Une conséquence inattendue de la hausse du nombre de foyers imposables

La pression populaire pour une meilleure gestion de l’argent public pourrait monter.

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Une conséquence inattendue de la hausse du nombre de foyers imposables

Publié le 4 octobre 2013
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La pression populaire pour une meilleure gestion de l’argent public pourrait monter.

Par Emmanuel Martin.

Alors que le quotidien L’Opinion estimait il y a peu que 1,2 à 1,6 millions de foyers supplémentaires verraient désormais leurs revenus imposables, le ministère du budget a corrigé ce chiffre à la baisse, à 840 000. Quoiqu’il en soit depuis 2009, les rangs de ceux et celles qui paient l’impôt direct, le plus important, grossissent. S’il faut évidemment se poser des questions sur ces politiques d’austérité contre-productives que l’État met en place pour ses citoyens avant de se les appliquer à lui-même – ou si peu, cette augmentation du nombre de foyers imposables pourrait avoir une conséquence inattendue, paradoxalement des plus intéressantes.

La relation cruciale entre impôt direct et démocratie

Le contrat démocratique repose idéalement sur la relation impôt-représentation. Le fait de payer ses impôts de manière la plus directe possible donne au « citoyen » une incitation à contrôler l’action de l’État. L’impôt qui fait mal, celui qui n’est pas indirect, ni invisible, ni indolore, a une vertu citoyenne : il nous fait mieux prendre conscience que « l’argent de l’État », c’est avant tout le nôtre et que nous avons ainsi un intérêt à ce qu’il soit le mieux géré possible (ce qui, il faut en convenir, n’est pas exactement le cas aujourd’hui en France).

Lorsque plus de la moitié des foyers d’un pays ne paie pas l’impôt sur le revenu (et les autres prélèvements qui vont avec), comme cela a été longtemps le cas en France, cela signifie qu’une majorité de la population n’a pas à « souffrir » ce moment difficile que constitue l’envoi du chèque au percepteur. Même s’ils paient des impôts indirects, tous ces ménages peuvent avoir la sensation que, finalement, les dépenses publiques c’est un peu avec l’argent des autres. Ce qui constitue pour eux une incitation d’abord à ne pas se soucier de ce qui est fait de l’argent public : l’irresponsabilité du citoyen est posée. Pire, voilà aussi une incitation à demander davantage de redistribution d’argent public puisque « c’est les autres, les riches qui paient » : ce système consacre l’envie.

Maintenir la stabilité dans une démocratie qui pratique une large redistribution (près d’un tiers du PIB en France) couplée à une large dépense publique (57% du PIB) implique que la majorité n’ait pas intérêt à changer de système ; c’est-à-dire, en quelque sorte, à faire la révolution. Tout est donc fait pour cacher le vrai coût de la dépense publique à une majorité de Français. On conviendra qu’il est difficile de bâtir un « contrat social » sur l’irresponsabilité, l’envie et la dissimulation. Faut-il d’ailleurs s’étonner que la France soit une « société de défiance » ?

À quand la fin de l’illusionnisme ?

Alors qu’il y a peu ce gouvernement faisait de la transparence un nouveau cheval de bataille, il s’agirait sans doute d’entrer enfin dans le vif du sujet et d’en finir avec la dissimulation.

Au premier rang des techniques de dissimulation, on trouve bien sûr l’étalement dans le temps. L’endettement est une stratégie payante en termes électoraux. D’abord parce que « on paiera plus tard », ce qui rassure les électeurs actuels. Ensuite parce que les électeurs futurs qui auront à payer la facture ne sont pour beaucoup pas encore électeurs justement – ce qui simplifie énormément le problème des décideurs politiques d’aujourd’hui. Mais qui pose, ou plutôt qui devrait poser, un problème moral monstrueux : la pratique de la dette publique (en dehors du financement de projets spécifiques) est-elle antidémocratique puisqu’elle implique d’engager des citoyens futurs sans leur consentement ? La réponse est dans la question.

Ces techniques de dissimulation se retrouvent aussi à la pompe par exemple. Car quand le prix du carburant à la pompe est constitué par près de deux tiers de taxes, cela signifie que l’on s’approche d’une taxation à 200%… Les Français ont fait une révolution pour beaucoup moins que cela. Sauf que cela ne se voit pas sur le ticket de caisse puisque seule la TVA y apparaît (calculée d’ailleurs sur le prix incluant déjà les autres taxes !). Une saine mesure de transparence serait d’indiquer le prix « hors toutes taxes », le montant et la part des taxes totales. Voilà qui permettrait à l’État de mieux s’enquérir de sa mission d’« information des citoyens », à un coût nul.

