Avec la révolution égyptienne, ce n’est pas l’application de l’idéal démocratique qui échoue, c’est cet idéal lui-même.
Par l’auteur du blog Bobo libéral.
Le coup d’État en Égypte serait la preuve patente que l’idéal démocratique n’a pas su se transcrire concrètement dans le sillage du Printemps arabe. La route serait encore longue avant que les démocraties s’imposent dans les 19 pays arabes.
Cette interprétation des faits est la thèse officielle qui est véhiculée par les médias mainstream ; c’est celle qui est politiquement correcte. En fait nous n’avons pas assisté à un échec de l’application de cet idéal, mais à l’échec, tout court, de cet idéal : à l’impossibilité de sa réalisation dans le monde réel.
La démocratie, et son enfant, la social-démocratie, n’est pas un système d’organisation vivable de la société.
Au début du printemps arabe, il y a deux ans à peine, les question économiques, les motivations matérielles, les vraies raisons qui ont poussé les gens à se révolter, n’ont jamais été analysées sérieusement ou très rarement. Au mieux on en a mentionné les conséquences, de façon presque anecdotique, évoquant brièvement l’inflation galopante, les pénuries chroniques, la corruption endémique ou les entraves illégitimes au travail, sans jamais toutefois en expliquer la cause profonde.
C’est qu’il fallait faire coller cette actualité brûlante à l’idéologie dominante, qui est considérée comme notre seul horizon, celle de la social-démocratie : ces peuples se sont soulevés en masse parce que leur souveraineté était bafouée par d’infâmes dictatures et que cette carence démocratique, insupportable et anachronique, devait être comblée, sans quoi aucune amélioration de leur condition de vie n’était envisageable.
« Désormais personne ne peut douter que ce que veut le peuple Arabe, est un gouvernement constitutionnel élu » a déclaré Paul Salem du Beirut’s Carnegie Centre, un think-tank du moyen-orient.
Et on peut supposer que cette affirmation est proche de la vérité : beaucoup de ceux qui ont protesté, et avec courage, comme ces Égyptiens place Tahrir, ont eu des revendications démocratiques, espérant que leurs réalisations mettraient un terme aux maux endémiques qui rongeaient leur pays.
Mais parfois le diagnostic peut être faux. On croit soigner le mal avec le mauvais remède, et parfois même on l’aggrave.
Ce qui a provoqué véritablement les révolutions arabes, et en particulier celle égyptienne, n’est pas un manque de démocratie, mais des politiques économiques clairement d’inspiration socialiste qui ont mené tous ces pays à la ruine. Ce à quoi nous assistons est l’équivalent d’une réédition de la chute du mur de Berlin ; d’une nouvelle faillite du socialisme.
Ce que l’on sait peu, est que tous ces pays, l’Égypte en tête sous l’égide de Nasser, ont été dans les années 50 et 60 marqués par le socialisme arabe, idéologie qui s’est concrétisée, sans surprise, par des nationalisations nombreuses (banques et entreprises), des participations importantes et forcées de l’État dans le capital des entreprises, des réformes agraires, un contrôle des prix, des changes et de la circulation des capitaux, avec la promesse d’une santé et d’une éducation gratuite et de l’abolition de la pauvreté. À l’image de ce qui se pratiquait dans nos sociales-démocraties d’Europe de l’Ouest, où l’État a pris une part de plus en plus importante dans l’économie, la saveur orientale en moins. Par contre, ce qui en effet distinguait ces pays de ceux occidentaux était une faible alternance au sommet du pouvoir, une justice partiale et une liberté d’expression quasi-inexistante.
C’est cela qui choqué nos belles âmes occidentales, non pas les nationalisations, ni le contrôle des prix et encore moins la redistribution, mais que ces politiques ne se fassent pas dans un cadre démocratique, dans le respect de la souveraineté populaire, comme en Europe de l’Ouest.
On nous a aussi fait croire que ces pays furent les victimes, dans les années 90, de cette tempête « ultra » et « néo-libérale » qui a secoué nos paisibles nations. Il y eut certes des levées de restrictions, sur les prix et les mouvements des capitaux et quelques privatisations, mais on compte tout de même au début des années 2000 le double de gens qui travaillent pour l’État que dans les pays occidentaux – ainsi que le double de chômage – et des subventions massives pour l’accès à la nourriture et à l’essence. Le cÅ“ur, l’âme de la structure économique restait socialiste (comme sous nos latitudes). Ce qui se traduit concrètement par des monopoles qui ne profitent qu’à une élite aux détriments du plus grand nombre, dont on essaye de calmer les appétits révolutionnaires par des politiques de redistributions aussi coûteuses qu’inefficaces.
