Alors que tous les organismes économiques s’accordent sur l’absence alarmante de croissance en France, les entreprises trouvent dans les marchés financiers une alternative crédible aux crédits bancaires.
Par Marjorie Legrain
La croissance économique française revue à la baisse
C’est confirmé, France et croissance ne riment plus, mais alors plus du tout. Après avoir progressé de 0,2% au dernier trimestre 2013, la croissance du pays est restée nulle durant les trois premiers mois de cette année. Ceci d’après les dernières estimations de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee). Enfonçant un peu plus le couteau dans la plaie, le Fonds monétaire international (FMI) vient de revoir à la baisse ses prévisions de croissance pour la France. D’une progression de 1% du PIB prévue pour cette année, nous sommes désormais passés à 0,7%, et ce, seulement si la conjoncture nous est favorable. Autant dire que même ce faible pourcentage peut paraître bien ambitieux.
Commerce extérieur en berne, consommation des ménages atone, investissements absents… Les entreprises du pays, dont le développement économique est un vecteur de croissance important pour l’hexagone, sont les premières touchées par le ralentissement de l’activité économique française. Les derniers chiffres sur la démographie des entreprises dans l’Union européenne d’Eurostat le prouvent. En 2011, le nombre d’emplois créés par la France est quasi-nul par rapport à ses voisins européens. En cause : le peu de créations d’entreprises dans le pays, trois fois moins qu’en Grande-Bretagne, qui tire le chômage vers le haut.
Rien d’étonnant à ce que peu d’entreprises se créent quand on voit les nouvelles règles prudentielles des banques lorsqu’il s’agit de prêter des fonds. Avec la contraction des volumes, ces dernières préfèrent désormais placer leur argent en sécurité. Obtenir un crédit bancaire est devenu la croix et la bannière pour les entreprises, qui doivent trouver d’autres moyens de se financer.
Se financer sur les marchés, une bonne idée ?
Depuis plusieurs mois, on observe une forte hausse des introductions en bourse. Sur le premier semestre de cette année, 6,5 milliards d’euros ont été levés sur les marchés financiers. Un montant impressionnant quand on considère les 3,1 milliards d’euros « seulement » que les introductions en bourse de l’année 2013 ont mobilisés. « L’environnement de marché a continué de s’améliorer grâce à la reprise initiée à la fin de 2013. En outre, nous avons bénéficié de conditions économiques qui se sont améliorées. Enfin, la croissance des IPO a été boostée par la création il y a un an du marché EnterNext, qui a permis de positionner la bourse comme une source de financement pour les PME », a expliqué Dominique Cerruti, le directeur général d’Euronext qui a enregistré sa plus forte activité de cotation et de négociation durant ces 6 mois.
La progression des cotations sur les marchés financiers s’explique principalement par le retour des grandes capitalisations certes, mais aussi par l’ouverture des marchés aux PME-ETI, soutenue par EnterNext qui a apporté une pierre à l’édifice, et pas des moindres. Durant les six premiers mois de l’année 2014, 23 PME et ETI sont entrées sur les marchés financiers, contre seulement 10 au premier semestre 2013.
Euronext se repositionne petit à petit comme un acteur important du financement de l’économie réelle européenne, notamment grâce à son introduction en bourse et à sa prise d’indépendance. L’idée reçue, réminiscence de la crise des subprimes, selon laquelle un marché financier est opaque et risqué s’efface peu à peu de la conscience collective, laissant sa place à des marchés réglementés, dont la transparence est garantie par des autorités comme l’AMF. Première étape vers un véritable projet politico-industriel en zone euro ? Pour une fois, les chiffres nous permettent d’être optimistes.
« L’idée reçue selon laquelle un marché financier est opaque et risqué » : opaque parfois, mais risqué, toujours.
Lors des phases d’euphorie, on fait croire à un large public qu’un investissement pourrait ne pas être risqué, jusqu’aux banques qui se gavent de bons publics en supposant qu’ils sont dépourvus de risque (ou doté d’un risque tellement faible qu’il en devient insignifiant). Pourtant, les titres publics présentent le risque le plus élevé qu’on puisse imaginer, proprement infini, puisque leurs émetteurs, ne risquant rien à titre personnel, sont parfaitement irresponsables.
Certaines entreprises sont des sociétés à responsabilité limitée. L’Etat, c’est la société sans aucune responsabilité.
Bien évidemment, le marché du financement des entreprises est possible autrement que par les banques. Il ne faut pas cependant confondre plusieurs réalités très différentes, tant par la nature de l’opération que les partenaires concernés. PME ou grandes entreprises; financement primaire, refinancement ou titrisation.
