Autorité parentale et droits des beaux-parents : la loi et les bons sentiments

Loi famille : Un statut légal pour le beau-parent est actuellement en discussion à l’Assemblée.

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Autorité parentale et droits des beaux-parents : la loi et les bons sentiments

Publié le 16 mai 2014
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Par Roseline Letteron.

parentalité

Une proposition de loi relative à « l’autorité parentale et à l’intérêt de l’enfant » présentée par des députés socialistes et écologistes a été adoptée par la Commission des lois de l’Assemblée nationale le 6 mai 2014. Elle devrait être discutée en séance publique les 19 et 20 mai. Pour le moment, le débat parlementaire ne fait que commencer mais on dispose déjà des éléments qui ont guidé la réflexion du parlement, en particulier le rapport du groupe de travail sur la coparentalité publié en janvier 2014.

Les familles recomposées et le droit

Le texte est, en quelque sorte, ce qui reste du projet de loi famille, reporté sine die après la loi sur le mariage pour tous. Les sujets qui fâchent ont été soigneusement retirés, et le droit des couples homosexuels de recourir à la procréation médicalement assistée n’est donc pas évoqué. Que reste-t-il ? Des dispositions qui visent à adapter le droit à l’évolution des structures familiales.

Les statistiques montrent en effet une croissance considérable du nombre de séparations. Durant l’année 2012, 130.000 divorces ont été prononcés et 27.000 pacs dissous. Aujourd’hui, 1.500.000 enfants vivent dans 750.000 familles recomposées. L’intérêt de ces enfants doit effectivement être davantage pris en considération, d’abord par un renforcement de l’exercice conjoint de l’autorité parentale, ensuite par la reconnaissance de la place croissante des tiers, et notamment des beaux parents, dans l’éducation des enfants.

L’ensemble est pétri de bons sentiments, mais les bons sentiments se heurtent parfois à la dure réalité du droit positif.

L’exercice conjoint de l’autorité parentale

La proposition de loi vise à renforcer l’exercice conjoint de l’autorité parentale. L’objectif principal est d’empêcher le « syndrome de l’enfant à la fenêtre », c’est-à-dire l’hypothèse où l’un des deux parents ne participe plus à l’éducation de l’enfant, et finit par s’éloigner de lui plus ou moins définitivement.

Certaines dispositions de la propositions sont purement cosmétiques. Il en est ainsi de l’article 2 qui impose de faire figurer dans le livret de famille des informations relatives aux droits et devoirs des parents à l’égard de l’enfant. Cela rappelle étrangement les livrets de famille des années 1930, dans lesquels figurait un chapitre consacré à l’hygiène de la grossesse et aux avantages de l’allaitement naturel. Tout cela est fort sympathique, mais l’impact réel de telles dispositions demeure très limité.

D’autres dispositions se bornent à rappeler le droit existant. C’est le cas de l’article 3 de la proposition qui impose une obligation d’information réciproque des parents pour tous les éléments importants concernant la vie de l’enfant et de l’article 4 qui énonce que tout acte important lié à l’autorité parentale requiert l’accord des deux parents. Il s’agit là d’une reprise de l‘article 372 du code civil qui énonce que « les pères et mères exercent en commun l’autorité parentale ».

Les « actes importants »

Le problème réside dans la définition de l’acte « important », celui qui ne peut intervenir qu’avec l’accord des deux parents. Reprenant la définition donnée par la jurisprudence, le rapport de janvier 2014 le définit comme l’ « acte qui rompt avec le passé et engage l’avenir de l’enfant ou qui touche à ses droits fondamentaux ». Il s’oppose à l’acte « usuel » qui intervient pour gérer la vie quotidienne de l’enfant, comme aller le chercher à l’école s’il est malade ou l’envoyer en vacances, acte usuel qui n’implique aucun changement de sa situation.

Le choix de la résidence « au domicile de chacun des parents »

Contrairement au souhait de certaines associations, la proposition de loi ne dresse pas la liste de ces « actes importants ». Le seul qui soit expressément mentionné est le choix de la résidence de l’enfant. Depuis plusieurs années, s’est développé un mouvement en faveur de la résidence alternée paritaire de principe. Dans cette hypothèse, la résidence alternée est impérativement la première option examinée, même s’il est possible d’en choisir finalement une autre. Le parlement n’a pas choisi cette solution, et a préféré laisser aux parents une plus grande liberté de choix.

