Le FMI n’a pas à nous dicter notre conduite

Après la Commission Européenne, c’est au tour du FMI de formuler des recommandations à la France. Qui ne s’en laissera évidemment pas compter.

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Le FMI n’a pas à nous dicter notre conduite

Publié le 5 juin 2013
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Après la Commission européenne, c’est au tour du FMI de formuler des recommandations à la France. Qui ne s’en laissera évidemment pas compter.

Par Baptiste Créteur.

Je ne suis pas un grand admirateur des économistes du FMI qui, quand ils avouent s’être trompés, n’en corrigent pas pour autant leurs erreurs. Mais force est de constater qu’ils ont parfois des raisonnements de bon sens.

Ainsi, ils jugent la pression fiscale en France trop élevée, ce qui impacte négativement la compétitivité et la croissance de notre beau pays décidément malaimé. Malaimé de la croissance, qui ne se montrera pas plus en 2013 que le soleil en mai : une récession de -0,2% si on considère que la dépense publique – 56% du PIB, une broutille – ne détruit pas de valeur. Et c’est une hypothèse forte.

Le FMI souligne le déficit de compétitivité coût et hors coût de la France. Comprenez : nous ne sommes pas seulement plus chers pour la même chose, mais incapables de proposer pour compenser des services aussi bons que ceux des voisins. La France n’innove plus, n’offre plus de services performants ni de biens de qualité – exceptions mises à part. L’exception française, aujourd’hui, ce sont les entreprises qui marchent et les individus qui prospèrent.

Deux problèmes structurels pèsent sur la compétitivité des entreprises françaises, rappelle le FMI : une «croissance des salaires réels» soutenue alors que les gains de productivité sont en baisse, et «l’augmentation de la charge fiscale» sur les entreprises.

La lutte finale a un peu d’avance. Dans d’autres pays, chefs d’entreprise et salariés sont capables de travailler en bonne intelligence et de comprendre que leurs intérêts convergent vers le succès des entreprises ; les salariés acceptent des baisses de salaires quand la situation est mauvaise, reçoivent des primes quand la situation est bonne.

En France, les chefs d’entreprise ne peuvent pas réduire les salaires lorsque la situation est mauvaise et ont rarement l’occasion de verser des primes – à l’inverse des ministres. On me dira que ce n’est pas le sujet, mais ce serait oublier que l’emploi ne progresse en France que dans le secteur non marchand.

La croyance dans une productivité incroyablement élevée des Français, plus productifs qu’ailleurs et pouvant dès lors se permettre le luxe de ne travailler que 35h par semaine (et ne pas en avoir réellement le choix) ne disparaîtra que quand les Français seront officiellement moins productifs que les autres.

On pourra alors discourir longtemps sur la futilité d’une vie centrée sur le travail et l’ignoble impératif de productivité qui vise à exploiter le travailleur aussi indignement que possible ; on pourra également consoler les Français en condamnant leurs aspirations matérialistes à un logement décent, une alimentation de qualité, des produits high-tech et des vacances à l’étranger. Mais rien ne dit qu’ils s’en contenteront. Ils pourront alors se rassurer ; la situation aurait pu être bien pire si le gouvernement avait pratiqué l’austérité.

Tout en saluant les efforts d’assainissement budgétaire de la France – qui évite les excès de l’austérité, et promet de se concentrer sur les dépenses, le FMI dénonce les abus de la fiscalité française sur les entreprises et les ménages. «L’utilisation répétée de mesures fiscales pour remplir les objectifs budgétaires n’a pas seulement augmenté la pression fiscale jusqu’à un niveau excessif mais aussi entamé la confiance des entreprises et des ménages», indique le FMI. Le Fonds critique aussi l’instabilité fiscale française. «Une plus grande prévisibilité fiscale pourrait lever l’incertitude qui pèse négativement sur les décisions de dépenses et entreprises et des ménages», insiste-t-il.

Les Français pourront donc remercier leurs ministres responsables qui auront, pleins de courage et de détermination, consciencieusement évité de réduire la dépense. Qui auront également détruit toute velléité de produire et de s’enrichir à force d’inventer de nouvelles taxes, mais c’est un détail.

Le FMI ne manque pas de saluer les incroyables efforts en matière de réformes structurelles, qu’il est apparemment le seul à percevoir :

Le FMI salue toutefois les réformes structurelles engagées depuis six mois par le gouvernement. Et appelle la France à les poursuivre. «Les autorités ont fait des progrès significatifs sur le front des réformes structurelles», se félicite le FMI, beaucoup plus optimiste que Bruxelles sur ce front.

Le FMI salue la réforme sur le marché du travail (ANI), le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), qui apporte «une bouffée d’air aux entreprises», et se félicite, par avance, des nouvelles réformes annoncées sur les retraites et les allocations chômage.

