Retraites du public : cet énorme détail dont aucun politicien et aucun journaliste ne veut parler

Les retraites du public, c’est pas mal d’avantage sur l’âge de départ ou les modalités de calcul. Mais ça, c’est la partie émergée de l’iceberg.

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Retraites du public : cet énorme détail dont aucun politicien et aucun journaliste ne veut parler

Publié le 20 septembre 2013
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Ça y est, le débat sur les retraites est lancé : les journaux l’ont dit, le gouvernement l’a dit, les parlementaires le laissent entendre et tout le petit monde politique est semble-t-il tendu comme un seul homme vers un débat qu’on sait déjà homérique, fort d’empoignades grandioses et de décisions courageuses ! Hardi, députés ! Souquez ferme, sénateurs ! La retraite de nos générations futures en dépend…

Et côté scène, vous pouvez parier que le spectacle va donner. La situation, que voulez-vous, est grave, connue de tous et ne laisse guère la place à la rigolade : il n’y a plus un kopeck dans les caisses de l’État, ni dans les caisses de retraite à proprement parler ; augmenter les cotisations va faire sévèrement grogner des Français déjà lourdement mis à l’épreuve par la succession de « pauses » fiscales, de ponctions taxatoires heureusement « réservées aux riches », de diminutions d’impôts vers le haut, de croissance vers le bas et autre augmentation négative du pouvoir d’achat ; diminuer les pensions pourrait bien en faire sortir un paquet hors de leurs gonds, déjà bien dévissés ; éloigner l’âge de départ à la retraite provoque systématiquement des remous dans une population dont le but ultime, si l’on en croit les syndicats, est d’accéder le plus rapidement possible aux vacances perpétuelles. Et à tout ça, il faut ajouter une douloureuse réalité : 57% des Français ne croient plus à leur système de répartition. Bref : les débats parlementaires promettent des cris, des grincements de dents et de grands effets de manches.

Côté coulisses, en revanche, ce sera assez calme, comme à chaque fois. Et comme à chaque fois, la presse relaiera le côté scène, détaillera les petites et grandes différences entre les nombreux régimes que le pays au 300 fromages nourrit en son sein, fera des analyses plus ou moins pataudes de ce qui a été décidé et passera bien vite au sujet suivant. Et si un bijoutier se fait dessouder au passage, vous pouvez tout de suite être certains que toutes ces négociations et cette réforme passeront à la trappe.

C’est, on peut le dire, assez dommage. Cela l’est d’autant plus que, depuis que ces réformes et ces débats se succèdent à l’assemblée pour faire croire que nos députés et nos sénateurs se battent pour sauver l’usine à gaz, personne ne semble avoir évoqué un élément assez énorme et parfaitement scandaleux d’asymétrie, qui, s’il était connu de tous, révolterait cette partie des Français qui paye pour tous les autres.

la retraite

Et question asymétrie, la façon dont les retraites sont distribuées en France se pose un peu là. Bien sûr, tout le monde connaît déjà le différentiel inhérent entre les régimes spéciaux et les autres au niveau tant des âges de départ en retraite que des taux de retenue sur le salaire. Bien sûr, tout le monde sait aussi que pour les salariés du privé, le calcul des droits et des conditions de départ en retraite dépend maintenant des 25 meilleures années (contre 10 auparavant) là où le régime des fonctionnaire effectue le calcul sur les six derniers mois d’activité. Et bien sûr, depuis 2008, devant ces asymétries un peu trop flagrantes, des mesures furent prises pour faire converger les taux et les durées de cotisation des salariés du secteur privé avec ceux des fonctionnaires. L’atteinte de ces objectifs mettra encore plusieurs années alors même que les modes de calcul des retraites du public n’ont pas été touchés.

Or, pendant que l’attention était habilement focalisée sur les mesures prises faisant tendre les taux de cotisation des fonctionnaires de 7,85% vers les 10,55% des salariés du privé, on masquait au grand public une injustice beaucoup plus importante : l’écart entre les taux de cotisation des employeurs.

Et pour illustrer, parlons chiffres : pour le privé, le taux de cotisation employeur est actuellement de 15,70% (10% pour le régime de base de sécurité sociale plus 5,70% pour la tranche A ARRCO) auquel vient éventuellement s’ajouter une tranche B (de 13,30% pour les non-cadres et de 13.90% pour les cadres, éventuellement complétée par une tranche C de 20,30%).

En revanche, pour le public, le feu d’artifice commence maintenant. En effet, le taux de la contribution employeur à la charge de l’État prévue au 1° de l’article L.61 du code des pensions civiles et militaires de retraite pour les fonctionnaires de l’État, les magistrats et les militaires est fixé à 62,14% pour les personnels civils et à 108,63% pour les militaires (décret n° 2010-53 du 14 janvier 2010). Oui, vous avez bien lu : un peu plus de 62% et 108%. L’État sait être généreux avec ceux dont il dépend.