Concrètement, la proposition récuse les notions de « résidence alternée », de « droit de visite » ou d’ « hébergement ». Son article 7 pose le principe selon lequel la résidence de l’enfant est fixée « au domicile de chacun des parents », formule qui témoigne de la stricte égalité des parents. Ces derniers ne sont plus placés devant un choix binaire entre résidence alternée ou résidence au domicile de l’un d’entre eux. Ils pourront choisir le rythme de l’alternance, définir leur propre organisation en fonction des besoins des enfants et de leurs souhaits.

Le changement de résidence

Dans cette perspective, le changement de résidence de l’un des conjoints est également un « acte important » qui nécessite l’accord de l’autre. Il s’agit là d’une innovation, dès lors que le droit actuel n’impose qu’une obligation d’information au conjoint qui veut changer de domicile. Conformément à l’article 5 de la proposition de loi, celui qui déménage sans informer l’autre parent risque une amende civile inférieure ou égale à 10.000 € .

Cette règle est conforme au principe de l’exercice conjoint de l’autorité parentale, mais on peut s’interroger sur les atteintes qu’elle porte au principe de libre choix du domicile, principe rattaché au droit au respect de la vie privée. Il s’agit en effet de donner un véritable droit de veto à l’ancien conjoint d’une personne qui pourra s’opposer à tout changement de domicile. Certes, la proposition prévoit une exception lorsqu’il s’agit de s’éloigner d’un ancien conjoint violent, mais il existe d’autres motifs pour lesquels un déménagement peut être envisagé, que ces motifs soient professionnels ou familiaux. En cas de refus de l’ex-conjoint, il faudra alors introduire une demande devant le juge, sur le fondement de l’article 373-2 du code civil. Il appartiendra au Conseil constitutionnel d’apprécier si cette atteinte au libre choix du domicile est proportionnée aux intérêts en cause.

Les beaux-parents

La proposition de loi s’inscrit dans un mouvement général d’accroissement considérable du nombre d’adultes susceptibles d’intervenir dans l’éducation d’un enfant. Celui-ci est désormais au centre d’une famille élargie. Élargie par l’accroissement de la durée de vie, et un enfant qui naît a désormais des grands parents, voire des arrière grands-parents qui veulent le voir grandir et, d’une manière ou d’une autre, participer à son éducation. L’article 371-4 du code civil, issu de la loi du 5 mai 2007, consacre ainsi un droit de l’enfant d’ « entretenir des relations personnelles avec ses ascendants », droit qui a conduit à reconnaître aux grands parents un droit de visite et d’hébergement.Aujourd’hui, la proposition de loi pose la question des relations entre l’enfant et ses beaux-parents. Observons d’emblée que le texte n’emploie pas le terme de « beau-parent », mais préfère se référer au « tiers vivant de manière stable avec l’un des parents », formule qui permet d’exclure toute référence au mariage et s’appuie finalement sur la stabilité d’une relation. C’est la résidence avec l’enfant qui créer le lien avec lui.

La proposition de loi n’a pourtant pas pour objet, contrairement à ce qui a été dit ici et là, de définir un statut juridique des beaux-parents. Elle offre seulement une sorte de « boîte à outils » juridiques permettant une meilleure association du beau-parent à l’éducation des enfants, mais seulement si les parents en sont d’accord.

Pour les actes usuels isolés, le beau-parent est tout simplement considéré comme un « tiers de bonne foi », au sens de l’article 372-2 du code civil. Autrement dit, il existe une présomption d’accord des parents pour les actes usuels, ceux que des parents peuvent naturellement autoriser un tiers à accomplir. Sur ce plan, la proposition de loi ne modifie en rien le droit positif.