Se féliciter par avance, quelle chance. Dans quelques années, quand les réformes structurelles, que dis-je, le séisme de transformation qui embrase actuellement le pays auront porté leurs fruits, les experts du FMI pourront se féliciter réellement. Sauf si le poids de la dette et l’immobilité ont définitivement raison de la croissance française, évidemment. Mais il faudrait vraiment être pessimiste pour penser que les lois de l’économie et la nature humaine ne vont pas changer en quelques années, pas vrai ?

Hollande à la Commission Européenne : « vous n’avez rien à nous dicter ».

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  • « La France n’innove plus, n’offre plus de services performants ni de biens de qualité  »

    Je ne suis pas tout à fait d’accord sur ce point Mr Creteur. Les créatifs ne manquent pas, ils sont juste découragés.

    Il y a des PME à la solde de gros groupes (CAC40) qui pourraient être très rentables si elles n’étaient pas sclérosées par des directives, des managers (pardons, administrateurs) ubuesques.

    « Croissance des salaires réels ». J’aimerais bien savoir sur quelle tranche de salaire ceci est basé.

    si ce message s’adressait plutôt aux syndicats, en une tournure politiquement correcte ? On a cette image (juste) à l’étranger, de faire grève et de tout exiger malgré la perdition. Le FMI nous avertit peut être ?

    • « Les créatifs ne manquent pas, ils sont juste découragés. » C’est bien là qu’est le problème ; les Français ne sont pas incapables d’innover, mais ils le font peu. Moins qu’ailleurs.

      La croissance des salaires réels est sans doute simplement la conséquence de l’évolution de l’emploi : de plus en plus d’emplois dans le public par rapport au privé, et des salaires dans le public plus élevés.
      http://www.contrepoints.org/2012/09/06/7697-salaires-des-fonctionnaires-prive-avantages
      On peut sans doute étendre ce raisonnement à la productivité.

      Le FMI nous avertit, et il n’est pas le seul ; c’était la semaine dernière la Commission Européenne qui nous avertissait, provoquant l’ire des hommes politiques français à qui personne n’a apparemment rien à apprendre, même si le bilan de leur action sur les dernières décennies est tout sauf reluisant.
      La France est de moins en moins compétitive, de moins en moins attractive, et les idées qui y ont cours (et orientent les évolutions) vont dans le sens de plus d’État et moins d’initiative privée.
      Ce que les médias français qualifient de pessimiste est, au plus, lucide.

    • Baptiste Créteur a raison. Même dans les bureaux d’études ( je pense à l’un en particulier spécialisé en ingénierie automobile) les départements R&I sont limités. Chaque année on ressort des cartons les mêmes études à approfondir pour du crédit d’impôt ( il faut présenter plusieurs rapports d’études chaque année peu importe leur viabilité ou le fait que l’on développe un peu plus le même sujet que l’année précédente).Mais le plus pitoyable c’est que l’élève ingénieur qui s’y colle n’est pas du tout encadré et moi quand j’ai eu à corriger des rapports avant présentation j’ai constaté le faible niveaux de certaines écoles de méca : le fond minable ( ça part dans tous les sens); la forme exécrable;le niveau de français à pleurer. Et ça passe. A mon époque jamais on ne m’aurait donné mon diplôme. Les sciences dures ne sont vraiment plus la préoccupation de ce pays.Après on s’étonne que l’automobile française va mal.

      • c’est aussi l’idée que je défendais dans un autre article.
        entre le recours à outrance à la sous-traitance, la selection des RH sur des profil « bon mouton dans le moule » et les éleves ou autres non encadrés, merci la cata.

        Il n’y a pas que l’auto qui est touché par ce fléau franco-français.

        Il y a aussi les armées de normes et organisation. Produire un calculateur en France, c’est possible, mais le client vous demandera une tonne de paperasse (pas en rapport avec le produit).
        Est-ce que vous avez une politique achat ?
        Est-ce que vous avez rempli vos audit QSE
        avez vous les certificats de conformité de vos installations….

        autant de trucs où on en fait bien trop et qui sont couteux en ressource, en temps, et pénalise les gens de métiers.
        Il suffit de produire cette meme pièce en Asie, et on nous demande plus rien, juste que le produit soit qualifié et fonctionnel. Dingue ?

        je pense qu’on se prend nous meme les pieds dans le tapis, et qu’une part non négligeable des encadrants et autres fonctions transverses/indirectes des entreprises ne veulent pas en foutre la rame.

        Mr Creteur, le « tout état » n’est là que pour assurer la paix sociale par l’assistanat à outrance, et le contrôle de plus en plus intrusif et important des gens « productifs ».

      • « ….que l’automobile française AILLE mal. »

        Avec plaisir.

