Gouvernement Valls : sergent recruteur pour l’école privée ?

En jouant à l’apprenti sorcier avec les rythmes scolaires, l’État a franchi une ligne rouge, car, s’il y a bien une chose à laquelle 100% des Français sont attachés, c’est le rôle de garderie de l’école.

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Gouvernement Valls : sergent recruteur pour l’école privée ?

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 2 septembre 2014
- A +

Par Anne Coffinier.

imgscan contrepoints 2013-2216 école rythme scolaireLe gouvernement voudrait-il vider les écoles publiques au profit des écoles privées qu’il ne s’y prendrait pas autrement. Il est troublant de constater à quel point les décisions accumulées ces derniers temps pénalisent l’enseignement public et renforcent par voie de conséquence l’attractivité du privé. Arrêtons-nous ici sur l’exemple de la réforme des rythmes scolaires.

Le gouvernement choisit de répartir les cours dans les écoles publiques non plus sur 4 jours mais sur 4,5 jours. Pour ce faire, au lieu de laisser les établissements libres d’appliquer ou pas cette réforme au regard du bien commun local, il l’impose par la force à toutes les écoles publiques. Les protestations massives des directeurs, des professeurs et des parents ne sont pas prises en considération par le Ministère. Le projet n’est pas modifié d’un iota. Au contraire, la toute nouvelle ministre de l’Éducation nationale prévient que les rythmes seront mis en place de force par les préfets si les maires n’obtempèrent pas. Sûrement un discret hommage à Margaret Thatcher mobilisant l’armée en 1984-1985 pour remplacer les mineurs en grève !

Dans le même temps, cette même réforme reste strictement facultative pour l’enseignement privé sous contrat, lequel bénéficiera néanmoins du même fonds d’amorçage que dans le public. Il faut dire qu’un passage en force aurait été clairement inconstitutionnel, la liberté de fixer les horaires faisant a priori partie de cette liberté d’enseignement que le Conseil constitutionnel a consacrée en 1977 comme un principe fondamental des lois de la République. En pratique, les écoles privées – dans leur écrasante majorité- se sont bien gardées de mettre en place la réforme.

Tandis que les parents du public sont condamnés à subir les conséquences de cette réforme, ceux du privé en sont donc préservés. Cette réforme, par les surcoûts en frais de garde et la complexité d’organisation domestique qu’elle engendre, pénalise à l’évidence les familles défavorisées, les familles monoparentales, ainsi que toutes celles ayant un travail dont les horaires ne sont pas flexibles. La plupart des familles qui le peuvent récupèrent leurs enfants sans les laisser dans les ateliers périscolaires pour les conduire à de « vraies » activités éducatives (conservatoire, clubs de sport…). Les familles les moins aisées voient leurs enfants piégés dans des activités de second ordre organisées de manière souvent approximative (faible qualification et fort taux d’absentéisme des animateurs périscolaires, plage horaire, locaux et matériel insuffisants pour organiser des activités conséquentes…). Plus grave encore, cette réforme ampute inconsidérément pour tous les enfants de l’école publique les heures dévolues à l’instruction au profit d’activités occupationnelles : origami, atelier tricot, ping-pong… Le niveau d’instruction de nos enfants est-il si olympique que nous puissions nous permettre de réduire les heures consacrées aux apprentissages académiques au profit de la détente ? Ce n’est pas en tout cas l’idée que donne notre classement calamiteux au test PISA de l’OCDE.

Cette réforme conduit à chasser les professeurs de leur classe pour y héberger des activités de loisir. Comment ne pas voir que cela nuit à leur travail, désorganise le rangement des classes, désacralise cette espace qui de « sanctuaire de la connaissance » devient une vulgaire salle polyvalente ? C’est par l’instruction que l’institution scolaire peut lutter contre les inégalités sociales et donner à chacun ce savoir qui permet de s’élever dans la société. C’est par le renforcement des matières fondamentales que l’État travaillera effectivement à l’égalité des chances qu’il assure placer au premier rang de ses préoccupations, non en prétendant absorber dans l’espace scolaire le tout de la vie : temps libre, loisir, formation morale et politique… et en réduisant comme peau de chagrin les temps dévolus à l’instruction.