Si certaines familles recomposées souhaitent offrir au beau-parent la possibilité d’accomplir quotidiennement les actes usuels relatifs à l’éducation de l’enfant, elles peuvent désormais utiliser la voie contractuelle. Le « mandat d’éducation quotidienne » est un contrat passé sous seing privé ou par acte authentique. Bien entendu, il ne modifie en rien l’autorité parentale qui demeure exclusivement exercée par les deux parents. Et ces derniers doivent tous deux définir le périmètre des prérogatives dont disposera le beau-parent et signer le contrat.

Une vison Bisounours de la famille ?

Sur le fond, ce mandat est certainement une avancée positive dans la reconnaissance du rôle des beaux-parents dans des familles recomposées. La mise en œuvre de cette réforme risque cependant d’être délicate, et certains commentateurs n’ont pas hésité à ironiser sur une vision « Bisounours » de ces familles. Combien d’époux divorcés sont-ils prêts à accepter l’ntervention du nouveau mari de leur ex-femme dans l’éducation de leur enfant ? Combien d’épouses divorcées signeront-elles le contrat conférant à celle qui leur a succédé dans la vie de leur mari un rôle dans l’éducation de leur enfant ? Le mandat d’éducation quotidienne suppose un divorce pacifié, une relation harmonieuse entre gens de bonne compagnie uniquement soucieux de l’intérêt des enfants. Un rêve…

Derrière cette proposition de loi, on voit apparaître une évolution vers une forme de contractualisation du droit de la famille. Cette évolution présente des aspects positifs, et il est sans doute indispensable d’offrir aux couples une plus large autonomie dans l’organisation concrète de la vie de l’enfant. De la même manière, il n’est pas inutile de mentionner le beau-parent dans une loi, même s’il ne dispose d’aucun statut légal lui permettant de revendiquer telle ou telle prérogative. Dans tous les cas cependant, la loi demeure l’ultime recours lorsque la famille n’est pas cet univers pacifié et harmonieux qu’envisage la proposition de la loi. Il paraît que cela arrive, de temps en temps.


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  • « un divorce pacifié, une relation harmonieuse entre gens de bonne compagnie uniquement soucieux de l’intérêt des enfants. Un rêve… »

    Par chance, ça a été mon cas et celui de mes sœurs et le second mariage de mon père a agrandi notre famille.

    Mais la situation peut être plus délicate ailleurs et il sera bon que le droit donne bien le choix et la place qu’ils méritent aux « beaux-parents » dans l’éducation quotidienne et usuelle des enfants.

    Une fois de temps en temps, les lois votés vont dans le bon sens…

    • Si tout se passe bien dans la bonne humeur, la loi nouvelle est inutile puisqu’on pouvait s’en passer (ce qu’on faisait avant elle).
      Dans le cas contraire, elle est inutile car elle ne pourra pas s’appliquer.

      Bref, encore une loi bisounours qui ne sert à rien sur le plan légal, mais qui sert à faire de la mousse politique pour monter combien on est gentil. Si c’est ça que vous appelez « aller dans le bon sens » …

  • « Une vison Bisounours de la famille ? »

    Ha ha, lapsus révélateur avant un anniversaire ? j’espère que Monsieur est à l’écoute…
    Commentaire à enlever dès que la faute de frappe sera corrigée.

  • « le droit des couples homosexuels de recourir à la procréation médicalement assistée  »
    Avec mon argent ou avec le leur ?

    Pourquoi est-il question de « couple » quand il s’agit pour une personne, et pas deux, d’unir (grâce à l’argent de nos impôts) une de ses gamètes avec celle d’une personne du sexe opposé, c’est-à-dire autre que son partenaire homosexuel, au besoin en louant, avec l’argent de nos impôts, l’utérus d’une femme ayant probablement renoncé à fonder une famille pour remplir cet office ?

    J’objecte que je ne vois pas pourquoi:
    1 – Je devrais payer pour cela
    2 – On exige que la personne désirant bénéficier de ce service ait préalablement des rapports sexuels avec une personne du même sexe
    3 – Je devrais mentir, sous peine d’opprobre et répression étatique, aux enfants issus de telle procréation en leur disant qu’ils ont deux pères ou mères alors que, comme vous et moi, ils ont un père et une mère.

    Est-il permis d’être excédé par ces absurdités ?
    Pardon ? Ta gueule sale fasciste homophobe ?

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