  • Je trouve suspect que les agences de notation ne dégradent pas la note de la dette de la France et de son économie en général. Ce silence pesant est inquiétant car tous les ingrédients pour dégrader la France d’au moins trois points sont réunis. Pourtant une dégradation sérieuse de la note de la France pousserait Hollande et sa clique de socialo-marxistes à la démission. A moins que la France soit devenue tellement insignifiante qu’il n’y a plus lieu de s’y intéresser …

  • L’innovation, qui ne peut être que ciblée stratégiquement par des entrepreneurs (les seuls à pouvoir anticiper les besoins de leur marché en les confrontant avec leur problématique structurelle interne) , nécessite des investissements. Le plus difficile n’est pas de créer, les nouvelles idées foisonnant toujours chez tout entrepreneur ambitieux et travailleur, mais de pouvoir disposer des fonds suffisants pour pouvoir mettre en œuvre de manière durable et rentable un projet innovant. Si la France est moins compétitive, c’est aussi parce que les ces entrepreneurs n’ont pas disposé de fonds propres pour pouvoir investir afin de rester à la pointe de la technologie. Et ce ne sont pas les aides étatiques à l’innovation » (financées par l’IS), qui, lobbys technocratiques faisant, permettront d’orienter l’innovation et donc la croissance vers les secteurs les plus compétitifs. Au contraire, ces aides ne font que décourager l’activité secteurs, qui, considérés arbitrairement comme « mauvais pour l’homme » par cette poignée de copains technocrate lobbyistes, se voient encore injustement sanctionnés malgré les efforts quotidiens consentis pour pouvoir rester compétitifs, notamment face à un nombre exponentiel de nouveaux entrants venus des pays émergents. Seul un marché libre (c’est à dire sans soutien discriminants pour l’une ou l’autre activité), et une imposition non confiscatoire (rendue justement possible par le gel de l’intervention étatique dans l’économie) permettra le regain de compétitivité.
    Mais ces réformes structurelles nécessitent avant tout une profonde remise en question de nos valeurs, et notamment de se pouvoir responsabiliser sans reposer aveuglément sur le soutien de l’état. La solidarité et l’altruisme ne sont que des prétextes démagogiques et consensuels pour nos ministres, menant très vite, en temps de crise, à une lutte des classes, ne faisant qu’accroitre leur besoin de domination et de contrôle.
    L’égalitarisme mène inévitablement à l’appauvrissement et au découragement, enrayant l’ascenseur social, le seul pourtant à pouvoir stimuler tout jeune étudiant ou entrepreneur issu de milieux modestes à vouloir gravir les échelons. Seul le laissez faire capitalisme (cf une du dernier « the economist »), même s’il n’a toujours été que partiellement mis en oeuvre, permet de diminuer la pauvreté, la croissance du secteur étant le seule génératrice d’emplois (celle du secteur public détruisant au contraire de la richesse, étant financée par la dette et l’impôt, avec un rendement structurellement moindre que celui du secteur privé).
    A contrario, la pauvreté et la précarité, la violence et le climat délétère de méfiance et de défiance qu’elles entrainent, ne feront toujours qu’augmenter au sein d’un pays en récession.

  • « Tout va très bien madame la marquise « nous serinnent les politocard qui nous gouvernent.En attendant que le DJ change de disque car celui-ci est rayé et que cela s’entand de plus en plus…

  • La France est le maillon faible de l’Europe et sa mise sous tutelle du FMI est plus proche qu’on ne le croit.

    La France est le seul pays d’Europe à n’avoir pas accepté les réformes indispensables à sa survie tout en continuant à financer sa surconsommation irresponsable par l’endettement. Si jamais les taux remontent, le déficit public sera insupportable et l’accès à la dette deviendra aléatoire sinon impossible. L’Etat français devra alors trouver quelques 350 milliards d’euros en moins d’un an (60 de déficit courant, 110 de dette LT à rembourser, 180 de dettes CT pour financer les décalages de trésorerie). 350 milliards représentent plus de 15% du PIB alors que les dépenses publiques se montent déjà à 57% : impossible à trouver sans ruiner définitivement l’économie française.

    La France ne pouvant plus s’endetter, l’Allemagne devra alors assumer la part de la France dans les plans de sauvetage européens déjà décidés (cette part ne pouvant être financée que la dette). Mais en sauvant le reste de l’Europe, l’Allemagne n’aura plus un centime à consacrer à la France et cette dernière sera mise en quarantaine de l’Europe.

    Comme le reste du monde ne pourra pas supporter sans réaction l’effondrement d’une des principales économies mondiales, l’Etat français finira sous tutelle ferme du FMI, se verra imposer une monnaie contrôlée depuis Washington, la mobilisation forcée des ressources disponibles pour rembourser la dette, un gouvernement de technocrates aux ordres de la troïka des créanciers et les réformes jusqu’à présent repoussées par couardise politique (privatisations, dérèglementations).

    • malheureusement ça risque de finir comme ça…
      le temps donnera raison à ceux que l’élite qualifie d’hérétique.

      c’est le moment de faire des crédits, misant sur l’effondrement des banques !

  • Oui , tout va très bien , dans le meilleur des mondes possibles ! Il suffira d’attendre , et tout ira bien …. un jour

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