En jouant à l’apprenti sorcier avec les rythmes scolaires, l’État a franchi une ligne rouge, car, s’il y a bien une chose à laquelle 100% des Français sont attachés, c’est le rôle de garderie de l’école. Nombre d’entre eux suivent hélas d’assez loin ce qui est enseigné à leurs enfants par l’école ; mais en revanche, ils sont tous attentifs à ce que l’école assure un service régulier de prise en charge de leurs enfants selon des créneaux horaires stables et certains, pour leur permettre d’aller gagner notre vie.

En trafiquant les horaires de sortie de classe qui varient de manière aléatoire, en tolérant un taux d’absentéisme des professeurs important, en écornant la gratuité de l’école par les surcoûts de babysitting occasionnés par la réforme, l’État indispose profondément les parents, y compris ceux qui sont traditionnellement les moins attentifs aux questions éducatives.

Ce faisant, il incite puissamment les parents à déserter le public au profit de l’école privée, puisque cette dernière n’applique pas la réforme des rythmes scolaires et présente un taux d’absentéisme de ses professeurs beaucoup plus bas que celui du public.

Et si l’Enseignement privé déclare ne pas avoir enregistré de recrudescence dans le nombre des enfants scolarisés dans ces écoles, c’est tout simplement parce que l’État ne lui laisse pas ouvrir de nouvelles classes sous contrat pour accueillir les transfuges du public. Le boom des créations de nouvelles écoles indépendantes ne doit pas surprendre dans ce contexte. Pas d’absentéisme, pas d’horaires de sortie d’écoles fluctuants, un accent mis sur l’apprentissage des savoirs fondamentaux, et un suivi individualisé de chaque enfant… Voilà autant d’atouts auxquels de plus en plus de parents sont tout à fait sensibles.

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  • J’apprends ,grâce a votre article ,que l’enseignement privé n’est pas tenu d’appliquer la réforme des rythmes scolaires.
    On chercherait par ce moyen à baisser davantage le niveau de l’école publique , que l’on ne s’y prendrait pas autrement.
    Serait il possible que nos dirigeants actuels , qui mettent en majorité leurs propres enfants dans le privé ou dans le public « haut de gamme » , cherchent, par ce moyen, à créer un système de castes : la classe dirigeante , pour ne pas dire la Nomenklatura ,d’une part , et le peuple ignare d’autre part ?

    • « Un peuple ignare » où l’on pourrait intensifier les théories fumeuses, les expérimentations douteuses et le formatage, bref, rééduquer la plèbe dès le plus jeune âge.
      Et maintenir un budget exponentiel, même si et parce que, nombre d’enfants iront vers le privé.
      Oui, une école de castes. Déprimant.

    • Un point complémentaire :
      Peillon (pardon Najat) est fortement convaincu que le rôle de l’école n’est pas limité à l’instruction (apprendre) mais à la (ré)éducation des masses et les éloigner au mieux de l’influence parentale. qqu’ils fassent du macramé (ou autre chose) pourvu qu’ils soient éloignés de la sphère familiale (à rapprocher de l’ABCD de l’Egalité)
      « La préparation à la citoyenneté doit être instillée dès l’école maternelle, en appelant au respect de la loi et du savoir-vivre ensemble,
      par une éducation civique élémentaire et par la formation à la morale républicaine. » (V. Peillon)
      « l’Enfant n’appartient pas à la famille » (L. Rossignol)
      Quant à l’exemption pour l’école privée : c’est un pur aspect de division des cibles, la Manif Pour Tous a montré son éfficacité !

