La carte de François Hollande avant la chute finale

La tentation sera grande pour le Président de la République de laisser tomber l’objectif de réduction du déficit public pour faire adopter un plan de relance.

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La carte de François Hollande avant la chute finale

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 20 novembre 2013
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Par Fabio Rafael Fiallo.

Hollande UE

« C’est une politique qui a été dégradée, ce n’est pas la France ». Cette phrase, prononcée par le candidat François Hollande à propos de l’abaissement de la note de la France par l’agence Standard & Poor’s en janvier 2012, c’est-à-dire à la fin du quinquennat de Nicolas Sarkozy, se retourne aujourd’hui contre lui tel un boomerang. Car la même agence de notation a abaissé encore la note de la France, cette fois-ci sous le quinquennat de Hollande.

Sauf que maintenant, François Hollande Président ne voit pas dans la nouvelle dégradation de S&P la sanction d’une politique, en l’occurrence la sienne. Non, il continue comme si de rien n’était et mise toujours sur une inversion de la courbe du chômage avant la fin de l’année pour prouver le bien-fondé de sa stratégie économique – laquelle se caractérise par une augmentation massive des impôts, et ce dans le but de réduire le déficit public, en accord avec Bruxelles, à 3% du PIB en 2015.

À n’en pas douter, l’atténuation du chômage finira par avoir lieu un jour, ne serait-ce que du fait d’un éventuel regain d’activité dans l’économie mondiale, lequel aurait par ricochet des effets bénéfiques sur l’économie française. Mais même dans un tel cas de figure, la faible compétitivité de la France est de nature à restreindre le profit qu’elle pourra tirer d’une telle reprise.

Certes, Hollande a fait adopter des mesures visant à redresser la compétitivité de l’économie française. C’est son fameux « choc de compétitivité ». Mais ces mesures sont trop timides et insuffisantes de l’avis d’institutions aussi diverses que la Cour des Comptes, S&P, l’OCDE et la Commission Européenne.

Le fait est que la France ne pourra pas échapper à des réformes structurelles en profondeur : libéralisation du marché du travail, réduction des dépenses de l’État, rationalisation du système des retraites et diminution des charges plombant le coût du travail. D’autres gouvernements de gauche en Europe ont mené ce genre de réformes, sans doute avec difficulté, mais aussi avec un indéniable succès. C’est le cas notamment de la Suède ainsi que de l’Allemagne du chancelier Gerhard Schroeder.

Mais François Hollande n’est pas en mesure de s’embarquer dans cette voie – si tant est qu’il l’eût envisagé. Contesté aujourd’hui de toutes parts et affaibli par ses reculs à répétition, il n’a pas, ou n’a plus, le soutien populaire et la cohésion de sa majorité nécessaires pour faire face aux remous de tout ordre, corporatistes et autres, que de telles réformes ne manqueraient pas de provoquer.

La réduction du déficit public se trouve à son tour dans une impasse. François Hollande ne peut pas pousser plus loin l’augmentation des impôts, car cela finirait d’étouffer et les investissements et la consommation. Mais il n’osera pas non plus tailler véritablement dans les dépenses publiques (il accepte tout au plus de ralentir leur accroissement) car, il le craint ou le sait, sa base politique exploserait dans ce cas.

La « remise à plat » de la fiscalité, que vient d’annoncer le Premier Ministre pour 2014, a tout l’allure d’être une entreprise destinée à calmer le ras-le-bol fiscal ambiant. Elle ne pourra pas toutefois changer les contraintes mentionnées ci-dessus. Par ailleurs, le Premier Ministre lui-même a prévenu que la réévaluation fiscale qu’il a à l’esprit se ferait « à prélèvements obligatoires constants », autrement dit, sans modification du montant total des impôts.

Compte tenu de ces contraintes, la tentation est grande pour le Président de la République de laisser tomber l’objectif de réduire le déficit public – comme des membres de sa majorité et de la gauche en général proposent depuis un bon moment – et, en lieu et place, faire adopter un « plan de relance » basé sur l’augmentation des dépenses de l’État.

Le début de l’an prochain fournit l’occasion de prendre ce tournant. Hollande pourra alors prétendre que, l’inversion de la courbe du chômage n’ayant pas eu lieu, il reconnaît avoir sous-estimé l’impact de la crise et se doit de booster la demande pour réactiver l’économie.

Le tournant pourrait aussi intervenir plus tard, après la défaite cuisante annoncée pour le PS dans les élections européennes de mai prochain. Le Président pourrait alors prononcer un « Je vous ai compris » et se démarquer de Bruxelles en remettant en question l’objectif de réduction du déficit public fixé en accord avec la Commission européenne.

Il resterait à obtenir de Bruxelles un nouveau moratoire sur la réduction du déficit public de la France. Pour cela, Hollande pourrait arguer que la Commission ne peut pas refuser le moratoire demandé par la France tant qu’aucune mesure comminatoire n’est prise contre le maintien par l’Allemagne d’un excédent commercial dépassant le 6% du PIB – au-delà duquel Bruxelles est censé ouvrir une enquête approfondie.

Or, pour facile et attirante qu’elle soit sur le plan politique, une volte-face de cette nature est vouée à l’échec. Elle pousserait les marchés financiers à augmenter les taux d’intérêt sur les obligations d’État de la France. De sorte que, pour subvenir au renchérissement des emprunts d’État, le gouvernement serait obligé, soit d’augmenter encore les impôts, soit de réduire les dépenses publiques, ou les deux à la fois.

