Des Prix Nobel qui jouent à l’économie

Lloyd Shapley et Alvin Roth ont reçu le prix Nobel d’économie 2012. Pourquoi ?

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Des Prix Nobel qui jouent à l’économie

Publié le 26 octobre 2012
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Lloyd Shapley et Alvin Roth ont reçu le prix Nobel d’économie 2012 il y a une semaine. Pourquoi ? 

Article publié en collaboration avec l’Aleps.

Lloyd Shapley et Alvin Roth ont reçu le prix Nobel d’économie. Pourquoi ? Pour avoir, dit-on, proposé une nouvelle formulation de la loi de l’offre et de la demande. Certes offre et demande doivent s’accorder : un commerçant sans client ferme boutique, et un malade sans médecin va souffrir ou mourir. Mais les deux économistes américains auraient eu le mérite de découvrir un modèle infaillible pour sceller cet accord.

Sont-ils d’ailleurs des économistes ? Shapley le dit simplement : « Je suis un mathématicien alors que cette récompense est destinée aux économistes ». Alvin Roth a réalisé un « travail empirique » à partir de la découverte de Shapley en plaçant 20.000 jeunes médecins en recherche d’emploi dans les hôpitaux américains. Shapley et Roth s’inscrivent dans le corps de la théorie des « appariements » (assortiments) permettant la formation d’un couple durable.

Pour les jurés du Nobel et les commentateurs, ces oeuvres devraient permettre de « rendre les marchés plus efficients », grâce à un nouveau modèle (mathématique) de rencontre de l’offre et de la demande. Ce modèle se déduit de la théorie des jeux, qui se propose de trouver la solution la plus logique pour chacun des deux joueurs dont les intérêts sont différents, mais peuvent converger (jeux coopératifs), ou diverger (conflits, du genre des Kriegspill, jeux stratégiques auxquels se livrent les états-majors militaires).

Question : le marché est-il un jeu coopératif, et les joueurs arrêtent-ils leurs décisions en fonction de ce qu’ils pensent de la décision de l’autre joueur ? Certes le marché est coopération, et coordination. Mais une économie de marché ne se résume pas à la signature d’un contrat, et les signataires ne sont pas des robots programmés par des mathématiciens. Le marché est information, et les parties en présence font des choix subjectifs, sans cesse variables, et influencés par le contexte institutionnel.

C’est dire que l’économie sur laquelle Roth et les autres travaillent ne correspond à aucune réalité. Le processus d’appariement relève davantage de la planification centralisée que de l’économie de marché, où la loi de l’offre et de la demande n’implique pas l’intervention d’un arbitre extérieur, mais le libre choix des contractants. L’économie mathématique a égaré les économistes, qui ont trahi leur science pour jouer à l’économie modélisée.

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  • Dans une même perspective, à propos des aberrations de la théorie des jeux appliquée à l’économie :

    http://lecercle.lesechos.fr/economie-societe/politique-eco-conjoncture/politique-economique/221155705/formule-magique-nouvelle-t

  • Cet article est bien simpliste. Ils proposent des modèles de réflexion pas des vérités universelles…

  • Alors, désolé, mais cet article est complètement à côté de la plaque. Pour ne pas dire ignorant.

    Shapley et Roth ne sont pas à proprement parlé des économistes, mais leurs travaux concernent des allocations d’actifs rares et des modèles de préfèrence. Il s’agit donc clairement du champ de l’économie, telle qu’elle se définit elle-même.

    Et ses travaux sont justement un usage peu contestable des mathématiques. L’allocation des étudiants dans les universités en fonction de leur préférence peut-être réalisé par un logiciel qui garantie la stabilité de l’allocation (aucun couple étudiant/université ne pourrait se préférer mutuellement au résultat de l’algorithme). C’est un résultat simple et génial énormément utilisée dans les systèmes d’affectation.

    Deux mathématiciens proposent un algorithme simple qui permet de remplacer des milliers de fonctionnaires par un processeur, et garantie le respect des préférences de chacun. Qu’est ce qu’y trouve à redire l’aleps ?

    Le problème de Shapley et Roth s’applique tellement à rien qu’on l’enseigne aux informaticiens. Il s’applique à énormément de choses, dès qu’il s’agit de former des couples : étudiant/école (les systèmes d’allocation post concours dans les grandes écoles sont algorithmiques, de même à l’issue de la fac), hôpital/médecin etc…

    Le processus d’appariement n’a strictement rien de planificateur, toutes les données exogènes du modèles sont fournies par les individus concernés. Avec votre raisonnement sur le centralisme, il faudrait d’urgence fermer toutes les places boursières et revenir à la cotation dans la rue !

    Franchement, la seul chose que je reprocherais au comité Nobel c’est d’avoir choisi quelque chose de vraiment très simple.

    La seule différence entre l’économie mathématique et l’économie littéraire, c’est que le formalise de la première dévoile ses hypothèses et donc sa fragilité, ce qui n’est pas le cas de la seconde.