Mieux encore : ces taux ne font que progresser comme en témoignent les décrets concernant les années suivantes (décret n°2011-2037 du 29 décembre 2011 et décret n° 2012-1507 du 27 décembre 2012) : pour les personnels civils, on passe à 68,59% en 2012 puis 74,28% en 2013, ces taux étant de 121,55% en 2012 puis 126,07% en 2013 pour les personnels militaires. On aura d’ailleurs une pensée émue (mais pas trop) pour les fonctionnaires territoriaux et hospitaliers affiliés à la CNRACL dont le taux employeur est fixé à 27,3% depuis 2005. Mais bon : à plus de 27%, on est encore assez largement au-dessus du taux employeur pour les salariés du privé. Et rassurez-vous : il en va de même avec les régimes spéciaux, qui dépassent les 50% en 2012 (SNCF 63%, RATP 57%,…).

Pour ceux qui ne comprennent pas bien les implications de ces petits chiffres qui se bousculent ainsi en paragraphes un peu serrés, cela veut dire que lorsqu’un employeur privé lambda débourse un peu plus de 15% pour son salarié pour abonder à sa caisse de retraite, l’État se fend d’un montant proportionnellement entre 3 et 8 fois supérieur. Et le plus beau, c’est que l’État ne peut, par construction, trouver les ressources pour ce genre d’abondement qu’en la puisant dans les poches des producteurs de richesses du secteur marchand, ou, via l’emprunt, dans celles des générations futures qui en rigolent déjà d’avance, les petits futés.

retraites taux cotisation employeur état

Tous ces chiffres, qui m’ont fort gentiment été fournis par une aimable lectrice que je remercie au passage, sont retrouvables dans un rapport de l’Assemblée Nationale, très commodément non médiatisé, et qui paraît chaque année pour faire le point sur les pensions. On pourra le consulter ici.

Et le pompon, bien sûr, que les plus sagaces d’entre vous auront noté, c’est que ces taux … augmentent !

Great success !

Or donc, pendant que tout notre petit monde habituel va s’agiter en scène pour nous faire pleurer sur les ajustements qu’il faudra faire ici et là pour que le système ne s’effondre pas, en coulisse, personne ne touchera ni n’essayera même de commenter ces chiffres. Pourtant, si l’on réfléchit deux minutes, la vraie réforme des retraites, celle qui pourrait se parer d’équité, d’égalité, de fraternité et de solidarité intergénérationnelle et tout le tralala socialoïde habituel, cette vraie réforme devrait commencer par cela.

Entendez-vous la ferme dénonciation de la droite parlementaire à ce sujet ? Que nenni. Entendez-vous ceux qui se gargarisent d’égalité parler de ces taux, envisager de les réaligner ? Des nèfles, oui. Entendez-vous les syndicalistes se battre pour un retour à l’équité ? Tu parles, Charles ! Bon, ok, soit, les parlementaires, les experts et les syndicalistes qui doivent discuter des réformes sont très majoritairement issus de la fonction publique. Mais n’y voyez là aucun hasard : personne n’en parle, moyennant quoi le cotisant du privé, cochon de payeur, reste dans l’ignorance, et son régime de retraite, rikiki, lui impose de payer toujours d’avantage pour que le cotisant du public puisse conserver ces avantages méconnus. Si ça se savait, j’en connais qui risqueraient de trouver ça anormal et refuser de payer.

Avouez que ce serait dommage, non ?
—-
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  • ce sont ces taux parfaitement confiscatoires pour les contribuables du secteur privé qui permettent d’affirmer sans rire que le système de retraite du public est équilibré !!!!!!!

    • Cela veut surtout dire qu’ils ne cotisent pas à hauteur des avantages consentis !!! ou autrement dit, qu’ils vivent encore plus qu’on le pensait sur le dos du secteur privé ou encore que l’on comprend de plus en plus voire de mieux en mieux l’avalanche d’impôts qui tombe sur le secteur productif français.
      Et finalement, que les exploiteurs en France ne sont pas ceux que l’on montre du doigt au bon peuple !
      Le pourquoi du refus du salaire complet !!!
      Bien pratiques ces charges patronales auxquelles personnes ou presque ne comprend rien.

      • pourquoi voulez vous que phytoftora infestans  » cotise  » a quoi que ce soit ! il mange et protège ses enfants, un point, c’est tous !

  • Question de compréhension du tableau: que représente « les employeurs autres que l’état »? Les collectivités locales, par exemple, ou tout autre employeur, comme les employeurs du privé?
    Et ou trouve-t-on les taux de cotisation du privé?

