Lettres béninoises, de Nicolas Baverez

D’une manière infiniment originale, Nicolas Baverez nous conte les déboires qui pourraient conduire la France à la faillite d’ici 2040.

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Lettres Béninoises Nicolas Baverez

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Lettres béninoises, de Nicolas Baverez

Publié le 3 mars 2014
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Par Philippe Robert.

Lettres Béninoises Nicolas BaverezDès 2003, Nicolas Baverez est le premier économiste et historien crédible à avoir sonné à toute volée le tocsin en publiant La France qui tombe (Perrin, 2003) que nos oligarchies politique, syndicale et médiatique, y compris les élites prétendument intellectuelles qui croient détenir une vérité qui n’appartient qu’à eux-mêmes, s’étaient empressées de flanquer par-dessus bord.

Aujourd’hui, en pleine débâcle morale, politique, économique et démocratique de la France, Nicolas Baverez, qui n’a jamais varié d’une ligne depuis La France qui tombe, revient à la charge d’une manière infiniment originale en nous contant, dans son dernier ouvrage, Lettres béninoises (Albin Michel, janvier 2014), les mauvaises fortunes ayant conduit, en 2040, la France à la faillite.

En 2040, justement, le directeur général du FMI est un Béninois du nom d’Alassane Bono qui a courageusement décidé, en prenant de forts risques personnels, de tout entreprendre pour sortir la France, à cet instant fatidique de sa longue et riche histoire, de la terrifiante descente aux enfers qu’elle s’est elle-même infligée en refusant, par antilibéralisme primaire, de franchir enfin le Rubicon.

Voici d’ailleurs comment Alassane Bono, en visite à Bruxelles, recueille de la bouche même du président de la Commission Européenne les tenants et aboutissants se rapportant aux redoutables épreuves que traverse la France, conversation pas si à bâtons rompus que cela dont le Directeur général du FMI fait état dans sa lettre 24 à sa femme Stella Haïdjia :

« Tous, nous étions certains que la France ne supporterait pas l’idée de n’être plus qu’une puissance de seconde zone sur le continent. Entre réforme et déclassement, elle ferait son choix et se redresserait. Il n’en a rien été. Elle n’a cessé de prendre l’Europe en otage. Tous les délais et les arrangements qui lui ont été consentis en raison de son poids dans la zone euro et de son rôle dans le processus communautaire n’ont servi qu’à différer, éluder ou contester les mesures indispensables. Non seulement les engagements pris n’ont pas été tenus, mais le mensonge et la fraude ont été érigés en système. »

Depuis Londres et une lettre plus tard (lettre 25), à la suite de son audience accordée au 10 Downing Street par Virginia Marley, la nouvelle Dame de fer britannique, Alassane Bono conte par le menu à sa femme Stella Haïdjia son entretien avec le Premier ministre de Grande-Bretagne dont voici quelques extraits significatifs :

« Monsieur le Directeur général, a-t-elle attaqué d’emblée, il semblerait que vous entendiez mobiliser le FMI pour le salut de la France (…) D’abord, cette opération est techniquement impossible en raison de la perte de confiance irrémédiable dans la signature française (…) Mais il y a plus : ce sauvetage s’oppose directement aux intérêts du gouvernement britannique. La prospérité actuelle du Royaume-Uni est intimement liée à la déconfiture de la France. Aujourd’hui, chez nous, un habitant sur dix est français ou d’origine française. Londres est la deuxième ville française du monde après Paris, mais elle est de très loin la première en termes de revenus et de richesse par Français. Ce sont les exilés français qui ont relancé notre démographie, poursuivi la modernisation de la City, réinventé notre industrie. »

Dans la nouvelle configuration de l’Europe réduite à quia, la Grande-Bretagne a donc dû prendre toutes ses responsabilités pour ne pas subir le sort misérable réservé à la France par ses propres élites depuis trop longtemps en place et n’aspirant plus qu’à maintenir, retranchées dans leur tour d’ivoire inexpugnable, des positions souvent usurpées.

Virginia Marley : « Le défi était immense (…) Or les Français, eux, nous ont permis de le relever. Ils nous ont apporté imagination, savoir-faire, puissance de travail. Nous les avons tous accueillis, les riches et les pauvres, les Parisiens et les provinciaux, les surdiplômés et les analphabètes, sans critère de fortune, de race ou de religion. Nous avons parié que la régulation naturelle de notre société ferait le tri entre le bon grain et l’ivraie. Pari gagnant. La plupart sont restés. On peut dire que ce fut l’invasion la plus bénéfique pour le Royaume-Uni depuis le débarquement de Guillaume le Conquérant. »

Certes, l’ouvrage Lettres Béninoises a été écrit par un Français et, à ce titre, il se trouvera toujours quelqu’un pour objecter que la description élogieuse du savoir-faire français par Mme Virginia Marley serait plus le fruit d’un accès de chauvinisme rentré de l’auteur que d’une réalité palpable. Eh bien, pas du tout. Car de tout temps les Français ont su montrer au monde de quels exploits ils étaient capables : aujourd’hui, sauront-ils rebondir ?

Donc, Rule Britannia, vive l’humour anglais et merci à la France éternelle pour avoir déployé, ces dernières décennies, son génie si riche d’universel… en Grande-Bretagne faute d’avoir pu le faire, comme cela eût été des plus naturels, dans l’Hexagone aux prises avec le plus délirant déni de son histoire. Mais aussi, quelle revanche pour ces Français de se voir ainsi reconnus selon leurs mérites si singuliers !

Alassane Bono : « Les succès des Britanniques obéissent toujours aux mêmes principes : les Français veulent donner un sens à l’histoire et la modeler à leur image, quand les Britanniques cherchent à l’utiliser au mieux et à s’adapter à l’esprit du temps ; les Français font confiance à l’État dont ils attendent tout, quand les Britanniques s’en méfient et préfèrent miser sur l’initiative individuelle et la plasticité de la société. Comme les Britanniques, je doute que l’histoire ait un sens ; mais je constate qu’elle constitue un juge impitoyable, tant la prospérité et la paix civile de ce côté-ci de la Manche contrastent avec la paupérisation et la violence qui règnent en France. »

Et si, par extraordinaire, nos actuels dirigeants socialistes trouvaient le temps de lire les 186 pages du livre de Nicolas Baverez qui, d’ailleurs, se lisent aussi facilement qu’un vrai roman d’action, peut-être alors s’éviteraient-ils et, par ricochet, nous éviteraient-ils de précipiter la France, avant même la date fatidique de 2040, dans une déshonorante et irréversible spirale descendante jusqu’au crash final.

Nicolas Baverez, Lettres Béninoises, Albin Michel, janvier 2014, 185 pages

Lire aussi : La critique du même ouvrage de Francis Richard.

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