Municipales : gauche et droite, une rhétorique très différente à Toulouse

Quelles sont les méthodes de persuasion utilisées par les partis lors des élections municipales. Analyse des tracts du second tour à Toulouse.

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Municipales : gauche et droite, une rhétorique très différente à Toulouse

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Publié le 29 mars 2014
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Par Claude Robert.

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Les grandes échéances électorales permettent toujours d’en savoir un peu plus sur les forces en présence. Analyser et comparer le contenu des flyers distribués entre les deux tours par les finalistes constitue en effet une excellente occasion pour mesurer de façon objective les différences éventuelles entre les méthodes de persuasion utilisées par chacun d’entre eux.

À Toulouse par exemple (quatrième ville de France), sont en lice au second tour Jean-Luc Moudenc (UMP) et Pierre Cohen (PS). Le prospectus du premier a été déposé dans les boîtes aux lettres ce mercredi 26 mars, celui du second ce vendredi 28 mars. Avantage au second donc, si l’on considère que vis-à-vis des électeurs qui ne réfléchissent pas trop, c’est le dernier à avoir parlé qui a raison.

Plus sérieusement, les deux plaquettes sont très différentes, et ces différences nous apprennent encore beaucoup sur les marqueurs biologiques de la droite comme de la gauche.

 

Jean-Luc Moudenc : « Un nouvel élan pour Toulouse »

Une couverture à dominante bleue, cette plaquette est composée de huit pages :

  1. Présentation générale, photo-portrait et mot du candidat
  2. Transports
  3. Circulation automobile
  4. Sécurité
  5. Logement
  6. Finances
  7. Rayonnement de la ville
  8. Emploi

 

D’une manière générale, cette plaquette est très bien conçue dans la mesure où elle n’affirme quasiment rien sans citer des preuves. Cette approche (que les publicitaires utilisent dans les copy-strategy de type promesse/preuve) est rationnelle car elle apporte des éléments crédibles.

Ainsi des chiffres de comparaison coût/efficacité du métro, du tramway et du bus sont mentionnés en page deux. En page trois, des chiffres d’enquêtes sont cités, tandis qu’en page quatre, concernant la sécurité, le taux de policiers municipaux pour 10 000 habitants est comparé entre Lyon, Montpellier et Toulouse, etc. C’est convaincant, avec toutefois un risque : cette approche rationnelle s’adresse plutôt au cerveau gauche, aux esprits secondaires. Elle ne parle pas aux tripes et ne fait pas rêver. Elle a au moins le mérite de la transparence.

Plus intéressante encore est la façon dont le candidat de la droite évoque son adversaire de gauche : celui-ci est rarement cité, et Jean-Luc Moudenc parle plutôt de la ville « qui joue petit bras », « qui se repose trop sur les acquis du passé » avec un ton qui n’est jamais irrespectueux. Lorsque le maire sortant est cité, c’est par contre toujours de façon datée et factuelle.

Par exemple : « dès 1983, alors conseiller municipal de Ramonville, Pierre Cohen […] combattait déjà le projet de métro voulu par Dominique Baudis » ou encore, concernant le projet de deuxième rocade «… par son opposition, il a fait capoter le projet en 2008 ».

Il faut bien admettre que les évocations de l’adversaire d’en face sont rares (moins de 3 % de la pagination) mais factuelles, datées et vérifiables. Elles ne sont jamais insultantes, jamais personnelles.

 

► En résumé : une argumentation longue et détaillée, rationnelle et objectivée. Une part égale est accordée aux problèmes actuels (40 % de la pagination) et aux promesses pour y remédier (40 % également). Le candidat d’en face est évoqué de façon respectueuse et tout aussi factuelle. Globalement, le message s’adresse plutôt au cerveau rationnel.

 

Pierre Cohen : « Rassemblée, Toulouse avance ! »

Une couverture à dominante rouge, cette plaquette de quatre pages de couleur rouge et verte à l’intérieur comprend elle aussi une première de couverture avec photo-portrait et un mot du candidat, une deuxième et troisième pages consacrées aux promesses, aux engagements à la première personne « je m’engage à… », mais sans vraiment de détails quant aux moyens d’y arriver.

