Lorsqu’une cigale vous apostrophe, vous la fourmi bourgeoise, en vous opposant son droit à l’oisiveté, que pouvez-vous lui répondre ?
Très chère Eugénie,
Vous citâtes, dans l’une de vos brèves (« Travailler plus pour vivre plus », Causeur.fr, le 29 juillet 2013), un extrait de la deuxième épître aux Thessaloniciens dans lequel Paul de Tarse, son auteur présumé, exhorte son auditoire en ces termes : « si quelqu’un ne veut pas travailler, qu’il ne mange pas non plus. »
Sans épiloguer sur l’étude de l’Inserm qui motive votre intervention, je voudrais ici revenir sur votre interprétation de ladite citation – ou, du moins, de l’usage que l’on en fait couramment selon vous. Ainsi, nous dites-vous, cet avertissement paulinien aurait – je vous cite – « toujours servi de chantage à la société bourgeoise pour plier le prolo aux lois du tripalium » et vous y opposez Le Droit à la paresse de Paul Lafargue qui encourage le bon peuple à « ne travailler que trois heures par jour » et « à fainéanter et bombancer le reste de la journée et de la nuit. »
Nul ne songe, chère Eugénie, à remettre en cause ce droit que vous avez d’occuper vos journées comme bon vous semble. Surtout pas moi : je suis, je l’avoue volontiers, un fervent adepte de la procrastination et de la rêvasserie.
Mais notez bien ceci : j’évoque votre « droit de » – en l’espèce, votre droit d’être oisive – et pas un « droit à ». C’est tout à fait différent ; c’est tout ce qui sépare un véritable droit, une liberté de faire ce que votre cœur vous dit, d’un droit-créance (pour reprendre la terminologie de Raymond Aron) ; c’est-à-dire de l’idée selon laquelle la Société (et donc l’État) vous doit les moyens de fainéanter, de bombancer ou de vous faire les ongles.
Or, chère Eugénie, c’est précisément ce que Saint Paul nous raconte dans cette épître. Le même, deux lignes plus haut : « nous n’avons mangé gratuitement le pain de personne ; mais, dans le travail et dans la peine, nous avons été nuit et jour à l’œuvre, pour n’être à charge à aucun de vous. »
En d’autres termes, ce n’est pas parce que vous avez le droit de ne pas travailler que vous avez, pour autant, le droit à l’oisiveté dans la mesure où, comme j’imagine que vous ne vous êtes pas convertie à une vie d’ascétisme, vous vous apprêtez à taper sans contrepartie dans ce que les autres ont produit pour eux-mêmes. C’est comme dans la fameuse fable de Jean de La Fontaine : vous pouvez bien chanter tout l’été mais, lorsque la bise sera venue, il faudra prendre vos responsabilités.
Pour être encore plus clair : faites ce que bon vous semble mais pas aux dépens des autres.
Bien sûr, me direz-vous, ce « droit à » existe déjà – c’est une des dispositions de notre modèle social. Aussi, je vous invite à vous poser deux questions toutes simples : (i) qu’adviendrait-il, selon-vous, si nous suivions tous votre conseil ? Et (ii) quelle sorte de morale y a-t-il à « fainéanter et bombancer » en attendant que d’autres pourvoient à vos besoins ?
Bien à vous.
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Sur le web.
En fait les fourmis ne sont dejà plus là….reste donc un gros tas de cigales. On sait que la cigale qui a faim fait beaucoup de dégats !
Pour citer Deparieu: la liberté est un luxe que peut offrir la richesse. La liberté de ne rien faire, de se cultiver ou de vivre son métier avec passion. Je crois qu’il va falloir avoir la richesse en France pour faire revenir les fourmis et la liberté….c’est pas gagné.
Sur ce sujet, Ayn Rand a déjà tout dit, je la cite :
« Dans la mesure où les choses dont l’homme a besoin pour survivre doivent être produites, et où la nature ne garantit le succès d’aucune entreprise humaine, il n’y a pas et il ne peut pas y avoir de garantie d’une sécurité économique. L’employeur qui vous donne un emploi n’a aucune garantie que son entreprise va rester en activité, que ses clients vont continuer à acheter ses produits ou services. Les clients n’ont aucune garantie qu’ils auront toujours la capacité et l’envie d’échanger avec lui, aucune garantie de ce que leur besoins, choix et revenus seront dans le futur. Si vous vous retirez dans une ferme autonome, vous n’avez aucune garantie vous protégeant des conséquences d’une inondation ou d’un ouragan sur vos terres et vos cultures. Si vous laissez tout aux mains du gouvernement et lui donnez tout pouvoir pour planifier l’économie dans son ensemble, cela ne garantira aucunement votre sécurité économique, mais garantira l’abaissement de la nation entière à un niveau de pauvreté misérable – le résultat pratique que toutes les économies totalitaires, communistes ou fascistes, ont démontré.
