Les chauffeurs de taxi doivent servir les usagers et non courtiser les régulateurs

Dans différents pays, la société de VTC Uber est contestée par le corporatisme des taxis.

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Manifestation des taxis contre Uber à Londres (Crédits : David Holt, licence CC-BY-SA 2.0), via Flickr.

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Les chauffeurs de taxi doivent servir les usagers et non courtiser les régulateurs

Publié le 18 juillet 2014
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Dans différents pays, la société de VTC (voitures de tourisme avec chauffeur) Uber est contestée par le corporatisme des taxis.

Par Dmitry Vasishev, depuis Washington D.C.

Manifestation anti Uber Londres CC David Holt London
Manifestation des taxis contre Uber, Londres, le 11 juin 2014.

 

Les autorités de transport en Virginie (USA) ont récemment publié une ordonnance d’arrêt d’activité pour protester contre Uber, une application mobile qui permet aux utilisateurs de réserver et payer des conducteurs privés. Ce n’est pas la première tentative d’interdire un service de plus en plus populaire. Créé en 2009, Uber est aujourd’hui représenté dans 37 pays et a récemment été évalué à plus de 18 milliards de dollars.

Le succès de Uber est facile à expliquer. Avec les avantages de la géolocalisation et l’élimination des paiements en espèces, il est beaucoup plus pratique que les taxis traditionnels. Uber est également plus sûr, puisqu’aussi bien les conducteurs que les passagers doivent décliner leurs identités et toutes les transactions sont enregistrées, contrairement aux taxis anonymes qui sont donc potentiellement dangereux. En outre, les prix d’Uber sont souvent nettement inférieurs à ceux des taxis.

Des services comme Uber représentent clairement une percée technologique dans le transport urbain. Pourquoi, alors, ces menaces pour l’interdire ?

La réponse se trouve dans une autre caractéristique du modèle économique d’Uber. Elle réside dans les faibles barrières à l’entrée dans ce service. Un chauffeur potentiel a besoin seulement d’une vérification de ses antécédents et d’une voiture relativement nouvelle pour le rejoindre. Pas d’examens, ni de quotas ou encore de licences de taxi. Pendant ce temps, les revenus des chauffeurs ne dépendent que de la quantité et de la qualité de leur travail. Uber et son principal concurrent, Lyft, suggèrent que les conducteurs et les clients s’évaluent mutuellement, et Lyft exclut les chauffeurs avec une note moyenne inférieure à 4,5 sur une échelle de 5.

Les taxis traditionnels fonctionnent généralement sur le modèle inverse. Les revenus des chauffeurs titulaires sont essentiellement garantis en raison des exigences strictes qui limitent l’offre de services de taxi. Pour obtenir une licence, à Londres, par exemple, un chauffeur doit passer cinq examens et mémoriser 320 routes, 25.000 rues et 20.000 sites, ce qui prend en moyenne trois ans d’études avec tous les coûts associés. Ces coûts sont répercutés naturellement dans le prix record des taxis de Londres.

Les bénéfices des taxis traditionnels résultent donc largement des restrictions artificielles faites à la concurrence, qui obligent les consommateurs à acheter les services des chauffeurs sélectionnés. Ce modèle économique, décrit pour la première fois par Gordon Tullock, est appelé recherche de rente. Au lieu d’améliorer leurs services ou de réduire leurs prix, les entreprises rentières dépensent leurs ressources pour convaincre les organismes de réglementation de limiter la concurrence ou autrement redistribuer les ressources en leur faveur. Tullock a démontré que la recherche de rente profite à certaines entreprises privilégiées au détriment de la société.

En revanche, la libre concurrence oblige les entreprises à se concentrer sur la satisfaction des consommateurs. De meilleurs produits et moins chers procurent des milliards de bénéfices, tandis que les mauvais produits disparaissent du marché. Ce processus, que l’économiste Joseph Schumpeter a appelé la destruction créatrice, est à la base du progrès technologique et de la prospérité de la société.