    Merci de ces précisions.

    • Non, il s’agit ici uniquement des retraites de la fonction publique d’Etat, y compris les EPIC rattachés à l’Etat, l’INA par exemple (la distinction qui vous fait interrogation), pour une dépense publique d’environ 56 milliards, auxquels il convient d’ajouter plus de 6 milliards pour la SNCF, la RATP… soit un total de plus de 62 milliards.

      Rapportés aux quelques 2,6 millions de pensionnés concernés, on obtient une pension annuelle moyenne d’environ 24000 euros (2000 euros par mois). Un rapide et banal calcul montre que cette retraite moyenne correspond à une rente moyenne versée de plus d’un demi-million d’euros par pensionné (en euros fixes de 2012), compte tenu des moyennes de l’âge de départ à la retraite et de l’espérance de vie.

      Cool, non ? Surtout lorsqu’on compare cette pension moyenne aux 2100 euros du salaire moyen et aux 1700 euros du salaire médian des Français au travail… Un retraité moyen de la fonction publique d’Etat touche une pension supérieure au salaire de plus de 50% des Français au travail. Qui a dit : justice, équité, paix sociale ?

      Les retraites des deux autres fonctions publiques (collectivités territoriales et hôpitaux publics) sont comptabilisées ailleurs, en plus évidemment.

  • Les journalistes vont évidemment en conclure qu’il faut aligner les taux du privé sur ceux du public.

  • Au-delà du scandale insupportable des différentiels de taux de cotisation entre régimes publics et privés (sauf en ce qui concerne les militaires, puisque leur cas de fonctionnaires régaliens est spécifique), ces données nous montrent quels seront les taux de cotisation imposés aux entreprises dans quelques années, si la répartition forcée n’est pas abandonnée d’ici là. Nous savons en effet que le régime général tend inexorablement vers la situation que connaissent actuellement les régimes publics ou semi-publics, où le nombre de cotisants est d’ores et déjà inférieur au nombre de pensionnés.

    C’est tout simplement intenable. Les retraites par répartition forcée sont déjà condamnées, elles ont déjà fait faillite. Il ne reste plus qu’à en faire le constat économique et en tirer les conséquences politiques.

  • Hé Ben oui…comme la transparence, le cumul, et le reste. L’Ifrap à de très bon dossiers sur ce sujet. A priori les Français aiment ça, ils en demandent encore. Tant que ça dure, la cigale chante, et puis un jour viendra l’hivers….la nuit, le froid et des tentes sous les ponts. Oups, c’est déjà le cas…non, c’est bête ça ! On ne l’a pas vu venir.

  • De toute façon , dans un an ou deux, ça va exploser.
    Donc les calculs et les taux divers et variés.. ils vont se le mètre …. hmmm

  • Il est vrai que l’Australie et le Chili(Au moins pour le moment.Je ne sais pas si Mme Bachelet va conserver l’épargne retraite) ont déjà résolu le problème des retraites!La Suède et l’Italie aussi avec un système public à points dépendant de l’économie et de la démographie!Mais bon ce sont des pays « exotiques » …

  • Problème : il ne suffit pas d’en parler, voire même que cela se sache pour que ça change
    Nous pourrons continuer à nous égosiller et crier au scandale (et celui là est de taille fort mémorable), rien ne se passe et chacun continue sa route, l’un dans le confort ouaté de la fonction publique, l’autre dans le ballottage incessant des lois du marché et de la concurrence
    La question est alors : avons nous un moyen efficace de peser pour que s’arrête ce délire fiscal, cette ponction inique sur la création de valeur et de richesse ?
    A part la grève de l’impôt, je ne vois pas
    Problème n°1 : c’est totalement illégal et très sévèrement réprimé (tu m’étonnes…)
    Problème n°2 : il n’y pas de structure juridique permettant de contester impôts et autres prélèvements sociaux, avec constitution d’un groupe rassemblant plusieurs personnes ou entités morales; ne sont acceptés que les recours individuels (et pour cause…)
    Problème n°3 : aucun parti politique aujourd’hui n’aura les couilles de soutenir une telle initiative
    Donc, que faire ?

  • Il est coherent que les taux de cotisations soit superieurs puisqu’ils doivent financer des retraites superieures au prive.
    Dans un pays ou les retraites seraient totalement privatisees, cela serait equivalent a un avantage en nature si paye par l’entreprise ou , equivalent a un salaire plus important qui serait reinvestit par l’employe dans son assurance retraite.

    Seulement le hic en France c’est que l’entreprise c’est l’Etat, et que ces avantages sont dissimules aux « actionnaires » de l’entreprise, c’est a dire aux Francais (qui recoivent annuellement des dividendes negatifs avec leur feuille d’impot…).

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