Moralement, la promesse d’un impossible « droit » à la stabilité économique est une infâme tentative d’abrogation du concept de droits. Elle ne peut signifier et ne signifie qu’une seule chose : la promesse de réduire en esclavage tous les hommes qui produisent au bénéfice de ceux qui ne travaillent pas. « Si certains hommes ont le droit de bénéficier des fruits du travail des autres, cela signifie que ces autres sont privés de droits et condamnés à travailler en esclaves. » Il ne peut y avoir de droit de réduire en esclavage, i.e. de droit de détruire les droits. »
Ayn Rand, « The Ayn Rand Letter » ; *Ayn Rand, « Capitalism: The Unknown Ideal ».
« la promesse de réduire en esclavage tous les hommes qui produisent au bénéfice de ceux qui ne travaillent pas. « Si certains hommes ont le droit de bénéficier des fruits du travail des autres, cela signifie que ces autres sont privés de droits et condamnés à travailler en esclaves. » Il ne peut y avoir de droit de réduire en esclavage, i.e. de droit de détruire les droits. » »
Encore faudrait-il ne pas confondre travail et emploi, et ne pas oublier tous ces travaux qui permettent aux employés d’exercer leur emploi mais dont on ne parle pas et qui ne sont pas rémunérés. Tout cet environnement propice créé par tout un chacun.
À moins d’être un ermite dont personne n’a jamais entendu parler, tout être humain travaille pour lui et dans le même temps pour les autres, quelques soient ses activités (hors vol, bien entendu). Alors, qui sont les esclaves ? 😉
Excepté dans une économie de subsistance, une économie de pauvreté absolue et de survie, le travail n’a de sens que s’il est effectué au service des autres. Que celui qui travaille en profite également n’est qu’une conséquence de l’échange volontaire, unique source de création de richesses. A ce titre, travailler, créer des richesses, est la véritable solidarité. La solidarité socialiste fondée sur le pillage et l’esclavagisme est un mensonge. La paresse rend certains libres si et seulement d’autres sont réduits en esclavage.
Qui sont les esclavagistes ? Les voleurs légaux, c’est-à-dire les divers parasites institutionnalisés de la société, adeptes de l’échange contraint, hérauts de la fausse solidarité, trafiquants d’idéologies et de peurs.
Que savez vous des modes de production « primitifs » ? Pauvreté absolue, qu’est ce que ça veut dire ? Survie conditionnée par une pénurie chronique de ressources ? Fadaises.
Vous partagez avec les marxistes orthodoxes (oxymore ?) une détestable manie : réécrire l’histoire (et la préhistoire, en l’occurrence) en fonction de votre idéologie, sans vous rendre compte une seule seconde que cette dernière est une construction historique et datée et qu’elle est donc inopérante à la description et à la compréhension de sociétés ne connaissant absolument pas les notions même de travail, de « création de richesses » et d’échanges marchands (de commerce).
Oui enfin bon concrètement, il y a 200 ans, une rage de dents et c’était une chance sur deux d’en mourir. Les modes de productions primitifs, c’est sympa, mais risqué.
@ Damien Vasse :
comrpends votre phrase : » il ne faut pas confondre emploi et travail » ??
De quel autre environnement propice que l’interaction des agents économiques parlez vous ?
A moins d’être un robinson ou de ne pas vouloir inter-agir avec les autres dans la spécialisation du travail (ce qu’il est tjrs possible de faire, mais avec un niveau de vie misérable), la vie en société est basée sur la spécialisation du travail qui permet d’enrichir tout le monde par l’échange volontaire, il n’y a pas d’esclave ??
Il n’y a pas de liberté si celui qui la revendique n’est pas disposé à en assumer les conséquences.
Grâce à Eugénie, qui prétend que les bourgeois veulent imposer les lois du tripalium aux prolétaires, quoi que cela puisse vouloir signifier, on apprend que l’URSS était un modèle de société bourgeoise. En effet, la constitution soviétique de 1936 est claire à ce sujet : « Qui ne travaille pas, ne mange pas ». Pour l’édification des masses, voir également la liste des « droits à » du chapitre X de cette constitution.
Fichtre ! Mais quelle est cette odeur de plomb fondu dans les rouages intellectuels des cigales socialistes ?
Oh ! Merci !
Mais de rien. C’est toujours un grand plaisir de vous lire.
et bien voilà un des problèmes fondamental de notre société,et quoique étant une démocratie,l’état n’a pas consulté ceux qui bossent pour savoir s’ils étaient d’accord pour faire vivre les autres !!!!
quel animal ne fournit aucun effort pour survivre ????
Dès lors que l’éducation nationale ne veut pas préparer au monde du travail, y a du souci à ce faire.
Les études de lettres, histoire de l’art et autres quêtes contemplatives diplômeuses font les beaux jours des futures cigales.
Jean de la Fontaine, ancêtre de Ayn RAND ? » Je jure de ne
jamais vivre pour les autres, ni demander aux autres de vivre pour moi ».