Ukraine : l’Europe doit-elle sanctionner la Russie ?

Imposer des sanctions économiques à la Russie pourrait se révéler impossible et nuire aux parties en présence.

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Ukraine : l’Europe doit-elle sanctionner la Russie ?

Publié le 28 mars 2014
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Par Alex Korbel.

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Après ce que le Kremlin considère comme la destitution d’un président légalement élu par une foule en colère, et ce que les gouvernements occidentaux considèrent comme une violation de l’intégrité territoriale de l’Ukraine, un bras de fer s’est engagé autour de la crise en Crimée. Nombre de voix appellent l’Union européenne à imposer des sanctions à la Russie. Elles se font de jour en jour plus fortes.

Mais imposer des sanctions économiques substantielles à la Russie pourrait se révéler impossible, nuire aux deux parties en présence et ne pas résoudre le problème initial.

 

Un leadership européen fragmenté

Tout d’abord, imposer des sanctions importantes à la Russie exigerait l’unanimité des vingt-huit membres de l’Union européenne. Une telle harmonie est peu probable, étant donné que plus l’on s’éloigne de la frontière ukrainienne, plus l’enthousiasme pour affronter la Russie s’affaiblit.

Les dirigeants politiques au Royaume-Uni (dont les marchés financiers londoniens sont tributaires des investissements russes), en Allemagne (dont les industries manufacturières dépendent de clients russes), en Italie, en Autriche, en Grèce et à Chypre ne sont pas favorables à des mesures punitives contre la Russie. Ils veulent s’assurer que si sanctions il y a, elles resteront ciblées et surtout symboliques.

 

Échanger, c’est gagner

Deuxièmement, des sanctions commerciales et financières envers la Russie auraient aussi un impact négatif pour les Européens. La Russie et l’UE ont des liens économiques étroits : l’UE est le premier partenaire commercial de la Russie (machines, produits chimiques et produits agricoles) et la Russie est le troisième partenaire commercial de l’UE (matières premières, gaz naturel et pétrole).

En outre, un examen attentif de l’histoire des sanctions économiques montre leur faible succès et souligne qu’elles sont davantage utilisées pour envoyer un signal politique au sein du pays qui les déploie et à l’étranger.

Rappelons-nous également que les échanges volontaires sont bénéfiques pour toutes les parties impliquées, sans quoi elles ne s’y livreraient pas : limiter le commerce ferait donc du mal aux entreprises russes mais aussi aux entreprises européennes, sans compter évidemment l’ensemble des consommateurs de ces zones qui seraient les principales victimes de ces sanctions.

 

Les investisseurs fuient les situations instables

Troisièmement, les marchés financiers mondiaux ont déjà intégré ce que les dirigeants européens se contorsionnent à éviter. Les deux principaux marchés boursiers de Moscou (RTS et Micex) ont chuté depuis la montée des tensions, affaiblissant l’économie russe et sapant le rouble, à tel point que la banque centrale russe a relevé ses taux directeurs la semaine dernière.

Ces mouvements de transactions en actions, obligations et devises ne sont pas le résultat d’un complot occidental. Il s’agit de la réaction naturelle d’un grand nombre d’investisseurs fuyant une situation instable. C’est également un rappel des défis que le libre-échange présente au pouvoir dans une économie fortement contrôlée par l’État.

 

L’unité de l’Ukraine est dans l’intérêt de tous

La plus grande des priorités est de faire en sorte qu’une guerre n’éclate pas. Un tel conflit serait une catastrophe humaine, économique, politique et culturelle pour l’Ukraine, la Russie, l’UE et l’OTAN. Elle ne bénéficierait qu’à la Chine, dont le gouvernement est considéré comme un concurrent de ceux de la Russie et des États-Unis dans les yeux de nos dirigeants politiques.

La deuxième priorité est de garder l’Ukraine unie et, à la vue du contexte économique, il apparait rapidement qu’une Ukraine soudée est dans l’intérêt de l’Europe, mais aussi de la Russie.

En effet, une Ukraine unie va inévitablement devoir demander un ou plusieurs plans de sauvetage financiers dans les années à venir. Dans la mesure où l’aide de l’UE et des institutions financières internationales arrivent en général trop tard et sont trop faibles, Kiev n’aura probablement pas d’autre choix que de demander à Moscou une ligne de crédit. De fait, la Russie gagnera ainsi le contrôle qu’elle cherche à avoir.

Comparez cette situation avec la perspective pour la Russie de s’aliéner un continent entier parce qu’elle a formellement annexé un morceau de terre – la Crimée – et on comprend que le premier scénario est le meilleur pour toutes les parties.

Enfin, afin de préserver l’unité de l’Ukraine et sauver ses institutions économiques, nombre de réformes sont nécessaires. L’introduction d’une nouvelle constitution confédérale se débarrassant de la bureaucratie hyper centralisée, corrompue et inefficace de l’État, donnant l’essentiel des pouvoirs aux autorités locales et laissant beaucoup plus d’espace à des solutions émanant de la société civile semble être un bon point de départ.