Cela vaut aussi, en matière sociale, pour la fiche de paie. Des associations se battent pour le droit des salariés à connaître le vrai coût de leur travail pour l’entreprise. Syndicats et politiques s’entendent en effet depuis des années pour cacher ce vrai coût (au-delà d’un salaire 1,6 smic, près du double du salaire net) aux travailleurs : la fiche de paie est illisible, les salariés croyant bien souvent que leur salaire brut est ce que paie l’entreprise. Moyen pratique de dissimuler le coût de la Sécu, organisme géré par les syndicats, et d’empêcher les salariés de faire la comparaison avec de possibles solutions alternatives.

Jusqu’ici, en matière fiscale, les gouvernements successifs n’ont que trop suivi la maxime attribuée à Colbert : « l’art de l’imposition consiste à plumer l’oie pour obtenir le plus possible de plumes avec le moins possible de cris ». La grande dilution fiscale pour faire passer la pilule en somme. Mais Colbert, c’était la monarchie absolue. Aujourd’hui nous sommes, officiellement, en démocratie. Or, la démocratie c’est la responsabilité et la transparence.

La conséquence inattendue de la hausse du nombre de foyers imposés sur leur revenu est que la pression populaire pour une meilleure gestion de l’argent public va monter. Le balancier penchera alors plus facilement vers la demande de baisses d’impôt grâce à une baisse de la dépense publique (réelle, et non une baisse de la croissance de la dépense). Cette dernière ne peut s’obtenir que par de vraies réformes structurelles qui mettent l’État au service des citoyens – et plus l’inverse. Ce n’est pas là un discours poujadiste, c’est un discours de démocratie : de responsabilité et de transparence.

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  • Deux réformes amusantes :

    – verser le salaire complet mensuel aux salariés et leur demander de faire le chèque pour la SS chaque trimestre (le décalage de périodicité est important)

    – prélever la TVA directement sur les ménages, en même temps que l’IR (le calcul de la taxe est simple : 19,6% des revenus annuels déclarés par les ménages desquels on déduit l’épargne accumulée déclarée par les banques)

    Ainsi, les Français sauront avec précision qui est vraiment « riche » dans ce pays, ce fameux « riche » que les socialistes détestent.

    • @ cavaignac : figurez vous que les israeliens appliquent déjà la première option que vous proposez.

    • Cela ne changera rien. Des millions de français paient déjà des sommes considérables d’impôts et de taxes et apparemment sont parfaitement satisfait puisqu’on entend pas une seule protestation. Il y a même quelques imbécile qui vont jusqu’à dire qu’ils sont content de payer beaucoup d’impôts voir même qu’ils n’en paient pas assez…

  • Et que dire de cet impôt innomé qu’est la contribution au service public de l’électricité qui permet de financer des investissements peu ou pas productifs que sont les énergies renouvelables, cette contribution du fait des tarifs d’achats obligés des énergies renouvelables, très au dessus des prix de gros des marchés de l’électricité, permet aux exploitants de réaliser des chiffres d’affaires sans commune mesure avec la valeur réelle des productions et engendrent donc en conséquence des recettes fiscales pour les collectivités…
    Les prix de gros du MWh sont autour des 42 euros et le MWh éolien est « acheté » 85 euros environ, le MWh photovoltaïque lui est « acheté » dans les 300 euros en moyennne…
    Ce sont les consommateurs qui payent la différence entre le prix de gros et les tarifs « avantageux » d’achat de l’éolien et du photovoltaïque…
    Et dire que certains croient encore que c’est EDF qui paye pour la différence!

    Ca c’est de l’impôt bien ficelé!

  • Aux USA on déduit de son imposition .. les impôts que l’on verse à l’état, on paie soi même (ou pas) sa sécu et sa retraite, ainsi on sait ce que cela coûte et en + on a le choix des caisses.

  • Parfaitement d’accord.
    Il est certain que de savoir qu’un million de foyers entraient dans le club sélect, beaucoup trop sélect à mon goût, des imposables m’a fait plaisir.

    La seule manière pour que les vraies réductions de dépenses passent enfin dans l’opinion, c’est que les gens paient le vrai prix.

