Californie : les hausses d’impôts marchent-elles vraiment M. Krugman ?

À en croire Paul Krugman, les hausses d’impôts permettraient le retour de la croissance en Californie. Dan Mitchell nous livre son décryptage.

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Paul Krugman (Crédits : Rachem Maddow, licence CC-BY-NC-ND 2.0), via Flickr.

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Californie : les hausses d’impôts marchent-elles vraiment M. Krugman ?

Publié le 3 août 2014
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Par Daniel J. Mitchell, depuis les États-Unis.
Un article du Cato Institute.

Paul Krugman CC Rachem Maddow

Ces dernières années je me suis bien amusé en faisant remarquer que Paul Krugman massacrait les chiffres lorsqu’il consacrait des articles aux politiques budgétaires de pays tels que la France, l’Estonie, l’Allemagne et le Royaume-Uni.

Je ne devrais donc pas être étonné qu’il souhaite me surprendre en train de commettre une erreur. Mais je ne suis pas certain que l’heure de sa revanche ait réellement sonné. Voici un extrait de ses écrits du New York Times du 24 juillet :

« Le gouverneur Jerry Brown a réussi à promouvoir un programme de gauche modéré : impôts plus élevés, augmentation des dépenses publiques et hausse du salaire minimum. La Californie s’est également mobilisée avec enthousiasme pour mettre en œuvre Obamacare… Évidemment, les conservateurs ont prédit les plus grands malheurs… Daniel J. Mitchell, du Cato Institute, a déclaré qu’en votant pour la proposition 30 autorisant ces augmentations d’impôts, « les pillards et les parasites du Golden State » (oui, ils pensent réellement vivre dans un roman d’Ayn Rand) commettaient « un suicide économique ». »

Bravo à Krugman pour avoir lu Atlas Shrugged, ou au moins pour savoir que Rand a parfois employé les termes de « pillards et parasites ». Même si je dois lui ôter quelques points pour penser que je suis un conservateur plutôt qu’un libéral.

Mais qu’en est-il de sa présentation de ma position ? Eh bien, elle est exacte, si ce n’est que j’ai prédit un suicide au ralenti. On ne peut assimiler le vote d’une hausse d’impôts à un saut du haut du pont du Golden Gate. Par contre, en pénalisant encore plus le succès et en alourdissant le fardeau de la dépense publique, la Californie s’est engagée dans une voie qui serait l’équivalent économique de fumer quatre paquets de cigarettes par jour plutôt que trois paquets et demi.

Voici un extrait de ce que j’ai écrit : « Je suis généralement réticent à faire des prédictions, mais c’est en toute confiance que j’affirme que cette mesure va accélérer le déclin économique de la Californie. Des contribuables prospères vont creuser un tunnel sous ce « mur de Berlin » et s’évader vers des États conduisant une meilleure (ou une moins mauvaise) politique budgétaire. Et cela signifie un niveau d’emploi et des salaires inférieurs à ce qu’ils auraient été autrement. »

Quoi qu’il en soit, Paul Krugman veut amener les lecteurs à penser que la Californie connait le succès plutôt que l’échec parce que l’État dégage maintenant un excédent budgétaire et que l’on y assiste à une hausse légère de la création d’emplois.

Il poursuit ainsi :

« Il n’est, je suis désolé de le dire, aucun signe de la catastrophe annoncée. Si les hausses d’impôts sont à l’origine d’une fuite importante des emplois hors de Californie, cela ne se voit pas dans les statistiques. L’emploi est en hausse de 3,6% au cours des 18 derniers mois, contre une moyenne nationale de 2,8% ; à ce stade, la part dans l’emploi national de la Californie, qui a été durement touchée par l’éclatement d’une énorme bulle immobilière, est de retour à des niveaux antérieurs à la récession… Et oui, le budget est de nouveau excédentaire… Quelle leçon tirer alors du retour en force de la Californie ? Principalement, que vous devez considérer la propagande anti-gouvernementale avec beaucoup de scepticisme. Les hausses d’impôts ne sont pas un suicide économique ; elles sont parfois un moyen utile de financer des choses dont nous avons besoin. »

Je ne suis pas convaincu, et non vraiment je ne pense pas que cela puisse compter comme un « je t’ai eu ! » valide à mon égard.

