La loi Florange anticonstitutionnelle : pourquoi ?

Malheureusement, l’annulation de la « loi Florange » risque de n’être qu’une bonne nouvelle temporaire.

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Manifestation syndicale à Florange en février 2012

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La loi Florange anticonstitutionnelle : pourquoi ?

Publié le 3 mai 2014
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Un article de l’Aleps.

Manifestation syndicale à Florange en février 2012
Manifestation syndicale à Florange en février 2012

Sans doute l’annulation par le Conseil constitutionnel de certaines dispositions de la loi Florange a-t-elle été un mauvais point pour la gauche entre les deux tours. Les ministres et parlementaires socialistes ont minimisé la portée de cette sanction : quelques aménagements techniques, auxquels nous allons travailler vont permettre d’être en règle avec la constitution, ont-ils dit. Malheureusement, ils ont raison.

En effet, le Conseil constitutionnel s’est contenté de rejeter la copie du Parlement en ce qui concerne uniquement le dernier volet de la loi Florange : celui qui permet de sanctionner lourdement (jusqu’à 2 % du chiffre d’affaires !) les dirigeants d’entreprises qui n’auraient pas satisfait aux obligations prévues dans les articles précédents.

Or, ce sont précisément ces articles qui sont contraires au droit de propriété et à la liberté d’entreprendre, bases d’une société de libertés. La « loi Florange » est le sous-produit d’une promesse faite par François Hollande lors d’une visite à Florange en février 2012 sur le site d’ArcelorMittal. Son principe est bien simple : une entreprise n’a pas le droit de mettre fin à l’activité d’un site industriel qu’elle ne veut pas vendre. L’entreprise n’a que deux possibilités : ou bien faire fonctionner son site, même s’il est non rentable – à moins qu’un juge admette que cela ne mette en péril l’existence même de l’entreprise, ou bien le vendre. Et le vendre à n’importe qui et dans n’importe quelle condition : l’entreprise doit trouver un repreneur. Ajoutons que les démarches des dirigeants d’entreprises doivent être communiquées à chaque instant aux salariés – ce qui évidemment augmente les chances d’une négociation avec d’éventuels repreneurs.

Toute infraction à ce principe vaudrait des sanctions aux dirigeants : c’est précisément cette partie du dispositif qui a été visé par le Conseil. Mais le reste demeure valide. Il s’agit sans doute d’un oubli de la part d’un Conseil constitutionnel qui n’a rien d’une juridiction indépendante et respectueuse des droits individuels. Comment pourrait-il en être autrement ? Aucun magistrat au sein du Conseil, dont les membres sont nommés par le pouvoir politique.

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  • Bah, au cours d’une discussion avec un collègue prof de droit, si on y regarde bien pratiquement un tiers des lois et décrets adoptés depuis les débuts de notre belle Ve sont de fait anti-constitutionnels. Chose qui s’est bien accélérée, un premier coup en 1981 et un deuxième coup au début des années 2000. Donc c’est pas sur la loi Florange qu’ils vont se réveiller, ces prétendus sages… Ils ont bien laissé passer l’impôt sur la fortune, les quotas de femmes et autres discriminations positives en tout genre, qui sont largement pires.

    • Que ce soit pire, certes, mais en quoi est-ce inconstitutionnel ?

      Comment la politique de « parité » par exemple pourraient-elle être inconstitutionnelle alors qu’elles est expressément prévue dans la constitution dès… son article premier !? « La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales.  »

      La constitution française n’a rien de libéral : le texte ne l’est pas plus que la « jurisprudence » du conseil.

      • le bloc de constitutionnalité commence par la DDHC de 1789 qui indique que la république ne fait pas de différences fondées sur le sexe, la race, la religion, la fortune… Que l’impôt est payé identiquement à proportion de la capacité de chacun, etc. etc.

        Les modifications postérieures de la constitution sont pour certaines en contradiction avec ses principes fondateurs ce qui pose effectivement un problème plus que léger. De même certaines de ses disposition d’origine (mais venant après ce préambule elles devraient s’y soumettre).

        Si la constitution n’est pas vraiment libérale elle admet toutefois comme fondement et principes de base la Déclaration de 1789 qui est assez libérale, malgré tout.