  • « Pas d’absentéisme, pas d’horaires de sortie d’écoles fluctuants, un accent mis sur l’apprentissage des savoirs fondamentaux, et un suivi individualisé de chaque enfant… »

    Comment, les parents privilégieraient l’apprentissage des savoirs fondamentaux ?
    Mais alors il suffirait que les écoles soient privées pour qu’elles mettent l’accent sur l’apprentissage des fondamentaux ?
    Donc un libre marché de l’école pourrait avantageusement remplacer l’administration scolaire ?
    Et ainsi la qualité de notre école progresserait, nos enseignants seraient mieux payés, et l’école nous coûterait moins cher ?

    Ces propos sont scandaleux et leur auteur doit être sanctionné au plus vite.

  • Merci pour votre article. Au sujet des animateurs, ce billet d’Éric Verhaeghe : http://www.eric-verhaeghe.fr/rythmes-scolaires-najat-vallaud-belkacem-decoit-deja

  • « s’il y a bien une chose à laquelle 100% des Français sont attachés, c’est le rôle de garderie de l’école. »

    D’où sort cette affirmation gratuite et sans fondement ?
    C’est consternifiant !

    • « pour leur permettre d’aller gagner notre vie »

      Ah, ce lapsus répond à ma question.

    • Je n’ai pas la réponse à la question. Mais vous, qu’est-ce qui vous permet de dire de cette affirmation qu’elle est « gratuite et sans fondement »?

      • Tout simplement le fait qu’aucune étude ne demande l’avis « aux français » sur ce qu’ils apprécient ou pas concernant l’école, que personne ne demande aux parents d’élèves ce qu’ils en attendent… bref, qu’elle ne s’appuie sur rien de concret.

        Et mon expérience d’enfant il y a quelques années et de parent maintenant me dit que cette affirmation est erronée, puisqu’elle ne concerne ni les membres de mon entourage ni moi-même :
        Vous envoyez vos enfants à l’école uniquement parce que c’est une garderie gratuite, vous ?
        N’espérez-vous pas d’une école qu’elle mettent en oeuvre le nécessaire pour les instruire le mieux possible, vu que, qu’on le veuille ou non, ils sont payés pour ça ?

        • il ne s’agit pas d’affirmer que « [les gens envoie leurs] enfants à l’école uniquement parce que c’est une garderie gratuite ». il s’agit juste de constater que les parents qui travaillent apprécie de pouvoir laisser leurs enfants à l’école jusqu’à 18, 19 voire 20 h. Et en particulier, ils apprécient les études surveillées, qui les rassurent sur la réalisation des devoirs.

  •  » s’ il y a une chose à laquelle 100% des français sont attachés ……. »
    cette fameuse soit disant démocratie à la française je parle en votre nom ( et je vote pour vous ) sans vous demander votre avis

    cette réforme aurait été testée sur de petites parties du territoire AVANT d’ etre appliquées sur l’ ensemble aurait été plus judicieux peut etre meme + intelligent allez savoir …

    • ça a été testé (il y a eu des écoles test dans la Loire, notamment, pour ce que j’en sais), les résultats ont été désastreux (fatigue des enfants, problèmes de concentration, résultats en baisse) avec rapports et compte-rendus transmis à l’inspection, et gentiment ignorés par le gouvernemaman parce que zut, la réalité finira bien par se plier à leur volonté, scrogneugneu !

      Il n’y a pas besoin de parler au nom des autres pour s’apercevoir que cette réforme des rythmes NE PEUT PAS être bénéfique à quiconque : les journées des enfants sont aussi longues (voir +) que sur 4 jours (les parents travaillent – enfin, de moins en moins vu le nombre de chômeurs – et donc ne PEUVENT PAS récupérer leurs enfants plus tôt), les enfants doivent donc aller à l’école UNE DEMI-JOURNEE DE +, les intervenants sont (pour la plupart) incompétents (formés à la va-vite pour des emplois tellement attractifs), le coût supplémentaires devra forcément être pris dans notre poche (que ce soit les communes, l’état, ou n’importe quel vampire public qui finance, la source de l’argent reste la même), les parents n’ont AUCUN POUVOIR sur les ateliers qui vont être imposés à leurs enfants (ma fille va avoir « Sensibilisation à la citoyenneté et au civisme » – ou « comment bien penser et bien voter » – … j’ai envie de vomir, la), et il y a encore de nombreux points négatifs qui ne peuvent être développés dans un petit commentaire à un article sur contrepoints.

