Le bouffon interdit

Tolérer le bouffon est une juste éthique.

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Quentin Metsys (Image libre de droits)

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Le bouffon interdit

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 9 janvier 2014
- A +

Un fable politique de Thierry Guinhut.

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Allégorie de la Folie, Quentin Metsys, 1466-1530.

 

Un noir et fou blaireau vint un jour à la cour :
Bouffon de son état, du peuple l’amuseur,
Il remplissait théâtre avec son sac d’humour,
Mêlait satires spirituelles et moisies.
Avec de bruns tribuns il flattait les rancœurs,
Éructant, vomissant ses vulgaires saillies,
Conspuant le peuple du livre, ces blancs lapins,
Qu’une myxomatose infligée par un chien
Avait décimé lors d’une guerre animale
Que les historiens qualifiaient d’absolu mal.

C’est alors que le Lion et ses Tigres ministres
Sortent en Socialie, de leurs gueules sinistres,
Les crocs de l’ordonnance et du décret, des lois,
L’interdit contre le vil raciste aux abois,
Contre un haineux bouffon, ses spectateurs moutons
Qui bêlent contre le méchant capitalisme,
Contre le Satan américain, le sionisme,
Qui rient à l’idée de gazer des lièvres blonds.

Mais aux grenouilles dont on insultait les couacs,
Une unanime voix pria qu’on interdit la claque
Des rieurs et moqueurs qui dédaignaient ces bêtes.
Autant on s’excita contre l’hyène rieuse
Qui crachait aux oiseaux, contre qui à tue-tête
Se marrait comme baleine aux trop populeuses
Blagues contre le menu peuple des poissons…

« On discrimine à tout va ! », s’indignait le Lion,
« Qu’on cesse de haïr l’animal en la place ! »,
Plastronnaient les Tigres, ordonnant aux loups
De fermer théâtre, de cadenasser cous.
Au singe on interdit de faire la grimace !
« Abaisser animal, de même l’adorer,
C’est aller contre l’innocente égalité ! »
Tout le règne bestial dut porter muselière,
Et n’aimer qu’en silence ou haïr en muet,
Écrire avec des gants, lire les yeux masqués,
Pour qu’Animalité, de sa pensée, soit fière.

Si sales et pustuleux que soient tous ses mots,
De peur de la couper aux savants et aux sots,
À fou donné on ne doit pas compter la langue,
Tant que ses crocs ne coulent pas du sang d’autrui.
Mieux vaut par l’argument engranger la réplique ;
Tolérer le bouffon est une juste éthique.
Chacun est loisible de pousser sa harangue
De peur de perdre, de la liberté, le fruit.


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