 

La leçon de la crise

En dernier lieu, une leçon importante doit être tirée de cette crise.

Ce qui a sauvé l’Ukraine jusqu’à encore récemment, c’est que l’Europe et la Russie se sont généralement abstenues de forcer les gouvernements ukrainiens à faire un choix entre une intégration économique ou politique avec l’espace soit russe, soit européen.

Au cours de l’année 2013, la Russie et l’UE ont précisément tenté de forcer l’Ukraine à faire ce choix économique et le résultat tout à fait prévisible a été le déchirement du pays.

La leçon est donc la suivante : les puissances étrangères doivent apprendre à s’occuper de leurs propres affaires et à éviter de se mêler des choix de pays tiers tels que l’Ukraine.


Article originel publié par 24hgold.com.

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  • Oui enfin la Russie ne va pas rester à s’occuper de ses affaires.

    Pour rappel, la Liste des embargos actuels menés par la Russie
    – viande de porc (pour 2 ou 3 cas de peste porcine en Pologne et Lituanie)
    – produits laitiers de Lituanie
    – vins de Moldavie

    L’embargo est la première arme employée par la Russie pour « punir » tout état de l’ex bloc soviétique qui souhaite se tourner vers l’Europe. Donc votre leçon me semble difficile à faire passer.

    • Ce que vous appelez embargo c’est absence d’aide, par contre les sanction l’EU en fait contre tout ce que se rapproche de la Russie. Alors merci pas de manichéisme, on peut être dans la CEI et l’EU pour la CEI mais pas pour c’est hégémonistes égalitaristes de l’UE.

  • L’Ukraine est un pays dirigé depuis 25 ans par les oligarques, majoritairement pro-russes, mais il y aussi des oligarques de l’ouest, moins riches car les usines sont à l’est. Le pays est archi-corrompu et, conséquemment, très pauvre.
    Ceci dit, le Président -encore élu en titre- a été renversé par un coup, d’état de la rue, avec l’aide (musclée et parfois canardeuse) des néo-nazis. De fait, le pouvoir actuel est putschiste, tant que des élections générales et libres (le bourrage des urnes est une pratique répandue des deux côtés) n’auront pas eu lieu pour installer un gouvernement légitime.
    Ce qui a fait déborder le vase, c’est la suppression de la langue russe. La Russie a profité de l’indignation de la partie de l’Ukraine qui a toujours été russe: la Crimée. Certes, l’annexion de cet ancien teritoire russe a été faite de façon assez hussardière, mais sans effusion de sang.
    On ne peut pas en dire auant de l’invasion de l’Irak par les américains sous des prétextes que le président des US savaient faux. Le reste du monde auraient du infliger alors des sanctions contre les USA pour violation barbare d’un pays souverain.
    Et que dire du Kossovo, où un référendum populaire fut, car approuvé par les US, « légitime », alors qu’il ne l’était pas plus que celui de la Crimée.
    Que les US fasse la politique du plus fort, ce n’est pas nouveau. Mais que les européens suivent avec toutes les bonnes âmes anti-russes, cela n’est pas tolérable.

  • Encore un article sur la fameuse intangibilité des frontières ! On en voit le succès en Afrique…

    La Crimée a été récupérée par la Russie parce qu’elle l’avait donnée administrativement à l’Ukraine. Point.
    Si l’Ouest continue d’en faire une fixation, plutôt que de convaincre les dirigeants ukrainien de passer outre et consolider l’existant, on finira par provoquer des blocages irréversibles.

    Et pourtant, l’annexion de l’Ossétie ne s’est pas poursuivie à toute la Géorgie. Les missions de Sarkozy ont calmés les ardeurs des uns et des autres, au grand dam de certains dont on voit aujourd’hui les nuisances. Les motifs des brillantes critiques d’un journaliste comme Giesbert en 2008 ne donnent à vrai dire aucune solution aujourd’hui.

    Ce blocage sur la Crimée est probablement un ferment voulu par certains (Les USA) pour empêcher tout accord des ukrainiens avec les russes.

    • « Encore un article sur la fameuse intangibilité des frontières ! » Pas du tout.

      • Un consultant en affaires publiques européennes est la dernière personne que j’aie envie de questionner sur les sujets regardant l’Europe.