      Tout cela pour quel avantage ? citez-m’en un seul …
      ah oui, les enfants ne traineront plus dans les cages d’escalier, d’après PEILLON … mdr

      c’est un peu comme les rapports de la cour des comptes : ils savent très bien ou il peuvent intervenir et/ou faire des économies efficaces, ils n’en ont juste rien à foutre.

      • Un bon théoriste du complot dirait que le seul but de cette réforme est de réduire encore un peu plus le temps que les enfants passent avec leurs parents au profit du temps qu’ils passent avec les gens de l’Etat. Le but ? Empêcher le plus possible les parents d’éduquer leurs enfants selon leur propres valeurs. Bientôt, les parents ne verront leurs enfants que pour les mettre au lit le soir et les réveiller le matin, et l’Etat pourra les modeler comme il le souhaite sans aucune interférence.

        • Peillon n’a-t-il pas écrit : « Il faut arracher l’élève à tous les déterminismes : familial, ethnique, social, intellectuel » ( afin de ) « s’appuyer sur la jeunesse pour changer les mentalités ».

      • @calgon Je ne prenais parti ni pour ni contre
        Votre comm ainsi que celui de Leyland entre autre ci dessous apporte la preuve qu’ il n’ y a pas de VRAIS contre pouvoir des parents d’ enfants scolarisés /

  • Le nombre de place dans l’enseignement privé sous contrat est figé (loi Rocard).
    Avec la démographie, la part relative du privé ne peut que décroitre. La conséquence, est que la demande étant plus forte que l’offre, l’accès est plus difficile.
    C’est moins vrai dans les régions où le privé est historiquement bien implanté (ouest de la France). D’ailleurs (est ce un hasard?), les résultats scolaires y sont plutôt meilleurs que la moyenne nationale (privé et public).
    Ce qui serait intelligent, ce serait d’autoriser l’ouverture d’écoles privées sous contrat dans des zones « difficiles » (est parisien par exemple), mais au delà des quotas de fait, imposés par la loi Rocard.

  • Pour ma part, je ne jugerai même pas la réforme. Je n’ai pas d’a priori, et de toute façon mes enfants sont adultes maintenant.

    Ce qui me choque, c’est qu’un ministre, assisté par quelques douzaines de hauts-fonctionnaires et de politiciens, s’arroge le droit de définir ce qui est bon pour plus de dix millions d’enfants. Je crois qu’il faudrait définir et limiter l’étendue de la délégation que l’on accorde aux élus par notre vote. Que le ministre veille à ce que chacun ait accès à l’éducation, c’est légitime; qu’il définisse le contenu des programmes, pourquoi pas; qu’il organise les examens, ça coule de source. Mais le reste, les méthodes pédagogiques , les horaires, la vie de l’école au jour le jour, le recrutement des enseignants, leur évaluation, tout ces sujets devraient être traités au niveau local par les chefs d’établissement et leurs conseils d’administration. Et que le meilleur gagne !

    En d’autres termes, il ne s’agit plus tant de dégraisser le mammouth, il faut le tuer pour qu’il laisse la place aux gazelles.

  • « C’est par l’instruction que l’institution scolaire peut lutter contre les inégalités sociales »
    Comme il est impossible de faire d’un crétin un génie, mais comme il est possible de faire d’un génie un crétin… c’est cette seconde option qu’à choisi l’état : L’égalitarisme dans l’Idiotie totale !!!

  • Manuel Gaz comme premier ministre est le meilleur recruteur pour l’école privée. Sans le moindre doute possible.

    Tout comme le ministre de l’intérieur était le meilleur impresario possible pour Dieudonné Mbala Mbala.

    Quand on a des ennemis comme celui là, on n’a plus besoin d’amis !

    Merci Manuel !

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