant nous. Pourtant, nous n’avons pas été les chercher pour démanteler le même réacteur REP de Chooz A, et le chantier se déroule sans difficulté. Et puis, démanteler une installation en parfait état de marche et économiquement performante, quelle qu’elle soit, pour voir si l’on sait faire est une absurdité !

On pourrait presque s’exclamer, comme dans la Bible : « Pardonne leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font ! » Nos « politiques » sont même peut-être plus que fantastiques…

Voir les commentaires (9)

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  • Je ne sais pas s’ils sont plus que fantastiques, mais en tout cas, ils sont plus que cons.

  • en passant vous montrez que le démantellement ne coute pas très cher,
    parce que si ca ne crée pas d’emploi, ca ne coute pas cher.

    en étant idiot je pourrais dire que ca coute moins cher de les arrêter que de les faire tourner… sauf a tenir compte de leur production d’énergie.

    C’est vrais qu’une pelouse est moins productive qu’un réacteur, un détail.
    mais ca coute moins cher à surveiller.

    une logique imparable que je retrouve dans pas mal de décision d’économie faites actuellement.

  • nos politiques sont peut-être fantastiques, mais pas l’auteur de cet article.

    il faudra bien plus que 50 agents pour démanteler ces 2 réacteurs et gérer tous les déchets qui s’en suivent…

  • L’auteur qui a l’air de connaître très bien les questions relatives au démantèlement des centrales nucléaires peut-il nous préciser l’état d’avancement de celui de Bugey 1 ?
    Il y a de cela 3 ans j’ai rencontré un ingénieur bossant dans une boite de génie civil (béton armé étoussa). Sa boite avait répondu à un appel d’offres d’EDF (CIDEN ?) pour l’étude du démantèlement de l’enveloppe en béton du réacteur de Bugey 1, technologie UNGG.
    Pendant la visite du site, il posa la question saugrenue suivante : serait-il possible d’avoir les plans détaillés du ferraillage de cette (grosse) enveloppe ? A l’époque la réponse fut négative, plus personne ne savant où se trouvait ces fichus plans (avaient-ils seulement jamais existé ?) .
    Je n’ai pas eu de nouvelles depuis, mais à l’époque on avait bien rigolé (un peu jaune quand même).

  • « Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives »

    on peut revenir à l’ancien nom?

  • Je confirme le ratio de 10% : il faut dix fois moins de main d’œuvre pour démanteler une centrale que pour l’exploiter. Je l’avais vérifié il y a quelques années en m’occupant du démantèlent des « vieilles » centrales de 1ère génération (dite UNGG) de Chinon. Et il en faut peu de qualifiés, à part l’encadrement qui doit bien savoir gérer les consignes de sécurité.
    Il est donc absurde de penser qu’on va sauver la France en se lançant dans du démantèlement, pour deux raisons évidentes :
    1- pour créer 10 emplois dans le démantèlement, on va d’abord en détruire 100 dans l’exploitation
    2- ces 10 emplois ne créeront aucune valeur ajoutée, car on n’apporte pas de bien ou de service (au contraire on supprime la production d’électricité d’une centrale qui était rentable), donc le PIB n’en sera pas amélioré. Sinon il suffirait de créer des milliers d’emplois pour aller casser des cailloux dans le Larzac ou ailleurs, pour résoudre le problème du chômage et de la croissance.
    Mais rassurons-nous, nos politiques au pouvoir sont d’excellents économistes : la preuve, ils sont en train d’inverser la courbe du déficit public, et le meilleur d’entre eux vient d’être plébiscité par Bruxelles pour diriger la politique économique de l’Europe !

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