L’économie, ce n’est pas la guerre, loin de là . Et se tromper sur le problème, c’est aussi se tromper sur le remède.
Par Philippe Silberzahn.
L’économie et la guerre entretiennent de très anciennes relations. Dans le domaine des affaires, certains livres de stratégie sont bourrées de références militaires et tout bon rapport contient une citation de Sun Tzu, grand général chinois du VIe siècle avant JC. Plus récemment, le concept de guerre économique s’est développé, en particulier en France, et semble s’exacerber à mesure que le sentiment d’un retard français dans le domaine économique se développe. Il y a cependant plusieurs raisons pour lesquelles l’économie et le commerce sont très différents de la guerre.
- L’économie ne tue pas de gens: aussi intense soit-elle, la concurrence que se livrent les entreprises ne se base pas sur des armées qui s’entre-tuent.
- L’économie ne détruit pas d’actif: au contraire de la guerre, les batailles économiques ne passent pas par une destruction d’actifs, des bombardements et des famines.
- L’économie obéit à des règles: au contraire, le concept de guerre économique laisse penser que tous les coups sont permis. On agit hors la loi en faisant appel aux officines avec tous les risques de dérapages que l’on connaît (Renault en sait désormais quelque chose!), ou, lorsqu’on est une grande entreprise, aux services spéciaux de son pays. Comme la drogue, lorsqu’on y touche une fois, on y revient.
- L’économie conçue comme guerre peut mener à des actions contre productives: lorsqu’elle est découverte, une attaque contre des entreprises étrangères peut se retourner contre son auteur et entraîner une crise diplomatique importante, comme ce fut le cas avec la mise au jour des actions françaises contre des sociétés de haute technologie américaines dans les années 80.
- L’économie bénéficie aux deux parties: Contrairement à ce que pensent les gouvernants et ceux qui baignent dans la culture militaire qui ont tendance à penser l’économie dans une optique mercantiliste, le commerce bénéficie aux deux parties. L’économiste David Ricardo l’a montré depuis longtemps, c’est l’échange qui est source de richesse, pas la production. L’économie peut ainsi avoir plusieurs gagnants.
- Corollaire du point précédent, l’économie n’est pas un jeu à somme nulle. Au contraire de la guerre ou seul l’un des deux adversaires peut gagner, l’économie peut voir prospérer deux partenaires commerciaux même si ceux-ci se livrent une concurrence acharnée. Coca-Cola et Pepsi-Cola gagnent tous les deux beaucoup d’argent. Il en va de même pour les pays: un pays ne peut pas avoir une économie saine si ses partenaires sont sous-développés; c’est ce qu’avaient compris les initiateurs du plan Marshall en 1948. De même, la Chine est à la fois un concurrent et un marché pour nos entreprises. Pour que ce marché soit solvable, et qu’il devienne intéressant pour nos entreprises, il faut qu’il s’y développe une classe moyenne. Or celle-ci ne se développera que si les entreprises chinoises prospèrent. L’intérêt des entreprises françaises est donc que les entreprises chinoises se développent. Si l’on pense en termes guerriers, l’armée française ne pouvait évidemment pas souhaiter que la Wehrmacht soit forte en 1940. Qui souhaiterait que la Chine revienne là où elle était en 1978?
D’une manière générale, donc, le commerce ce n’est pas la guerre, c’est même le substitut à la guerre. C’est le moyen d’échanger des biens et des services sans voler et en faisant en sorte que les deux parties bénéficient de l’échange. Alors que la guerre, c’est le transfert de ressources par la violence, le commerce, c’est le transfert de ressources par l’échange librement consenti. Bien sûr le commerce n’exclut pas des rapports de force qui font que l’échange peut être plus favorable à l’une des parties qu’à l’autre, mais comme le disait Ayn Rand:
« Tant que les hommes vivront ensemble sur la terre et auront besoin les uns des autres, le seul substitut à l’argent sera le canon d’une arme. »
A lire aussiÂ
- billet précédent de Philippe Silberzahn sur l’affaire Ingenico, autre cas de patriotisme économique.