Autrement dit, Hollande se retrouverait dans une situation semblable à l’actuelle, mais en pire, car la France devrait alors payer des intérêts élevés, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

Pareille situation aurait au moins un effet pédagogique salutaire. Elle aiderait aussi bien la classe politique que l’électorat français à prendre conscience du caractère incontournable des réformes structurelles, celles-là mêmes que les partis politiques de gouvernement, de gauche comme de droite, n’ont pas eu jusqu’ici le courage de mettre en œuvre.

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  • Mais de quel « marché » parlez-vous ?

    Il est quand même stupéfiant de lire des phrases comme : « Elle pousserait les marchés financiers à augmenter les taux d’intérêt sur les obligations d’État de la France. »

    Suivez-vous l’actualité ?

    -La BCE a baissé ses taux (« surprise »).

    -Une campagne de presse discrète a débuté dans la foulée pour annoncer…. le QE européen.

    -Et parallèlement, le taux sur l’OAT 10 ans… est au plus bas.

    Bref, la BCE se met en ordre de bataille pour cela. C’est une évidence.

    Et le retour (officiel) de la « récession » lui donnera, ainsi qu’à tous les bruxellois et leurs complices, le prétexte parfait.

    Là où je vous suis c’est qu’en effet Hollande fera de la « relance » (puisqu’il ne sera absolument pas inquiété sur la dette, ni sur les déficits).

    Là aussi, il convient de remarquer que la Commission a… validé le budget délirant de Moscovici.

    Et qu’au printemps dernier, la même Commission avait donné un « délai » supplémentaire à la France pour réduire son déficit… Comme chaque année, depuis…. 15 ans.

    Bref, où est la dissension ? Où est l’opposition ? Où est le père Fouettard ? C’est du théâtre.

    Comme la FED (qui vient d’annoncer pour la énième fois la poursuite de sa politique accomodante après les délires propagandistes au sujet du « tappering »), la BCE ne peut que pomper.

    Et Hollande aussi.

    Personne ne peut s’arrêter de pédaler, sinon le vélo tombe.

    Tout ce que nous pouvons faire est d’accélérer le mouvement, de donner un coup de pouce à l’entropie, de les pousser à la faute (en réduisant le rendement de la rapine fiscale…. afin que l’Etat soit contraint de compenser par davantage de dettes).

    Il n’y a aucune incertitude quant à la fin du processus (ca se finira très mal)… la seule question est le calendrier.

    Voulez vous demeurer un serf pendant encore 30 ans ? Après l’avoir été depuis déjà 30 ans ?

    Ou voulez-vous accélerer la chute ?

    Cela relève du pari de Pascal pour le coup. Simple d’y répondre.

  • En réalité, nous avons déjà eu dans les faits l’autorisation de Bruxelles pour un plan de relance en ayant l’autorisation de repousser de 2 ans le retour à 3% de déficit. Comme nous devrions faire 4.1% en 2013 et 3.7% en 2014, cela correspond à une demande stimulée donc à un plan de relance à hauteur de 1.8% du PIB sur 2 ans soit un plan de relance de 36 milliards ! Probablement plus si nous avons un dérapage similaire en 2014 … Et encore, il est très peu probable que nous respections les 3% en 2015, ce qui équivaudra à prolonger encore un peu cette relance …

    Le fond du problème est que cette « relance » n’en est pas une. En effet, les modestes baisses de déficit se font principalement en augmentant les taxes et en tapant sur les mauvaises dépenses. Une analyse fine des « économies » dans les budget montre que les coûts de fonctionnement sont très peu impactés. Le gros des « économies » vient de transferts vers d’autres entités, de la réduction des investissements, de la recherche, des dépenses d’interventions et comble du comble par suppression de réduction d’impôts ou de charge … Bref, le régime fait surtout perdre de l’eau, du muscle et de l’os et très peu de mauvaise graisse …

  • Je pense que tout le monde se leurre sur le véritable objectif de la « remise à plat du système fiscal ». Il s’agit de trouver de nouvelles façons d’uagmenter encore les impôts, mais que cela se voie moins, c’est tout. Il manque déjà 11 milliards sur le budget 2013. Il faudra donc les trouver pour 2014 ou emprunter encore plus. Comme l’exécutif constate que l’impôt rentre moins bien, il veut l’augmenter. C’est cela la logique socialiste pour qui la courbe de Laffer n’est qu’une machination ultralibérale.

  • Je pense comme @Gerldam que c’est une tentative d’augmenter les impôts.
    Est-ce que ça va passer. Oui, sans doute , les gens sont trop timorés et apathiques.
    Dans le contexte actuel , dans tous les cas, ça va aller beaucoup moins bien avant que ça aille mieux.
    Conclusion: expatriation !!

  • Bien sûr que la manœuvre d’Ayrault est dans le but d’augmenter les impôts !
    Ce qu’il veut, c’est l’impôt à la source. Une fois que c’est installé, hop, on augmente les taux dès qu’on a une petite clientèle ( ou une grosse ) à satisfaire. Et ça se voit moins. Si les gens constatent une baisse de leur revenu, ils s’en prendront à leur employeur puisque c’est lui qui sera en première ligne, comme pour les prélèvements sociaux.
    Il faut empêcher ça par tous les moyens

  • Krugman, je te l’ordonne, sors de ce corps 🙂

  • « Pareille situation aurait au moins un effet pédagogique salutaire.  »
    Vieux motard que jamais.

    Ceci dit, l’ article a quelque chose de très pertinent dans son aspect prévisionnel. Vous avez juste oublié la petite phrase: » ce pays est foutu ».

  • BBB C’est la note de Hollande et son gouvernement pour « triple buse ».

  • Les commentaires sont fermés.

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