Sans surprise, à l’ère de la navigation par satellite, Uber simple et abordable remporte la compétition avec les taxis, dont le seul avantage est la connaissance personnelle de la géographie de la ville. Mais pendant qu’Uber fait appel aux préférences des consommateurs, les taxis répondent en faisant appel aux organismes de réglementation. Comment est-il possible que, par exemple, 20.000 chauffeurs de taxi de Londres, soit moins de 0,2% de la population, maintiennent leur monopole au détriment du reste de la ville ? Comme dans de nombreux autres cas de recherche de rente, la démocratie échoue dans cette situation parce que les bénéfices de la réglementation (que les économistes appellent rentes) d’une industrie sont concentrés sur les 0,2%, tandis que les coûts sont répartis sur les 99,8% restants. Les emplois et les modes de vie des chauffeurs de taxi sont tellement en jeu qu’ils sont prêts à bloquer les rues et dépenser de l’argent dans des actions de lobbying pour protéger leurs privilèges. Les consommateurs payent seulement quelques dollars en plus par trajet et souvent ne comprennent pas comment des monopoles légaux augmentent les prix.

Ce sont précisément les avantages concentrés et les coûts diffusés qui expliquent l’attrait de la recherche de rente, et l’industrie du taxi n’est pas son exemple le plus flagrant. Les industries de l’automobile défaillantes dans de nombreux pays depuis des décennies ont augmenté les prix plutôt que d’améliorer leurs voitures. Les subventions à l’énergie à travers le monde redistribuent les ressources à des entreprises sélectionnées, depuis les producteurs américains d’énergie alternatives à n’importe quelle industrie à forte intensité énergétique en Ukraine. Les subventions aux agriculteurs américains, représentant 1% de la population, coûteront aux contribuables près de mille milliard de dollars au cours des 10 prochaines années, soit le montant de toutes les dépenses de l’éducation fédérales.

Comme indiqué, l’élimination du protectionnisme est extrêmement difficile sur le plan politique. Les entreprises à la recherche de rente sont généralement disposées à faire n’importe quoi – de l’organisation de manifestations à la corruption des politiciens – pour préserver leurs privilèges. Il a fallu une révolution, une invasion étrangère, et un effondrement économique pour sortir de l’impasse des subventions de l’énergie en Ukraine.

La société semble gagner la bataille avec le lobby des taxis jusqu’à présent. Uber fonctionne toujours à Washington. Le gouvernement britannique l’a même directement encouragé, et le nombre de téléchargements de l’application au Royaume-Uni a fait un bond de 850% après les manifestations. Cependant, la recherche de rente est généralement beaucoup plus difficile à combattre.

La seule façon de diriger toutes les initiatives entrepreneuriales vers la concurrence pour les consommateurs plutôt que vers le gain des faveurs des régulateurs est qu’il n’y a plus de licences inutiles, de permis et de monopoles. Une bonne façon de commencer serait d’éliminer la réglementation du marché des taxis, surtout après qu’elle se soit montrée inutile face aux services de partage de conduite de meilleure qualité et moins chers comme Uber.


Article initialement publié en anglais par AtlasOne. Traduction réalisée par Libre Afrique.

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  • Les prix record des taxis londonniens ont leur écho dans les prix des taxis parisiens. Et encore, à Londres ils ont l’excuse de connaître parfaitement la ville. À Paris, même s’il existe des exceptions au-moins 50% des taxis que j’ai pu prendre ne s’en seraient pas sortis sans leur GPS. La valeur ajoutée par rapport à un VTC est, de ce point de vue, nulle. Reste la possibilité d’utiliser les voies de bus.

  • « Les autorités de transport en Virginie (USA) ont récemment publié une ordonnance d’arrêt d’activité pour protester »

    Pardon?

    • « Transportation authorities in Virginia recently issued a cease-and-desist order to Uber »
      La traduction suivante me semble meilleure que celle de l’article :
      « Les autorités de transport en Virginie (USA) ont récemment envoyé une injonction de cesser son activité à Uber »
      La difficulté est que ce type d’injonction « cease-and-desist » peut être soit une demande (sous menace de poursuites judiciaire), soit une décision, et que l’article n’est clair que pour ceux qui savent de quel type d’autorité dispose les « Transportation authorities in Virginia » (qui sont plusieurs …) . Je penche pour la première (une simple demande, sinon … ), mais je ne peux pas exclure la seconde.

  • Question : si Les VTC avaient raison des taxis traditionnels, au bout de combien de temps reconstitueraient ils à leur profit les protections et barriéres reglementaires actuelles des taxis.

    A mon avis pas longtemps.