La tendance à occulter la réalité des dossiers par une « financiarisation » ou titrisation (abusive?) d’une dette déjà émise est un des risques. En effet, cela ressemble fort à ce qui s’est produit lors de la crise des subprimes aux US, quant les banques et intermédiaires après s’être engraissés lors de la réalisation d’un flux d’affaires important réalisé à des conditions non conformes au coût normal du risque engagé, s’est organisé systémiquement pour se défaire des risques en question en titrisant abusivement de manière à faire porter à d’autres le risque effectif ainsi sous-évalué.
Si on refait la même chose avec les engagements financiers concernant les entreprises, on reproduira les mêmes erreurs et aboutira au même désastre.
Pour continuer sur cette analyse, que les banques veuillent se défausser du risque PME/PMI par une telle titrisation et pourquoi pas sous les auspices de montages plus ou moins directement mis en place par les pouvoirs publics (voir ce qui serait utilisé de l’épargne dédiée et de quelle manière, afin de placer de tels titres réglementairement) n’augure pas nécessairement d’une amélioration pour les entreprises.
Ainsi, il n’est pas identique de se financer auprès d’une banque ou d’une autre, et encore moins d’un « black pool » ou d’un particulier. Or ce financement emporte avec lui qu’il est cessible beaucoup plus structurellement qu’un financement classique. Et se retrouver avec un partenaire qui préfère vous vendre systématiquement à l’encan plutôt que de négocier une prorogation, ainsi qu’on a pu le lire dernièrement dans quelques articles de presse, n’est pas neutre pour le dirigeant de PME.
Cette titrisation abusive n’a été possible qu’avec le monopole public des agences de notation américaines, qui notaient AAA tout et n’importe quoi parce que ca arrangeait bien l’Etat pour faire croire au « une maison pour tout le monde », et qu’elles n’avaient aucune pression concurrentielle pour les pousser à bien faire leur travail.
Virez ce monopole, et le risque disparaît.
« monopole public des agences de notation américaines »
Elles sont trois, ce n’est donc pas un monopole.
Elles ne sont de surcroit pas publiques.
Elles sont bien plus de trois.
Oui, mais les gros investisseurs tels que les fonds de pensions étaient légalement obligés d’utiliser les notations de ces trois agences, et d’aucune autre.
Oligopole public est moins utilisé, mais si vous tenez à couper les cheveux en quatre, pas de souci. Je n’ai jamais dit qu’elles étaient publiques.
Je ne suis pas sûr. En l’espèce, je pense que c’est la législation (réglementation) qui est à l’origine de ces dysfonctionnements. Une partie est venue imposer (au nom d’une politique) une mesure inopportune du risque, une autre avait pour but la redirection d’une partie de l’épargne à destination du financement de la dette publique, une troisième trouvait son origine dans la traduction sous forme réglementaire de l’accord d’échange entre l’acceptation des politiques publique par les acteurs de marché contre une couverture de leurs risques institutionnels. Puis ultimement, la force publique quand elle a retiré l’aléa moral de l’équation.
Les agences de notation n’assurent que la mise en musique de la conformité des produits à ses différentes exigences, la force publique ayant veillée à les faire rémunérer par les émetteurs et non les acheteurs ou tout autre principe de neutralité.
Tout ce que vous dites est exact. Je ne répondais cependant qu’à la partie titrisation.
Merci de votre n’importe quoi mais les agences de notations ne sont pas publiques et pour informartions elles sont généralement rémunérées par les agents pour lesquelles elles évaluent les produits. Vous voyez le vice ?
Ne pas oublier le role des etats qui imposent des ratios de fonds propre en fonction des evaluatoins de CERTAINES agences. Ce n’est pas un monopole, mais c’est un sacre « subside reglementaire ».
Rawls a dit ca, pas moi. Par contre, vous avez raison sur le fait que les agences de notations devraient être payées par les utilisateurs, comme en France pour les entreprises notant la solvabilité des entreprises commerciales. La grande différence, c’est qu’en France ce système est entièrement privé. Aux EU, il y a une obligation légale de se faire noter par ces agences, sinon les plus gros investisseurs ne peuvent pas choisir votre entreprise.
Marjorie, je ne suis pas compétent en ce domaine; mais je m’interroge :
« Sur le premier semestre de cette année, 6,5 milliards d’euros ont été levés sur les marchés financiers. (contre) 3,1 milliards d’euros en 2013 »
Cela ne vient-il pas de la création monétaire par la BCE, qu rend tout facile, … mais pas pour n’importe qui !
6 milliards : on est loin des ordres de grandeur de la BCE, avec ses 1000 milliards promis pour les prochaines injections.