Tout d’abord, je suis un peu surpris qu’il tienne à vanter les chiffres de l’emploi en Californie. Le Golden State a l’un des taux de chômage les plus élevés du pays. Seuls quatre États sont moins bien classés que la Californie.

Carte chomage états unis (Crédits Dan Mitchell, tous droits réservés)

Deuxièmement, je ne me soucie pas particulièrement de savoir si l’État a un excédent budgétaire. Je me soucie de sa taille.

Paul Krugman pourrait répondre que la hausse de la fiscalité a généré des revenus supplémentaires, réfutant ainsi la courbe de Laffer, qui est quelque chose d’important pour les partisans de la réduction de l’intervention de l’État. Mais la courbe de Laffer n’affirme pas que toute hausse d’impôts entraîne des pertes de revenus fiscaux. En fait, elle dit que l’augmentation des taux d’imposition aura un effet négatif sur le revenu imposable. C’est une question purement empirique de savoir si au final les rentrées fiscales augmentent beaucoup, un peu, restent stables, ou déclinent.

Et ce qui importe le plus, c’est l’impact à long terme. On peut à court terme violer et dépouiller les contribuables à revenus élevés, en particulier si la hausse d’impôts est rétroactive. À long terme, cependant, les gens peuvent se déplacer, réorganiser leurs finances, et prendre d’autres mesures encore pour réduire leur exposition à la cupidité de la classe politique. En d’autres termes, les gens peuvent voter avec leurs pieds… et avec leur argent.

Et c’est ce qui semble bien se produire en Californie. Regardez les sommes d’argent qui ont « émigré » de l’État depuis 1992.

Sorties d'argent de Californie (Crédits Dan Mitchell, tous droits réservés)

Ensuite, nous avons une carte montrant quels États, au fil du temps, gagnent en revenu imposable et quels États sont en train d’en perdre. Notez que les États sans impôt sur le revenu ont tendance à apparaître très verts :

Evolution de la base taxable aux Etats-Unis (Crédits Dan Mitchell, tous droits réservés)

Les données ne sont pas ajustées au nombre d’habitants, les États les plus peuplés sont donc surreprésentés. Mais vous pouvez toujours constater que la Californie est en train de perdre tandis que le Texas est en train de gagner.

Voici des données similaires de la Tax Foundation :

Evolution de la base taxable aux Etats-Unis (Crédits Tax Foundation, tous droits réservés)

Quelle est la signification globale de tout ceci ?

Eh bien, cela signifie que je maintiens ma prédiction de suicide économique au ralenti. La Californie va devenir la France des États-Unis, en supposant que l’Illinois ne lui ravisse la place le premier.

La Californie dispose d’avantages naturels qui la rendent très attractive. Et je pense que les politiciens locaux pourraient s’en tirer avec des impôts supérieurs à la moyenne tout simplement parce que certaines personnes sont prêtes à payer une sorte de prime pour profiter du climat et de la géographie.

Mais le nombre de personnes disposées à payer ira en diminuant au fur et à mesure de l’augmentation de la prime.

En d’autres termes, ce dessin humoristique de Chuck Asay pourrait bien préfigurer au plus juste l’avenir de la Californie. Et ce dessin de Lisa Benson montrer ce qui se passera d’ici là.

Mais je ne vais pas retenir ma respiration en attendant un mea culpa de Krugman.


Sur le web. Traduction Drake/Contrepoints.org

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  • Un excellent article. Ce que fait la Californie en termes d’impôts et de régulations, car les régulations sont souvent pires que les impôts là-bas.
    Et en effet le Texas et les Etats voisins du Nevada et de l’Arizona sont les grands gagnants des politiques néfastes de cet Etat, rien ne se perds tout se transforme.
    De plus (ce n’est pas dit ici) il y a un contraste saisissant entre la Californie du Nord dont l’économie florissante est portée par la bulle technologique et la Californie du Sud à l’économie lente et qui n’a pas su revenir à ses niveaux d’avant-crise.

    Si vous souhaitez connaître la croissance économique de chaque Etat US entre 2009 et 2013 allez ici :
    http://www.bea.gov/newsreleases/regional/gdp_state/2014/pdf/gsp0614.pdf

    Vous remarquerez que le Texas (grand rival économique de la Californie et ayant des politiques économiques très libérales) a une bien meilleure croissance, et un énorme surplus budgétaire.