Mais il suffit d’une tension dans le monde, une crise financière aux dimensions apocalyptiques  que l’on tente de juguler à tort avec une émission massive de crédits bon marché, provoquant une envolée des matières premières – les céréales entre autres dont l’Égypte est grande importatrice – pour que cet équilibre, instable par nature, rompe brutalement et que les gens aillent dans la rue. À cela ajoutez la frustration légitime d’être exclu d’une élite, qui, par des prérogatives qu’elle s’octroie de force, profite à elle seule du peu de croissance économique, et les ingrédients sont réunis pour une révolution. En 2008, Moubarak fut chassé, maintenant c’est au tour de Morsi deux ans plus tard pour des raisons quasi-identiques, le rigorisme islamique en plus.
Le problème est que la racine du mal, le socialisme, ne fut point arrachée lors de la première révolution. Au contraire si on se réfère à  la nouvelle constitution établie par l’ex-nouveau pouvoir, celle-ci en était imprégnée, et à double dose, sans émouvoir personne. Par contre, comme toujours, ce qui fit scandale fut l’application de la Sharia, vécue comme  une atteinte aux principe démocratiques.
Il n’était alors pas question de mettre un terme au pillage étatique ; avec un tel programme les injustices et les privilèges persisteraient et la pauvreté ne cesserait pas. Le pouvoir, et les privilèges qui lui sont associés ne feraient que changer de main ; il y aurait toujours ceux qui en bénéficieraient et ceux qui en paieraient le prix.
Et on ne peut éviter cela – l’oppression des uns sur les autres – en prétendant donner le pouvoir au peuple, en reprenant Mélenchon. Ce concept est en soi une contradiction dans ses propres termes. Le peuple ne peut pas se soumettre à lui-même. L’exercice du pouvoir, implicitement, nécessite la présence d’un exploiteur (celui qui détient le pouvoir) et un exploité (celui qui subit le pouvoir).  Si l’on ne remet pas en cause l’existence même de ce pouvoir lors d’une révolution, on assiste le plus souvent à une simple inversion des rôles. L’exploité se révolte et prend la place de l’exploiteur qui devient à son tour exploité. Et rien ne change, les privilèges eux restent intacts.
Et cela ne modifie en rien la donne, si l’on exige une plus juste répartition des charges, une démocratisation des injustices en sorte. Ce serait aussi ridicule que de résoudre l’agression de A qui frappe deux fois B, en demandant A de ne frapper B qu’une fois, et à B désormais, par souci d’équité, de frapper une fois A. L’agression et son caractère ontologiquement néfaste persiste.
De plus dans cette valse des dirigeants auxquels on assiste en Égypte, certains acteurs voient leurs positions inchangées, quasi immuables, permanentes, au nez et à la barbe de tous, comme les spectateurs privilégiés de cet arène où s’affronte les différents partis pour le pouvoir. Et cette élite se contente de faire sauter des fusibles, les présidents dans ce cas précis, à l’image des empereurs romains qui étaient régulièrement destitués, pour faire diversion et apaiser le  peuple déchaîné. À l’époque romaine c’était les légions qui tiraient les ficelles ; dans l’Égypte d’aujourd’hui c’est l’armée. Et celle-ci justement ne tient pas à céder un pouce de ses privilèges qu’elle s’est constituée.
Elle ne se contente pas de jouer uniquement un rôle militaire, elle est pleinement impliquée dans l’économie, en vendant des produits de consommations (huiles d’olive, pâtes, poissons, poulets, sucre, casseroles, poêles et même des télés LCD !), en détenant des entreprises avec des monopoles et en ayant une position dominante dans le marché immobilier. Et cela dans une ambiance d’opacité généralisée, de corruption endémique, où l’on imagine bien le tact qu’il faut déployer pour traiter avec cette entité martiale susceptible et jalouse de ses prérogatives. Elle est au cÅ“ur de la politique socialiste du pays qui ronge le pays.
Et le pire est que cette armée jouit d’une grande popularité au sein de la population.
Si vous voyez une ressemblance avec notre énarchie, dont les membres restent aux manettes de notre pays, en collusion directe avec les même familles héritières et fortunées de notre pays, quelle que soit la majorité, ne soyez pas surpris, ce n’est pas une coïncidence.
Des gens qui manifestent pour prendre la place de ceux qui les oppressent, tout en renforçant les privilèges qui causent le mal de leur pays et en adulant ceux qui les exploitent. On ne peut être que saisit de vertige.
Et c’est dans ce contexte que l’on comprend aisément, le rôle que joue l’idéologie dans une révolution. L’idéologie, aujourd’hui, celle de la démocratie, en rien ne met un terme aux injustices qui ont motivé les Égyptiens à  manifester si massivement. Au contraire, elle ne fait que les aggraver. La démocratie détourne l’attention des gens des vrais problèmes les leurrant dans l’illusion de l’alternance et d’une meilleure représentation de la volonté du peuple (un concept vain issu de la mystique de notre temps), et elle encourage par le biais de la distribution, à vivre aux dépens des autres, en renforçant les politiques socialistes, immanquablement destructrices.
