Rentrée des classes et conditionnement social-démocrate

Des partis pris, des choix idéologiques : l’enseignement assuré par l’Éducation nationale n’est pas neutre. Regard et témoignage d’un jeune bachelier.

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Rentrée des classes et conditionnement social-démocrate

Publié le 7 septembre 2013
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Des partis pris, des choix idéologiques : l’enseignement assuré par l’Éducation nationale n’est pas neutre. Regard et témoignage d’un jeune bachelier.

Par Matthieu Le Cossec.

En ces jours de rentrée scolaire, l’envie me prend de vous conter une jolie fable…

Imaginez un pays où, plutôt que de permettre à un jeune individu de développer son sens critique, d’élargir sa vision des choses, en somme de lui donner la possibilité de se forger une opinion qui lui serait propre, l’école préférerait inculquer un enseignement dogmatique défendant une seule et unique idéologie.

Pire, imaginez un pays où les citoyens auraient l’impression de vivre dans une grande démocratie, tandis que leur vote ne serait que l’aboutissement d’un long processus de conditionnement.

Enfin, finissons par penser l’impensable, et concluons cette fable insensée en imaginant que ce peuple qui, disons le franchement, paraitrait ici clairement stupide, refuserait d’ouvrir les yeux sur une réalité pourtant criante.

Cela paraît évidemment aussi ubuesque qu’impensable. En effet, qui pourrait concevoir et accepter que sa pensée personnelle ne soit que le fruit d’un calcul politique ? Évidemment personne ! Fort heureusement un tel système ne pourrait être mis en place, et encore moins dans notre merveilleux pays, berceau de la démocratie et porte-drapeau de la liberté.

 

Qu’en est-il vraiment aujourd’hui en France ?

Le constat est assez simple, l’Instruction nationale rebaptisée Éducation nationale en 1932 relève aujourd’hui exclusivement de l’État français.

Certains s’exclameront qu’il est bien normal que chaque jeune ait le droit a une éducation de « qualité » et ils auront sans doute raison. Mais l’État ne se contente pas de financer l’éducation de notre jeunesse, il s’applique aussi à (dé)former les professeurs (tout en leur garantissant le statut confortable de fonctionnaire) et à créer les programmes scolaires.

Commençons par les professeurs

Il serait malhonnête de crier au complot marxiste en jurant que chaque enseignant est aujourd’hui encarté au PCF et milite pour la CGT.

Mais ce petit sondage (oui, je n’ai pas trouvé de résultats officiels et sans doute que Nicolas Dupont-Aignan criera à la manipulation, mais qu’importe) donne un tout petit ordre d’idée de l’orientation idéologique qui domine l’Éducation nationale.

Je poursuis avec un phénomène propre aux enseignements de SES.

En effet, à chaque rentrée, les professeurs respectifs présentent ce fabuleux magazine qu’est Alternatives Économiques en expliquant que l’abonnement vous permettra d’acquérir de solides connaissances et éventuellement de réussir votre année avec brio !

Pour l’avoir consulté régulièrement au CDI de mon lycée (il se trouvait sur un joli présentoir entre L’Humanité et Libération) je peux affirmer que ce mensuel alterne les articles marxistes et keynésiens prônant des thèses antimondialistes, antilibérales et interventionnistes. Ce journal, présenté par les professeurs comme la « référence en économie », est ainsi et de façon absolument incontestable, un journal partisan et militant. Il est par ailleurs amusant de noter que, selon Les Échos, 40 % des lecteurs d’Alternatives Économiques sont des professeurs et des lycéens. Pour conclure sur ce beau mensuel, nous pourrions citer le directeur de la rédaction Philippe Frémeaux : « Si un professeur procure au moins dix abonnés [au journal], il a droit lui-même à un abonnement gratuit. Au-delà, il reçoit d’autres cadeaux. »

Je ne m’étendrai pas sur mon expérience personnelle, mais lorsque l’on vient à peine d’entrer en classe de Seconde, il est toujours amusant d’être obligé de s’asseoir dans le hall de son lycée afin qu’un professeur nous explique pourquoi il est d’une importance capitale d’aller manifester contre la réforme des retraites de monsieur Nicolas Sarkozy. (réforme a laquelle j’étais par ailleurs opposé, mais c’est une autre histoire).

 

Les programmes et manuels de l’Éducation nationale

Débutons par les SES, largement tributaires de cette propagande d’État.

Encore une fois, balayons la thèse selon laquelle Marx et ses amis prennent une immense place dans les manuels d’économie ou de sociologie. C’est absolument faux, à vrai dire, mis à part la fameuse lutte des classes, le marxisme n’est absolument pas présenté (ce qui est d’ailleurs fort regrettable d’un point de vue culturel).