    • Egalement au Colorado, où je vis: nous assistions a un afflux de Californiens et d’entreprises qui délocalisent de Californie vers le Colorado.

      • Oui, je n’ai cité que les plus gros, mais en effet le Colorado,Washington et l’Oregon en bénéficie aussi 😉

        La Floride elle se gave avec les capitaux et contribuables venant du Nord-Est, surtout New York et New Jersey ^^

  • Tous les lecteurs de « Contrepoints » ne le sachant peut-être pas , l’auteur de l’article aurait pu signaler qu’en Californie, comme en gros dans 50% des Etats, les citoyens qui ne sont pas contents du niveau des impôts peuvent IMPOSER un référendum d’initiative citoyenne pour faire abroger la réforme.

    C’est justement en 1978 qu’était née une véritable révolte fiscale. Le mouvement commencé en Californie s’était largement répandu.. Il demandait la limitation de la pression fiscale et l’amélioration du rendement des fonctionnaires.

    C’est me semble-t-il aussi le lieu pour rappeler que 82 à 88% des Français sont favorables au principe du référendum d’initiative citoyenne, que tous les partis l’avaient promis en .. 1993 ! pour en savoir plus http://www.article3.fr

    • Cette révolte fiscale ne concernait que l’impôt foncier, du coup celle-ci est très basse en Californie mais les politiciens ont compensé en augmentant radicalement le reste des impôts existants.

  • Ce cher Paul Krugman! Mais comment ose-t-il encore parler celui-là, après avoir encouragé la bulle immobilière? http://www.institutcoppet.org/2013/12/18/lappel-de-krugman-en-faveur-dune-bulle-immobiliere-par-daniel-j-sanchez/

  • On se souvient d’un échange récent sur ce site à propos de la réglementation ubuesque imposée aux constructeurs automobiles par l’Etat californien. On imagine sans peine des réglementations du même tonneau dans les autres secteurs économiques. Sans surprise, les honnêtes citoyens fuient l’enfer réglementaire et fiscal.

  • Il n’y a plus que les dirigeants socialistes qui écoutent Krugman

    • Ah, si seulement ils n’y avait que les dirigeants qui écoutaient ce guignol… Le pire c’est que cela n’a pas changé après la crise. Ils n’écoutent toujours pas ceux qui ont vu venir la crise, et qui donc connaissent le mieux ses causes.

  • paul krugman (américain n’ayant rien compris à l’ue) est un charlatan, la plupart de ce prédictions se sont rélevés fausses, ce n’est plus un économiste mais un politicien, tous les pays ayant suivi ces conseils ont vu leurs situation empiré, ceux qui ont fait le contraire ont vu leur situation empiré. le keynesianisme est ce que les politiciens ont suivi dans les années 70, c’est pour faire marché l’économie on s’endette, le résultat: aujourd’hui la plupart des pays de l’ue sont surrendettés, la crise de l’euro est avant tout une crise de la dette, et on résoud pas ses problemes de surrendettement en s’endettant encore (c’est de la simple logique). http://www.slate.fr/tribune/80449/paul-krugman-erreur-europe http://www.lopinion.fr/20-novembre-2013/triple-zero-6303 http://www.contrepoints.org/2011/01/21/11667-paul-krugman-devrait-il-arreter-la-politique http://minarchiste.wordpress.com/2011/07/05/paul-krugman-continue-de-divaguer/ Paul Krugman ayant reçu le prix nobel pour sa contribution à la théorie des échanges internationaux et à la géographie économique, ce qui n’a pas de grand rapport avec son engagement actuel.

  • krugman a d’ailleurs conseillé Greenspan qui a suivi ces conseils de maintenir les taux tres bas, tout c’est l’un des facteurs qui a crée une bulle immobilière aux usa qui a débouché sur la crise des supprimes.

  • Krugman dit tellement de conneries, il a clamé depuis quelques années que le Royaume Uni, c’était catastrophique alors que la France c’est très bien! Aujourd’hui, l’erreur est visible.
    https://mises.org/library/paul-krugman%E2%80%99s-love-affair-france

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