Rien à voir avec ce que l’on voit en Égypte. Aucun parti  n’est adepte du laissez-faire, et la nouvelle constitution le prouve clairement : planification de l’économie, protectionnisme, nationalisation des ressources naturelles, droit à l’éducation, système de retraite par répartition obligatoire, partage des profits etc. Le bon vieux socialisme de grand-mère à la mode Sharia. Un remake du socialisme arabe, du socialisme slave, du socialisme sud-américain, du socialisme oriental et du socialisme occidental.
Et on se désespère du chaos qui sévit en Égypte. On peste, intérieurement, contre ce monde arabe qui ne veux pas comprendre ce qu’il aurait à gagner en embrassant le rêve démocrate. On ne comprend pas pourquoi il ne suit pas cette route tracée par nos illustre ancêtres. C’est que nous, nous pouvons nous payer cette frivolité, en retardant l’échéance par de l’endettement massif.
Alors que l’Égypte, aujourd’hui en paie le prix tout de suite, sans délai, et nous démontre l’inanité de cette voie.
J’avais quelque peu modifié ma version tout de suite après l’avoir publié . La conclusion fut remaniée et deux, trois fautes furent corrigés.
A partir du moment où on confond gouvernement élu et démocratie on peut dire tout et n’importe quoi.
« A partir du moment où on confond gouvernement élu et démocratie on peut dire tout et n’importe quoi. »
I DO AGREE
Exactement
Démocratie: Régime politique au sein duquel la constitution n’est modifiable que par référendum, lequel peut être initié par pétition populaire.
Les problèmes d’Égypte sont en fait assez simple :
– pas assez de place
– démographie délirante
– économie exsangue
– 80% des biens importés
– fertilité des terres bordant le nil en chute libre depuis des années.
 »
– économie exsangue
 »
Surtout ça.
On ne voit vraiment pas ce qui pourait marcher en Egypte. Même le libéralisme n’y fonctionnerait pas car il suppose un bon niveau d’éducation et de liberté de pensée, totalement contraire à l’islam. Seule une tyrannie éclairée qui désocialiserait peu à peu le régime tout en imposant des limites aux naissances aurait une chance, mince, de redresser le pays. Comme c’est peu probable, le pire est encore sans doute à venir.
Connaissant plutôt bien l’Egypte, je suis d’accord avec une option de type « tyrannie éclairée », de type kemaliste ou bourguibiste.
Compte tenu de l’histoire Nasserienne relativement récente, seul(s) un ou des militaires pourraient faire passer ce type de pilule.
L’identification entre la démocratie et la social-démocratie est une thèse pour le moins osée alors que la social-démocratie, déclinaison du même socialisme à l’origine du fascisme ou du communisme, est l’antithèse de la démocratie.
Ce n’est pas parce que de nombreuses démocraties actuelles ont dérivé vers la social-démocratie, matérialisant les craintes de Tocqueville ou de Hayek, que le phénomène serait inéluctable. Peu importe les régimes et leurs institutions ! Dès lors qu’elles sont immorales, les institutions sont condamnées à s’effondrer sous le poids de leurs contradictions, par l’effet de leur inhumanité intrinsèque, que ce soit en Egypte, en Chine, aux USA, en France… Les institutions durables sont nécessairement soumises à la morale, démocratiques et libérales en dernière analyse.
Remarque pertinente, qui m’a fait longtemps hésiter sur l’emploi des mots. Je suis moi même victime d’un glissement sémantique, en usant de façon indistincte démocratie et social-démocratie.
Mais du moment où le suffrage universel s’est généralisé dans les pays occidentaux, il y a eu de façon systématique dans tous ces pays une expansion considérable des dépenses publiques , un contrôle accru de l’Etat, une inflation monétaire et une augmentation vertigineuse des impôts.
Le suffrage universel encourage les politiques à user de la redistribution, sous toutes ses formes, pour acheter le vote de la masse.
Démocratie: Régime politique au sein duquel la constitution n’est modifiable que par référendum, lequel peut être initié par pétition populaire.
« Le suffrage universel encourage les politiques à user de la redistribution, sous toutes ses formes, pour acheter le vote de la masse » : c’est possible lorsque les institutions ne sont pas véritablement démocratiques, donc libérales, mais socialistes.
La France est socialiste au moins depuis la constitution de 1946 dont le texte contredit point à point la Déclaration des droits de 1789, dès le deuxième paragraphe du préambule, avec le fameux « Il proclame, en outre ». L’expression « en outre » implique ni plus ni moins la perversion du texte originel qui se suffisait à lui-même, quelles que soient les circonstances. Et ne parlons pas de l’arbitraire légalisé de la constitution de 58 dont le principe de précaution ajouté récemment est la caricature ultime.
Depuis au moins 46, la France social-démocrate fait semblant d’être une démocratie. Sûre du fait accompli et de son pouvoir exorbitant, prête à tout sacrifier, à tout détruire pour conserver ses rentes à vie, imitant ainsi la noblesse d’ancien régime, la caste ne cherche même plus à faire semblant depuis les années 80, en organisant la comédie des élections bidonnées et des alternances factices.