Le libéralisme, quant à lui est au mieux oublié, au pire caricaturé. On nous explique simplement que le libéralisme se résume à la loi du plus fort sans nous présenter véritablement un seul auteur. Certains diront que l’on présente le « père fondateur du libéralisme » en la présence d’Adam Smith, mais en réalité Smith est considéré par la majorité des libéraux comme un auteur mineur popularisant la valeur travail largement reprise par les thèses marxistes. Par ailleurs, Smith reste présenté très rapidement. Hayek est parfois abordé en classe de Terminale (présenté par l’antilibéral monsieur Keslassy) comme un libertarien adversaire de toute redistribution bien que ce dernier était favorable à la fameuse allocation universelle…

Ainsi, les manuels d’économie défendent une idéologie social-démocrate prônant un État fort et interventionniste. Les auteurs les plus présents sont ainsi les keynésiens Krugman et Stiglitz, mais aussi des français comme Jacques Généreux (militant Front de gauche et auteur du Programme de Jean-Luc Mélenchon), sans oublier les innombrables articles tirés directement d’Alternatives Économiques, ou simplement écrits par le rédacteur en chef Denis Clerc.

La partie sociologie est presque entièrement ponctuée de textes de Pierre Bourdieu, auteur antilibéral et engagé, pour qui « la société est habitée par un mal radical, la mondialisation néolibérale ». Aucune trace de sociologue défendant une thèse adverse comme l’a pu faire Raymond Boudon…

Quant aux programmes en eux-mêmes, l’idée est simple : on présente le marché en général, on nous explique qu’il est défaillant, et que donc l’État doit intervenir. CQFD, trois parties et 18/20 assuré !

D’autres chapitres remettent directement en cause la mondialisation « néo-libérale » en expliquant les vertus du protectionnisme (Cf. le sujet de bac de Pondichéry : « Dans quelle mesure le recours au protectionnisme est-il souhaitable ? »).

Le monde de l’entreprise est présenté de façon assez surprenante : en effet, loin de nous inculquer ce qu’est le fameux esprit d’entreprise, on préfère mettre en avant les faillites et autres plans de licenciements qui entraînent la misère sociale. On occulte aussi bien souvent que les entrepreneurs sont avant tout facteurs de richesses et d’emplois…

Enfin, les chapitres traitant de la finance mondiale vantent allègrement la fameuse taxe Tobin sur les transactions financières en nous présentant de magnifiques articles de l’association d’extrême gauche antimondialiste ATTAC.

Pourquoi ne pas faire un programme de SES divisé en trois parties où l’on apprendrait aussi bien les thèses social-démocrates actuelles que les thèses marxistes et libérales ?

Poursuivons avec l’Histoire-Géographie.

J’aimerais ici citer deux points du programme de Terminale ES.

Tout d’abord, en histoire, nous avons un chapitre traitant du socialisme en Allemagne. Il est assez étonnant de voir que la période s’étendant de 1933 à 1945 est occultée dans la mesure où le parti au pouvoir était le Parti National-Socialiste, et avait distribué de nombreux tracts qui s’intitulaient « Pourquoi nous sommes socialistes ?« . Il suffit par ailleurs de s’intéresser à l’économie allemande sur cette période pour constater que l’interventionnisme étatique a été appliqué comme le prescrit le dogme socialiste.

Le second point concerne le chapitre sur la mondialisation où l’on explique que ce phénomène crée avant tout des inégalités entre les pays, les territoires et les hommes. Une partie de ce chapitre s’intitule même « La mondialisation en débat » où l’on relève de nombreux textes et articles relatant les mêmes arguments que le Front national et autres Arnaud Montebourg…

Et enfin concluons avec la philosophie.

Il est difficile d’accuser cette matière, tant les professeurs sont libres de faire ce qu’ils souhaitent. Notons tout de même la faible part qu’occupent les auteurs libéraux, marxistes et anarchistes (aussi bien collectivistes que capitalistes) dans les « auteurs au programme ». Relevons aussi des sujets de bac invitant a défendre l’État : « Que devons-nous à l’État ? » ou « Serions-nous plus libres sans l’État ?« …

Mais l’État aurait-il intérêt à changer quoi que ce soit et à ouvrir l’esprit de ses futurs citoyens en leur présentant des thèses marxistes, libérales voire anarchistes ? Certaines de ces idées, si elles se diffusaient, feraient tomber bien des privilèges…

« Une éducation générale et étatisée n’est qu’un appareil à façonner les gens pour qu’ils soient exactement semblables entre eux ; et le moule utilisé est celui qui plaît aux pouvoirs prépondérants dans le gouvernement, que ce soit un monarque, un clergé, une aristocratie, ou la majorité de la génération en cours, et dans la mesure où l’appareil est efficace et où il est réussi, il établit un despotisme sur les esprits qui, par une pente naturelle, conduit à un despotisme sur les corps. » — Stuart Mill, De la liberté.