    • « L’allocation des étudiants dans les universités en fonction de leur préférence »

      Préférence forcément modélisée, donc. Désolé, mais mon côté autrichien tique…

      « Deux mathématiciens proposent un algorithme simple qui permet de remplacer des milliers de fonctionnaires par un processeur »

      qui ne serait pas, dans le monde réel, omniscient – et surtout pas sur la durée. Je doute fortement qu’aucun couple étudiant/université ne trouve meilleur appariement hors d’un cliché instantané figé dans le temps. Question d’épistémologie ?

      • Je suis désolé pour votre côté autrichien, mais demandez aux gens de classer les A, B et C ce n’est pas de la modélisation qui vole haut hors du réel.

        Et par ailleurs, l’admission dans une école est toujours basé sur un cliché instantané, vous voulez que les inscriptions soient continues ? Qu’à chaque seconde les allocations soient redeterminées ? Allons, demain tu élèves à la Sorbonne, après demain se sera ptet à Toulouse, enfin que le matin, car l’après-midi tu seras peut-être réaffecté à Harvard pendant deux heures.

        De toutes manières, dans les processus de gestion il y a de la modélisation. Quand un étudiant est sélectionné, c’est sur ces notes. La notation est un modèle mathématique où 20 est meilleur que 19 qui est meilleur que 18.

        • Les limitations du modèle ne sont pas dans ses inputs.
          La cohérence mathématiques n’est probablement pas à remettre en cause non plus, le problème des modèles, c’est surtout les hypothèses.
          Si on suppose un marché totalement libre, sans asymétrie d’information et avec des individus totalement rationnels, (et surement quelques autres hypothèses), leur modèle devrait fonctionner.
          Plus on pose d’hypothèses, plus on peut avoir un modèle qui donne des résultats géniaux et qui est simple. Le soucis c’est que plus il y a d’hypothèses, plus ça a de chances d’être faux.
          En modélisation, ce qui est simple est faux, ce qui est vrai est inutilisable.
          Il faut trouver un juste milieu entre les deux.

          Voila ce que ces deux personnes ont fait, on a un truc accessible, simple et utilisable sans être « trop » faux.

          Ce genre de choses sont indispensables notamment en physique, finance et assurance… trois choses sans lesquelles on serait au 16è siècle.

          La théorie des jeux est clairement l’avenir de tous les modèles car elle permet d’intégrer le comportement des agents.
          C’est plus l’optimisation de modèles intégrant les comportement des deux contreparties par la théorie des jeux qui est récompensée par ce prix. Pour moi, c’est justifié car ce type de modèle, c’est clairement l’avenir.

      • Ça dépend. J’imagine que cela peut avoir un intérêt pour les compagnies d’interim.

        Maintenant, cela peut avoir une utilité et une efficience dans certain secteurs sans pour autant que cela justifie sa généralisation pour tous les rapports économiques. Tout comme des coopératives peuvent être efficientes, sans pour autant généraliser ce modèle économique.

        • Bien sûr, mais personne n’a prétendu que ça devait être généralisé. On peut s’intéresser à un problème très spécifique et avoir le prix Nobel.

    • « La seule différence entre l’économie mathématique et l’économie littéraire, c’est que le formalisme de la première dévoile ses hypothèses et donc sa fragilité, ce qui n’est pas le cas de la seconde. »

      C’est une des différences majeures, en effet. Dit autrement, le langage littéraire permet de « noyer le poisson ». Mais on pourrait très bien exprimer la même chose avec la même rigueur sous les deux formes. Cependant, en langage littéraire, cela prendrait beaucoup plus de place. C’est aussi un des intérêts de la représentation mathématique : sa concision.

      • Lisez donc Economistes et charlatans, de Murray Rothbard.

      • L’intérêt premier de la représentation mathématique, c’est la précision et la rigueur, bien avant la concision.

        • C’est la même chose. La concision est équivalente à la précision et de la rigueur : toutes les trois résultent du fait qu’on a posé proprement une définition pour un objet, qu’on peut ensuite désigner sous une étiquette concise dans ses relations avec d’autres objets. Et il est impossible de se passer de cette concision : la définition mathématique rigoureuse du moindre nombre est une horreur qui prend des livres, donc soit tu utilises le symbole, soit tu n’est pas rigoureux ni précis.

        • Faut apprendre à parler français!

  • Pour ce que je sais de la théorie des jeux, elle permet de déterminer des conditions de fonctionnements de marchés. Est-elle une théorie économique? C’est une autre histoire. L’économie est-elle mathématique? C’est un débat. Mon opinion est que les mathématiques sont un langage, une méthode. Cette méthode dépend des hypothèses de départ. Hypothèse qui sont définies de manière littéraire. Ainsi, les mathématiques peuvent servir aussi bien le keynésianisme que le libéralisme. Tout dépend des hypothèses de départ. D’où les limites des mathématiques en économie.
    Une dernière remarque : peut-on vraiment décerner un Nobel d’économie tous les ans? En physique, une avancée dans une observation au CERN peut être observée. En littérature, il y a des milliers d’ouvrages publiés chaque année. Mais, l’économie fonctionne-t-elle comme la physique? Notons qu’il n’y a pas de Nobel de mathématiques. Soyons réaliste : il n’y a pas d’avancée spectaculaire en économie tous les ans. La théorie des jeux correspond à ce que demande le Nobel : une avancée visible, quantitative.

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