        • On ne peut pas se fonder sur une disposition de même niveau* mais plus ancienne et plus générale pour déroger à une disposition plus récente et plus précise : ce sont deux règles d’interprétation vieille comme le droit écrit**.

          Pour reprendre l’exemple de la parité il me semble évident qu’en droit constitutionnel l’article premier de la constitution prime logiquement sur l’article premier de la déclaration de 1789 (qui au passage ne fait aucune référence au sexe ou à la race).

          La constitution a été rédigée expressément dans une logique étatiste (plus corporatiste qu’à proprement parler socialiste, mais peu importe) : la vague référence à la déclaration de 1789 n’y change rien. Compter sur la constitution et son interprétation pour défendre les libertés c’est rêver debout, particulièrement dans les domaines économique, fiscal et social.

          *en admettant que le « bloc de constitutionnalité » ne soit pas d’un niveau inférieur à la constitution elle-même, ce qui déjà se discute.

          **Specialia generalibus derogant et Lex posterior derogat priori

          • Sauf que la constitution en 1958 n’avait pas cet article premier. Il a été rajouté après coup, en contradiction avec les principes constitutionnels de départ. Il ne s’agit pas d’une précision, mais d’un changement complet.

            Évidement, s’il suffit de voter un texte pour qu’il soit valide, même s’il contredit à la loi existante, ou qu’on dise ‘Ah mais c’est un vote du parlement » et hop, le tour est joué, on peut donc désormais changer la constitution sans référendum, par modification successives de ce genre.

            M’enfin, moi je ne suis pas juriste pour un sou, donc vos adages en latin ne me font ni chaud ni froid. Et le collègue avec qui j’en parlait est lui professeur de droit, donc a priori je lui fait confiance quand il me dit que ces disposition sont hautement contestables et qu’il y a (à la louche) un bon tiers des lois récentes qui sont anti-constitutionnelles…

            J’aurais juste tendance à penser, pour la constitution, qu’étant sensée être l’expression de la volonté du peuple, pas une virgule n’aurait du en être changée sans référendum, et que les lois auraient du toutes s’y conformer. Toujours. Les 10 ou 15 lois maximum qu’on aurait eu depuis 1958… Mais évidemment le conseil constitutionnel n’étant pas formé de juristes indépendants et de tendances variés, mais bien de politiques choisis par des politiques, ça a dérivé, dérivé, et dérivé encore.

            • « …ça a dérivé, dérivé, et dérivé encore. »

              Il n’y a une AUCUNE dérive ! Pour infos voila des extraits du préambule de 1946, repris par la constitution actuelle dès sa rédaction :

              « 8.Tout travailleur participe, par l’intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises.

              9.Tout bien, toute entreprise, dont l’exploitation a ou acquiert les caractères d’un service public national ou d’un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité.

              10. La Nation assure à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement.

              11. Elle garantit à tous, notamment à l’enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l’incapacité de travailler a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence.

              12. La Nation proclame la solidarité et l’égalité de tous les Français devant les charges qui résultent des calamités nationales.

              13. La Nation garantit l’égal accès de l’enfant et de l’adulte à l’instruction, à la formation professionnelle et à la culture. L’organisation de l’enseignement public gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l’Etat »

              Il n’est nul besoin d’être juriste pour comprendre que le BUT explicite de la constitution est d’instaurer un Etat ultra-interventionniste : non seulement les lois interventionnistes dont vous parlez sont-elles pour l’essentiel parfaitement conforme à la constitution, mais elles sont même souvent requises par elle.

              De plus si la constitution est aussi facilement révisable, et si les membres du conseil ne sont pas des juges ou même des juristes ce n’est pas un simple erreur du constituant : c’est entièrement voulu. La constitution est faites pour nous entuber, pas pour nous protéger, et donc c’est tout à fait logique.

              Non seulement ce n’est pas nouveau mais c’était même pire avant : à l’origine le conseil ne pouvait être saisi ni par les particulier ni par l’opposition : son but était uniquement de protéger l’exécutif contre les empiétements du parlement ! Et la déclaration des droits de l’homme avait un rôle purement… déclaratif.

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