      • Plutôt oui que pas du tout !
        A partir du moment où votre article ignore l’aspect géopolitique de l’affaire ukrainienne (traité militaire avec l’OTAN, la base militaire de Sébastopol…) et conditionne le retour de la Crimée avant toute négociation, vous donnez un rôle très précis aux frontières, qui n’est pas forcément celui des peuples, nations ou gouvernements locaux ! Celui exactement de sacs contenant des contenus semblables, soit ce qu’implique l’intangibilité des frontières…

        Si vous ne voulez pas de guerre, alors il faut comprendre que votre adversaire (la Russie) a fait un pas risquée et qu’elle ne reviendra pas en arrière : il lui en coûterait trop ! Aux stratèges (malheureusement qui nous dirigent) de s’adapter. C’est peut-être un tort pour les règlements internationaux, mais l’Ouest aurait dû faire attention (aux Russes, aux Polonais, aux USA, à l’Allemagne, aux manifestants ukrainiens, etc….).

        • Ce n’est pas la Russie qui a fait le pas le plus risqué mais bien les Criméens.

          Ils ont pris des risques considérables, imaginez que la Russie refuse de les unirent (la Transnistrie est actuellement sous blocus et paie très chère sa non soumission à l’hégémonisme égalitariste).

          Je dis bravo a ce peuple courageux ou le nazisme n’est jamais vraiment passé a aucun moment.

  • A partir du moment où l’on considère que l’ouverture des frontières et l’accroissement des échanges économiques profitent aux 2 parties, il en découle forcément que toute re-fermeture des frontières et la diminution des échanges économiques est nuisible aux 2 parties.

    Le spectacle de ces dirigeants occidentaux qui expliquaient, lorsqu’ils levaient les barrières commerciales avec la Russie, que c’était tout bénéfice pour l’économie occidentale, et qui expliquent, maintenant qu’ils souhaitent réintroduire ces mêmes barrières, que seule l’économie russe va en pâtir, est surréaliste.

  • De lourdes sanctions contre la Russie c’est le moindre mal malgré tous les effets boomerang sur les économies occidentales. Ne pas le faire c’est de différer l’échéance et la paie sera encore plus douloureuse si l’on faisait faire.
    L’Ukraine paie aujourd’hui la lâcheté occidentale dans le cas de Géorgie où c’était le moment d’intervenir pour défendre les principes et de le faire aux moindre coûts.
    De manière générale, ça serait le prix de la myopie et de l’incompétence des dirigeants économiques et politiques de l’Europe et des USA qui n’ont pas vu ou n’ont pas voulu voire la nature du régime russe (alors que c’était évident pour un citoyen lambda) et qui se sont laissé engluer dans l’économie russe. La plupart d’eux est acheté, il y a peut-être quelques naïfs et stupides…

    • Les USA et l’UE ont été parlons clairement des salaud sur les deux cas, ce que la Géorgie à fait en Ossétie aurait valu la CPI si ce n’était pas tourné contre la Russie. Que dire des fausses commune.

      L’Abkhazie a gagné en 1992 seule et si la Géorgie fait la guerre à cette Etat c’est une guerre qu’on le veuille ou non.

      En Ukraine je ne doute pas de qui a financer les mercenaire qui ont organisés le coup d’Etat, et je suis occidentale.

  • Si l’Europe n’était pas allée faire des propositions indécentes à l’ukraine, chasse gardée de la Russie, tout ceci ne serait jamais arrivé !!!
    Et après, l’UE appelle papa USA pour venir la sauver de la panade dans laquelle elle s’est elle-même jetée !!!
    Que de misères en ce bas-monde !!!

  • Vous savez, l’OTAN, c’est cette organisation de losers dont un membre vient d’interdire Youtube et Twitter sur son territoire… Quel attrait pourrait bien avoir ce club d’anciennes puissances étatiques en voie de marginalisation sur le pays qui accueille Snowden et utilise précisément toute la puissance de Youtube et de Twitter pour diffuser dans le monde entier les croustillantes écoutes téléphoniques des diplomates et dirigeants des pays de l’OTAN ?

  • Evidemment NON ! Le vote de la Crimée a été un mouvement démocratique, responsable etl ibre. De quel droit l’Europe devrait-elle s’immiscer dans ce referendum ? Nous aussi, chaque nation européenne, aimerions bien pouvoir exprimer notre envie de rester ou non au sein de cette Europe de malheur qui ne nous apporte que des ennuis. Et c’est bien pour cela que l’Europé s’élève contre la Russie : la crainte de voir s’élever les voix des peuples nationaux.
    Comme je souhaiterais que tous les peuples européens s’élèvent chacun contre l’Europe, la mondialisation, l’immigration, que tous ces peuples reprennent leur souveraineté et les rênes de leur destin plutôt que de laisser les commandes à des technocrates débiles, pourris, corrompus et asservis à l’argent et au pouvoir.

    • « Le vote de la Crimée a été un mouvement démocratique, responsable etl ibre. » vous croyez quand même pas ce que vous dites??? ces élections n’étaient en rien libre

  • Vive le gouvernement socialiste mondiale c’est cela?

    Et bien non, vive la résistance, et bravo à ceux qui lutte contre l’hégémonisme égalitariste.

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