Qu’est-ce que la falaise fiscale qui menace les États-Unis ? Comment l’éviter ? Avis d’experts à lire dans notre dossier spécial publié en collaboration avec le magazine américain Reason.
Par Peter Suderman, depuis les États-Unis.
Article paru initialement sur Reason.com sous le titre The Fiscal Cliff
Depuis des années, le Congressional Budget Office (CBO, l’équivalent américain de la Cour des comptes) nous avertit que la trajectoire fiscale de l’État fédéral est « insoutenable ». Et depuis tout aussi longtemps, le Congrès refuse d’y faire quoi que ce soit, préférant reporter le problème chaque fois que possible.
Les conséquences de l’irresponsabilité du Congrès se sont accumulées au fil du temps : quatre années de déficits dépassant les 1 000 milliards de dollars, une dette de 16 000 milliards de dollars, et une foule de politiques fiscales temporaires. Même les décisions fiscales de routine ont été négligées : pendant plus de trois ans, le Sénat a refusé de voter pour un budget, craignant peut-être ce qu’une évaluation honnête de la situation fiscale pourrait révéler.
Il est facile de voir pourquoi le Congrès est si prompt à ignorer ces questions. Le plus gros contributeur à la dette fédérale est Medicare, qui fait face à 38 000 milliards de dollars en engagements non provisionnés, et dont on s’attend à ce qu’il fasse faillite en 2024 selon les estimations les plus optimistes. La Social Security, un programme qui perd de l’argent depuis 2010, est face à 20 000 milliards de dollars d’engagements sans provisions. La dépense fédérale pour Medicaid doit doubler d’ici 2022 à cause d’Obamacare, et les dépenses militaires croîtront de plus de 100 milliards pendant la même période, même si les réductions de dépenses proposées prennent effet. Le fossé à long terme entre dépenses et entrées est un problème qui affecte presque chaque ligne budgétaire de l’État fédéral, et comme le disait en 2010 Douglas Elmendorf, directeur du CBO, ça « ne peut pas être résolu avec des ajustements à la marge ».
La tour Jenga fiscale va commencer à s’effondrer le 2 janvier, quand l’inaction habituelle deviendra brutalement une décision politique majeure. À compter de ce jour, plusieurs des jeux de procrastination du Congrès prendront fin : une baisse temporaire des charges sociales (payroll tax) expirera, augmentant les impôts de 95 milliards si elle n’est pas prolongée ; le plafond de l’impôt sur les successions disparaîtra, décuplant le nombre d’Américains qui y seront soumis ; et les taux d’impôts sur le revenu, réduits sous le président George W. Bush reviendront à leurs niveaux de l’an 2000. Selon une étude d’Octobre du Tax Policy Center, ce dernier changement affectera 90% des foyers américains, avec des taux marginaux bondissant en moyenne de cinq points sur les revenus du travail, de sept points sur les plus-value, et de vingt points sur les dividendes.
Au même moment, une série de réductions des dépenses fédérales prévues arrivera, grâce aux dernières négociations fiscales ratées par le Congrès. L’accord de 2011 pour augmenter le plafond de la dette fédérale comportait des coupes automatiques, appelées « séquestration », au cas où un comité bipartisan ne parviendrait pas à convenir d’une réduction du déficit. Ce comité n’a pas pu se mettre d’accord, et au moment où cet article est écrit, des coupes de budget s’élevant à 1 200 milliards sur dix ans seront inscrites dans la loi à partir de l’an prochain.
La combinaison de la « séquestration » et de l’expiration des baisses d’impôt ont été appelées « falaise fiscale ». Et à moins que le Congrès n’agisse à la dernière minute, entre les élections du 6 novembre et la Saint-Sylvestre, le budget fédéral pourrait bien sortir de sa corniche, et peut-être emmener l’économie du pays avec lui.
Le CBO a averti en août que la falaise fiscale peut causer une récession. L’agence de notation Standard & Poor’s a déjà abaissé la note de l’État fédéral, et sa concurrente Moody’s a annoncé qu’elle pourrait suivre si le Congrès ne fait rien pour empêcher ces hausses d’impôts et coupes de dépenses prévues. Mais il y a aussi des risques à éviter la falaise. Avec des déficits record et une dette fédérale qui continue de s’accumuler, ne pas s’attaquer aux dépenses effrénées garderait les États-Unis sur une trajectoire fiscale insoutenable, avec la possibilité d’une crise de la dette se profilant à l’horizon. Il n’y a pas de bon choix.
Peu importe ce que fait le Congrès, s’écarter de la falaise ne sera pas chose facile. « Fiscalement, c’est la fin du jeu », a dit David Stockman, directeur du Budget sous le gouvernement Reagan à Bloomberg News en Juillet. « À partir d’ici, ce sera le chaos ».
Qu’est-ce que le Congrès devrait faire face à cette falaise ? Reason a demandé à un groupe d’experts de la politique budgétaire d’expliquer en quoi consistent les problèmes, ce qu’on peut y faire, et ce qui pourrait arriver si on ne fait rien :
- Dossier spécial sur la « falaise fiscale » aux États-Unis : introduction (Peter Suderman)
- On ne peut pas baisser les impôts sans baisser les dépenses (Matt Mitchell)
- Le pire des deux mondes (Charles Blahous)
- Comment tuer ce qu’il reste de reprise économique (James Pethokoukis)
- La « séquestration » n’est que le premier pas (Véronique de Rugy)
- Procrastiner, encore une fois (Tad DeHaven)
- La falaise réglementaire est aussi à craindre (Susan Dudley)
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Traduction : Benjamin Guyot/Contrepoints.org
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