Pas de vraie agriculture sans propriété privée

La réponse aux problèmes de l’agriculture africaine passe par les fondamentaux : la reconnaissance des droits de propriété.

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Un paysan marche vers des champs de sisal dans les environs de Morogoro, en Tanzanie

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Pas de vraie agriculture sans propriété privée

Publié le 28 novembre 2012
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La réponse aux problèmes de l’agriculture africaine passe par les fondamentaux : la reconnaissance des droits de propriété.

Par Hillary Kundishora, depuis le Zimbabwe.
Article publié en collaboration avec Libre Afrique.

Les crises alimentaires font partie de la longue liste des maux de l’Afrique, entre guerres, maladies et pauvreté extrême. Les pénuries alimentaires actuelles au niveau mondial devraient donner l’opportunité aux décideurs du tiers monde de revoir les modèles de propriété foncière actuellement en vigueur. Cette révision contribuera sans doute enfin à une réelle stratégie économique. Il est en effet temps d’arrêter de ressasser les discours obsolètes selon lesquels les Américains devraient faire le régime pour réduire la consommation alimentaire et ainsi garder de la nourriture pour l’Afrique.

Un paysan marche vers des champs de sisal dans les environs de Morogoro, en Tanzanie

La situation actuelle qui représente un danger pour l’Afrique peut être aussi une opportunité. Alors que notre continent est très largement doté en terres fertiles et jouit d’un climat approprié pour la culture, il est toujours victime de pénuries. Or la sécurité alimentaire devient primordiale du fait de son lien avec la pauvreté, la santé et le développement.

Au Zimbabwe par exemple, même si le système colonial pratiquait un système agraire dualiste qui reposait sur une forme d’apartheid, ce système avait réussi à générer une richesse et à émuler la libre entreprise, ce qui fonctionnait de manière efficace. Le miracle de ce système était fondé sur un régime foncier viable dans lequel – il est vrai – seule une minorité jouissait de droits de propriété. Mais cela avait permis de bâtir une structure productive et financière dynamique qui était le pilier du système colonial.

Si au cœur de la doctrine des droits de propriété pratiquée par le système colonial résidait une sérieuse discrimination à l’encontre de la majorité noire, ce système permettait néanmoins une propriété individuelle de la terre basée sur des titres de propriété bien définis. Les tribunaux reconnaissaient ces titres et résolvaient les conflits y afférant. Surtout, il était possible d’échanger la terre, comme tout autre bien marchand. Cela avait permis à la population du système colonial de regarder bien au-delà de l’agriculture de subsistance, vers une agriculture commerciale. De même le secteur agricole avait pu s’engager vers des productions plus efficaces mais aussi plus respectueuses de l’environnement. Du fait de ce système foncier bien défini et relativement sûr, les agriculteurs avaient facilement accès à des financements privés locaux et extérieurs.

Les agriculteurs étaient certains de récupérer leurs bénéfices si l’affaire marchait. C’est un facteur – on l’a sans doute oublié – fondamental pour le succès d’une entreprise. Cela permettait aux investisseurs de faire fonctionner et grandir leurs entreprises agricoles sans devoir craindre que l’État n’intervienne pour les déposséder et réallouer leurs terres.

Une possible réforme foncière donnerait l’opportunité au Zimbabwe de résoudre le problème des pénuries alimentaires et de bénéficier des retombées des hausses mondiales de prix. Nous sommes aujourd’hui un importateur net de produits alimentaires. C’est donc une différence importante avec il y a encore quelques années lorsque le Zimbabwe était le grenier à grains de l’Afrique australe. Aujourd’hui le Zimbabwe est redevenu une contrée où des terres fertiles se voient assigner une valeur nulle. Du fait d’une banqueroute politique, les autorités n’ont pas voulu reconnaître que le succès du système colonial était très largement dû aux droits de propriété.

Plus généralement en Afrique, il nous faut donc changer de paradigme et regarder au-delà du système communal de propriétés foncières pour aller vers un système de titres fonciers individuels. Cela permettrait à plus d’acteurs privés de la filière agricole – inquiets de la gestion du risque – de prendre part au développement agricole. Cette réforme aurait pour effet une industrialisation basée sur l’agriculture en liant l’industrie alimentaire aux agriculteurs.

Pour que nous puissions réaliser le rêve africain de prendre notre destin en main et de créer des richesses pour nos populations, il nous faut générer de la valeur en retournant la terre à son statut initial de marchandise qui peut être échangeable et transférable.

—-
(*)Hillary Kundishora est spécialiste en management stratégique et écrit du Zimbabwe. Cet article est paru originellement sur AfricanExecutive.com. Adaptation par LibreAfrique.org.

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  • Bon article.
    Partout et de tous temps, la collectivisation des terres et la négation du droit de propriété produisent les mêmes résultats catastrophiques : Chine de Mao, Cambodge de Pol Pot, URSS de Staline etc …

  • n’y a-t-il pas aussi là dedans le FMI qui met son nez et qui, en échange d’aménagement des dettes de l’état impose des restrictions agricoles et des importations forcées ?
    une sorte de néocolonialisme pour les anciennes puissances coloniales pour garde le contrôle et bloquer les libertés ?

    • Le problème vient des états occidentaux, qui subventionnent leurs agriculteurs (vivement le retour au libéralisme)
      Dans certains pays africains, les poulets Français (subventionnés par la PAC) étaient moins chers que les poulets produits localement.
      Dans un système de marché libre, les agriculteurs européens ne pourraient pas fausser les marchés locaux.
      Le problème n’est pas le « néocolonialisme », le problème est l’étatisme.

  • c’est la reconnaissance de la propriété individuelle des terres agricoles qui a permis le decollage economique de l’occident et la revolution industrielle. au moyen-age, les terres agricoles etaient souvent mis en commun, ce qui empèchait tous progres techniques: un cultivateur voulait-il introduire une nouvelle culture, une technique plus productive, il ne pouvait le faire sans l’assentiment de la majorité. en angleterre a partir du 17ieme siecle, les  » propriètaires ont pu clore leur parcelles afin que le betail des communaux n’y viennent pas. cela permit une exploitation beaucoup plus rationnel des terres, avec des rotations excluant la jachère ( qui servait de pature – pauvre – au betail des communaux), remplacant au contraire cette dernière par des plantes fourragères améliorantes ( trefle, luzerne ) ou netoyantes ( navets ) . l’elevage devanait grace a ces nouvelles ressources, plus nombreux, ce qui en retours, generait plus de fumier pour fertiliser les terres, un cercle vertueux, que le collectivisme n’avait jamais pu demarrer !
    la certitude de pouvoir exploiter son terrain dans la durée, permet d’y faire de nombreux invetissements productif: fumure, amendement, plantation d’arbre de service, fourrager, brise vent …qu’un agriculteur qui cultive au jour le jour ne fera jamais, ce contentant de prendre le peu que la terre donne naturellement avant que ces voisins viennent se servir sous son nez.

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