    L’idéal serait que l’on arrête immédiatement, voire progressivement mais assez rapidement quand même, de faire du déficit budgétaire et de répercuter le déficit en impôts pour tout le monde.

    Les gens comprendraient tout de suite le problème. On n’aurait pas à faire de la pédagogie, comme ils disent. On pourrait enfin tailler dans le vif avec l’approbation d’une grande majorité.

  • Détailler les taxes sur le ticket d’essence serait une bonne idée qui pourrait amener à certaines prises de consciences à plusieurs niveaux à condition que les gens les lisent. Que ce soit au niveau des parkings pour les tickets de stationnement, ou des supermarchés pour les tickets de caisse, le nombre que je trouve à traîner est considérable ; j’en connaît qui en sont littéralement jonchés. Dire par ailleurs que ce serait d’un « coût nul » : pour l’État peut-être ; je n’ai pas bien réfléchi à cet aspect ; mais pas pour le distributeur parce que cela suppose une taille de ticket plus grande même si comme c’est trop souvent le cas c’est fait comme aujourd’hui avec des polices illisible et les uns sur les autres en fouillis. Qui dit ticket plus grand dit plus de papier utilisé, plus d’encre aussi et donc plus de dépenses pour le distributeur. Ces produits étant eux-mêmes taxés cela ferait plus de recettes pour l’État 😉 Un centimètre de papier ça n’a l’air de rien mais bout à bout ça finit en tonnes (c’est l’histoire de ces pièces de un centime méprisées que les gens, quand ils les font tomber par une ou deux, ne daigne pas les ramasser et moi je passe derrière eux et je rempli une petite boite qui réjouit mon boulanger de temps en temps) et même centaines de tonnes. Détailler l’impôt indirect d’une manière générale montrerait aussi son caractère injuste et inégalitaire car contrairement à l’impôt direct sur le revenu il n’est pas proportionnel à la situation : le mendiant paie sur sa canette les mêmes impôts que le cadre supérieur, le chômeur au RSA le même pourcentage d’impôt que le PDG sur son litre d’essence. La masse ne diffère que par la capacité de consommation qui est proportionnelle au revenu, mais sur l’unité c’est inégalitaire. Démasquer cet aspect suppose une révolution des mentalités et une prise de conscience des réalités qui n’est pas le fort des citoyens actuels quant aux politiques, quelle que soit leurs tendances, la clef du succès réside dans cette formule : « ni vu, ni connu j’t’embrouille ». Bon we

  • « ce système consacre l’envie »: très juste, mais seulement l’envie de l’argent des autres, par de « leur » impôt, même si beaucoup prétendent qu’il voudraient bien avoir à payer des milles et des cents, eux aussi. Sauf que s’ils devaient le faire, ils seraient les premiers à s’en plaindre.

  • Très bon article et très bonnes suggestions pour exiger la sacro-sainte « transparence » que beaucoup clament avec véhémence les politiques, mais qu’ils refusent pourtant avec tant d’obstination, ainsi que les syndicats, les associations de détournement d’argent « public » et les fonctionnaires.

  • Bien entendu ! En fait, en démocratie, tout le monde devrait payer l’i^mpôt, simplement parce que ne doivent s’exprimer que ceux qui ont quelque chose à perdre, et non les sangsues …

    En France, 50 % des gens ne sont pas concernés, comment voulez vous avoir des votes sérieux. En Belgique, par contre, même avec une première tranche fort modeste, on peut dire que tout le monde paie sa part. C’est une question de citoyenneté et d’honneur.

    Et même si les syndicats veulent toujours qu’on rase gratis et perturbent un peu la réflexion de leurs affiliés, le belge se méfie d’instinct de toute dépense, en se demande ce que cela « va encore coûter ». Bref, personne n’attend, comme en France, le droit aux Petits Lu universel 🙂

    Cela indique une voie de gouvernance totalement différente, et bien entendu féconde.

  • Un régime politique (démocratie, tyrannie, monarchie…) n’a qu’un seul but : permettre de légitimé l’exercice du pouvoir par certain individus. Alors les soit disant « mission de l’état » ou autre « information du citoyen » ne sont que des artifices et autre colifichets jeté à la plèbe pour l’occuper…
    Tant que le citoyen moyen sera un gros con ignorant et stupide avalant bêtement les boniments gouvernementaux il ne se passera rien et nos tyranneaux de basse court pourront continuer à se chamailler tranquillement entre eux pour obtenir le pouvoir.

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