    • Vous avez sans doute raison, les affamés d’aujourd’hui étant les bourgeois de demain.
      C’est cependant l’indication qu’il faut en permanence accepter la remise en cause des acquis.
      Le découragement et le renoncement ne sont pas des options.
      Imaginons votre fatalisme appliqué au fonctionnement démocratique:
      Pourquoi faut-il élire des gens qui dériveront tôt ou tard vers l’autoritarisme ou la tyrannie?, Pourquoi ne pas faire avec le tyran déjà en place?…

  • Pas bien compris les parallèles, assez bizarres d’ailleurs, avec l’Ukraine…

    De la même manière que je ne comprends pas le « Uber est également plus sûr, puisqu’aussi bien les conducteurs que les passagers doivent décliner leurs identités et toutes les transactions sont enregistrées, contrairement aux taxis anonymes qui sont donc potentiellement dangereux. »

    On ne doit pas avoir les mêmes préoccupations.

  • Il me semble que ceux qui s’expriment sur le sujet ne connaisse pas la réalité de la situation. La réglementation en général permet de cadrer une activité humaine. Ce qui implique un contrôle. Donc une sécurité pour le client. Donc si je comprends bien destruction création. C’est cuisiner et servir des plats en pleine rue sur une planche et deux tréteaux devant un restaurant. Vendre des cigarettes ( plus sous le manteau) devant un débit de tabac. Vendre des verres devant un débit de boisson. Ça c’est du libéralisme sauvage. On avance l’intérêt du consommateur. C’est plutôt le contraire. Les prix ne sont pas contrôlés. Les chauffeurs sont soumis sans cesse à la pression, précarité. Certains travaillent jusqu’à épuisement. Les chauffeurs ne sont pas formés. Les prix en moyenne sont plus élevés. Quand les prix sont cassés c’est au dépend du chauffeur. Les développeurs d’applications s’engraissent sur le dos des chauffeurs. Uber, avec 20% sur chaque course, ne paie pas un centime en France. Sous prétexte de concurrence on organise l’anarchie. Le seul gagnant à terme est celui fait du lobbying et qui exploite. Remontant les uns contre les autres. Profitant de la crédulité des consommateurs ( comme si porter un costume justifiait du supplément). Vive la jungle!!!

    • « ne paie pas un centime en France »

      en alors?

    • « ne paie pas un centime en France »

      et alors?

    • Vous êtes navrant de naïveté. D’abord, le gars qui cuisine « des plats en pleine rue sur une planche et deux tréteaux devant un restaurant », soit il fait de la qualité et il mérite autant que le restaurateur de vivre de son activité, soit il fait n’importe quoi et je ne donne pas cher de son activité. Les consommateurs sont plus malins que vous voulez bien le penser.

      « Uber, avec 20% sur chaque course, ne paie pas un centime en France. » Combien prend G7 sur chaque course ?
      « Le seul gagnant à terme est celui fait du lobbying et qui exploite » : vous parlez de G7, Taxis bleus, etc ? Parce que je ne vois pas bien quel lobbying font les VTC. Ils veulent juste exister et c’est leur droit. Si les taxis se préoccupaient de la qualité de leur prestation, la question ne se poserait pas.

      • une autorisation de stationement d’un taxi coute 180000 € un pret sur 10 ans des remboursement de pret est considéré comme du profit apres l enlevement des interets donc on paie 54% entre charge social et interet . vtc sans formation une autorosation 100 € auto entrepreneur commission pour uber qui paie rien a l etat francais . je suis diplomé d’une grande univercité francaise et je suis taxi dans une ville de l est .

        • Hélas, les grandes universités françaises ne sont plus ce qu’elles étaient. Elles sortent des diplômés qui ne savent pas écrire. Cher ad, connaissez-vous la ponctuation, les accents, l’orthographe ?

          Quant à la « formation » dont se targuent tous les imbéciles qui passent par l’état français, ce n’est qu’un mot, totalement vidé de sa substance. J’aurais même tendance à fuir un conducteur formé par l’état, plutôt qu’un autre formé sur le tas. Car dans le premier cas, c’est l’assurance de sortir médiocre tout en étant entré avec des capacités, du libre arbitre et des compétences innées.

  • article intéressant dans des pays libéraux 😉 où les taxi utilisent les méthodes de Uber
    http://time.com/3119161/uber-lyft-taxis/

    car c’est ca la concurence, amazone, uber, blablacar, airbnb, rien ne vous empêche d’offrir ce genre de service!

    l’avenir des taxis est d’être des VTC uber. c’est déjà le cas dans certaines villes us

  • Les commentaires sont fermés.

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