Sur le web.

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  • Bravo à vous pour cette belle analyse. Vous avez amplement mérité votre bac avec mention. « Alternatives économiques » présent sur tous les plateaux télés et entre autres, à mon grand regret, chez les « Experts » de BFM Business, répand ses idées néfastes et montre à quel point les Français sont nuls en économie, même si, grâce à vous et à votre esprit d’analyse, le niveau remonte un peu. Continuez, vous êtes l’avenir de notre (beau?) pays.

  • J’ajoute à ce bel article que le Mammouth a intégré dans les programmes de SVT le Dogme du Réchauffement Climatique Anthropique, selon lequel le méchant CO2 émis par les méchants industriels va provoquer dans les prochaines décennies une cataclysmique montée de la température moyenne globale, ce qui va entraîner des terrifiants événements extrêmes, l’engloutissement des îles basses, des centaines de millions de victimes, sans compter le réfugiés climatiques. Il est donc impératif de lutter en imposant la transition énergétique, quel qu’en soit le prix (on commence à le sentir passer dans nos factures EDF), en imposant l’isolation des tous les bâtiments, en pondant des règlements aussi contraignants qu’idiots et des taxes pour tout ce qui n’est pas écologiquement correct…

    Delirium carbonum et delirium ecologicum…

  • http://www.lemonde.fr/election-presidentielle-2012/article/2012/02/22/la-gauche-hegemonique-chez-les-enseignants-du-public_1646625_1471069.html
    Pour lire plus facilement les camemberts.
    Remarque sur le programme Hollande
    60.000 enseignants sur 5 ans pour un budget annuel de 500 millions = 694 € par mois et par enseignant LOL

    • remarque non pertinente.

      Loin de moi l’idée de défendre Hollande, mais le recrutement étalé sur 5 ans se fait à un rythme de 12.000 / an. Le budget prévu pour l’année 1 est donc 5 fois inférieur au budget prévu pour l’année 5.

      Du coup je suppose que les 500 millions représentent le coût qui se rajoute chaque année (donc le traitement de 12.000 nouveaux professeurs). Avec cette interprétation, chaque professeur couterait dans les 3000 euros par mois, ce qui est crédible.

  • Clarté et modération: bel esprit libéral qui souligne le désir d’être informer et non pas déformé.

  • Article nécessaire à tous les écoliers, collégiens et lycéens ! Merci à l’auteur!

  • Il y a un programme différent pour les lycées privés ? Première nouvelle !
    Pour avoir des amis inscrits dans les lycées privés, ne vous en faites surtout pas, la bien-pensance social-démocrate est toujours présente.

    • Il est bien rare de trouver un jeune libéral en classe de ES . Félicitations !

    • Oui, il existe des lycées entièrement privés, que j’ai toujours entendu appelés privés-hors contrat. J’y ai fait toute ma scolarité. J’ai noté par la suite qu’en fac, j’avais une indépendance d’esprit bien supérieure notamment en histoire et philosophie. J’ai passé mon bac en candidat libre, le dossier étant fait par l’école où j’étais.

  • Alter éco est nul, mais qu’y a-t-il d’autres? Je suis passionné d’économie, et j’ai arrêté l’Expansion, Challenges, je lis Capital surtout par habitude. Enjeux Les Echos n’est pas trop mal. Mais aucun de ces magazines ne proposent de réflexions sérieuses en économie. Vivement que Laissons Faire soit présent en Kiosque! http://www.institutcoppet.org/2013/08/18/laissons-faire-n-3-aout-2013/

  • Un commentaire de l’un de mes anciens profs d’histoire-géo (parmi de nombreux du même type de nombreux autres profs) : « mon seul souhait dans la vie est de ne pas mourir avant de voir la fin du système capitaliste ». Pas étonnant que les électeurs soient lobobotomisés…

  • Ne soyez pas si chochotte.
    Si vous trouvez que les lycées sont des nids de gauchistes, attendez de voir ce qu’il y a à la fac !

  • Tres bon article! Je forward à mes parents pour qu’ils le lisent à ma petite soeur qui rentre en Seconde SES (!!!) ces jours-ci !
    A quand le journal L’Opinion au CDI du Lycee hehe.
    Je vais demander à ma petite soeur de prendre des photos de la tete de gondole du CDI pour voir ce qu’ils propsent comme journaux.

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Les auteurs : Nathalie Sayac est Professeure des universités en didactique des mathématiques, directrice de l’Inspe de Normandie Rouen-Le Havre, Université de Rouen Normandie. Eric Mounier est Maitre de Conférences en didactique des mathématiques, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC).

 

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