À noter que la dernière colonne de la page trois se démarque du reste par sa couleur (sur fond gris) et son contenu : elle est remplie d’attaques vis-à-vis du candidat de droite.

Cette colonne, qui représente 5 % de l’ensemble, s’ajoute à une longue phrase de la première page consacrée au même sujet, et vise de toute évidence à salir l’image du candidat de la droite :

« Le retour en arrière, les fausses promesses impossibles à financer, les propositions qui excluent, qui divisent […] le projet d’un adversaire du passé, aux idées dépassées » (page 1)

« Un candidat UMP démago et réactionnaire », « le candidat de l’UMP cultive le repli sur soi, il joue sur la peur, il stigmatise les quartiers, les précaires et les plus démunis, il n’apporte aucune solution, il attise les inquiétudes ».

Un peu plus loin, « il méprise l’intérêt général, il veut brader les transports et l’eau des Toulousains […] il s’oppose à la modernisation de notre ville » (page 2) pour ne citer qu’une partie de cette méchante diatribe qui en fait ressasse parfaitement les anathèmes que le Parti socialiste distribue au niveau national depuis des années contre tout ce qui n’est pas dans son camp.

Démunies de preuves, de citations et de dates, ces affirmations sont invérifiables et constituent bien évidemment autant d’attaques personnelles gratuites et malveillantes.

Enfin, la quatrième page de la plaquette est totalement dédiée à la mobilisation des abstentionnistes, ce qui est parfaitement pertinent compte tenu des résultats du premier tour et des enjeux de la gauche au second. Pour ce faire, la typo est de grande taille, le message est simple. Cette page peut se lire à plusieurs mètres de distance, ce qui est astucieux.

 

► En résumé : une argumentation qui fait la part belle aux promesses générales (plus de 50 % de la pagination), qui rappelle l’importance de ne pas s’abstenir au second tour (pratiquement 20 % puisque une bonne partie de la quatrième page) mais qui consacre tout de même près de 10 % aux attaques personnelles à l’endroit de l’adversaire de droite.

 

Droite et gauche, une différence de nature

De fait, si l’on compare de façon purement chiffrée la surface consacrée par chacun des candidats aux constats, aux promesses, aux preuves de ces promesses, et aux attaques du candidat opposé (en prenant bien soin de séparer les attaques objectivées et les attaques purement personnelles), on obtient le tableau ci-dessous :

Type d’information Pierre COHEN (gauche) Jean-Luc DOUMENC (droite)
Constats

0%

40%

Promesses sans preuves

50%

0%

Promesses avec preuves

0%

40%

Attaques objectives du concurrent

0%

3%

Attaques personnelles du concurrent

10%

0%

 

Tous ces scores ne sont certes pas comparables entre la droite et la gauche. Il est en effet normal que le candidat non sortant consacre davantage d’espace aux constats : il n’est plus aux manettes, et ne peut donc que juger le résultat de l’administration du maire actuellement aux commandes de la municipalité.

À l’inverse, les comparaisons concernant les preuves et les attaques personnelles confirment une fois de plus la différence de nature qui existe entre droite et gauche en matière de rhétorique. On constate en effet que :

La droite est plus encline à utiliser des argumentations chiffrées et précises, qui font plutôt appel au cerveau rationnel et à l’expérience. Elle est par ailleurs respectueuse de ses adversaires, car il n’est pas dans ses habitudes de les salir en dehors des faits politiques précis et vérifiables. Enfin, elle décline plus un programme qu’elle ne se mesure à des opposants.

La gauche est plus encline à faire des promesses, et elle les fait d’autant plus facilement qu’elle néglige d’en présenter les modalités précises. Enfin, elle use facilement des attaques personnelles, en surfant sur les territoires sociolinguistiques qu’elle s’est arrogée. Elle s’adresse de préférence aux affects et aux instincts. Elle défend moins un programme concret qu’une fuite dans un futur meilleur et un combat vis-à-vis de ses adversaires qui sont foncièrement mauvais.


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