- son billet sur « Ayn Rand – Atlas Shrugged »
- Sur Sun Tzu et ses limites, voir son billet ici
- De Jean-Louis Caccomo, le vrai sens de la compétition
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« un pays ne peut pas avoir une économie saine si ses partenaires sont sous-développés »
Cette assertion me semble un peu trop emprunte d’une importance démesurée accordée à la macroéconomie; d’une nécessité d’avoir une économie nationale « prospère », une balance commerciale positive, etc.
« Bien sûr le commerce n’exclut pas des rapports de force qui font que l’échange peut être plus favorable à l’une des parties qu’à l’autre »
Trophé euphémisme d’or 2013.
Pourquoi ?
Pour qu’il y ait euphémisme, il faudrait que l’échange puisse être au final défavorable à l’une des parties, or elle peut alors le refuser.
Pour qu’il y ait euphémisme, il faudrait que les rapport de force influent souvent et substantiellement sur la répartition de la plus value de l’échange.
C’est le cas la plupart du temps. Ce n’est pas une éventualité à ne pas exclure.
Car un échange favorable à une partie A et B peut être défavorable à une partie C, qui dépend de relations commerciales régulières avec A. C’est ce qu’on appelle « la concurrence ». Et la concurrence, ça peut faire très mal, même si les coups ne sont pas physiques. Notamment la concurrence homme/machine, qui fait mal quand la machine n’appartient pas à l’individu dont elle remplace le travail, ce qui est pourtant le cas général.
Non seulement l’économie n’est pas la guerre, mais l’amalgame résulte de la méconnaissance de l’économie, et la méconnaissance de l’économie entraîne la guerre.
http://bastiat.org/fr/maudit_argent.html
 » partant de ce principe: l’argent, c’est la richesse, j’arrive toujours à cette conclusion ou à ce résultat: la guerre universelle »
« Quand les législateurs, après avoir ruiné les hommes par la guerre et l’impôt, persévèrent dans leur idée, ils se disent: « Si le peuple souffre, c’est qu’il n’a pas assez d’argent. Il en faut faire. » […]
— En effet, ce procédé est plus expéditif que l’autre, et puis il n’aboutit pas à la guerre étrangère.
— Non, mais à la guerre civile. »
Ce second extrait me semble décrire assez bien, avec 2 siècles d’avance, le monde de 2013…
Superbe homme de paille. Combien d’illuminés reste-t-il vraiment pour croire que l’argent, c’est la richesse, et qu’il suffit d’imprimer de le supprimer, ou d’en imprimer à volonté (ce qui revient au même) pour éradiquer la pauvreté ? Chez les gens du commun (cad hors journalistes, politiciens, syndicalistes, et artistes), vous ne trouverez personne pour adhérer à de telles sornettes …..
Une seule réponse face à cet article idéologique sans fondement réel :
Ricardo a certes théorisé « l’avantage comparatif », il est certes enseigné dans toutes les écoles françaises à l’heure actuelle mais, malheureusement, la théorie ricardienne s’effondre par l’exemple même sur lequel il s’était appuyé : celui du Portugal et de l’Angleterre, du vin et du drap. Le Traité de Méthuen, signé en 1703, mènera le Portugal, nation florissante de Vasco de Gama à l’agonie économique jusqu’en 1914 et à sa position de réléguée au sein de la CEE puis de l’UE.
Le mercantilisme est une doctrine de puissance qui sert surtout les États ayant une stratégie et non ceux qui subissent.
‘2.L’économie ne détruit pas d’actif: au contraire de la guerre, les batailles économiques ne passent pas par une destruction d’actifs, des bombardements et des famines’
Cette remarque montre bien que ca n’est pas sérieux.
Quand on fabrique des armes c’est pour les utiliser.
Quand on fabrique des produits mortels ou des drogues c’est de la destruction.
Quand on regarde les pauvres mourir sans les aider, c’est aussi ca une guerre économique.
« L’économiste David Ricardo l’a montré depuis longtemps, c’est l’échange qui est source de richesse, pas la production » C’est une formulation malheureuse.
ce la est totalement faux l economie peut etre la cause d une famine il suffit que un riche achete tout les production agricole et voilÃ