La jeunesse voit rouge

Longtemps confinée aux couleurs bleues et noires de leurs jeans, voilà que la jeunesse lycéenne et étudiante s’entiche de pantalons rouges.

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La jeunesse voit rouge

Publié le 22 octobre 2012
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Longtemps confinée aux couleurs bleues et noires de leurs jeans, voilà que la jeunesse lycéenne et étudiante s’entiche de pantalons rouges.

Par Jean-Baptiste Noé.

En cette rentrée 2012, il n’aura pas échappé aux stylistes que la jeunesse voit rouge : le pantalon de cette couleur est de retour chez les garçons. Longtemps confinée aux couleurs bleues et noires de leurs jeans, voilà que la jeunesse lycéenne et étudiante s’entiche de pantalons cardinalices, pourpres, sanguins ou garance. Est-ce pour commémorer la mémoire des soldats de 14, fauchés comme des épis mûrs, selon le vers de Péguy, lui-même trahi par la couleur voyante de la garance provençale ? Est-ce pour s’identifier à la charge suicidaire de la promotion de Saint-Cyr, bravant l’Allemand en grand uniforme, casoar au vent, et mort en bout de piste ? Le rouge n’est pas une couleur anodine, il tranche et s’affirme face au bleu timoré et consensuel. D’aucuns y verront un symbole politique.

Pantalon de gauche et de droite

Cette teinte colorée que la mode automnale de l’année fait porter à notre jeunesse, est peut-être faite pour montrer l’adhésion de celle-ci au nouveau président, lui dont le parti se réfère au rouge, certes souvent délavé en rose. En France, le rouge est à gauche. Pas aux États-Unis où il représente le GOP, ou parti républicain. Notre jeunesse, par ce port surprenant, ne cherche peut-être pas tant à montrer son adhésion au projet hollandien, que son soutien au candidat Romney ; nouveau héros de France ? À moins que cette couleur n’indique une prise de position dans la bataille interne de l’UMP, en faveur du candidat Fillon. Jean-François Copé est peu coutumier du rouge, je n’ai pas souvenir de l’avoir vu porter une cravate de cette couleur. François Fillon lui, aime arborer les fameuses chaussettes rouges Gamarelli, celles que portent le pape et les cardinaux. Une habitude prise de l’époque où il soutenait Édouard Balladur, habitué des chaussettes italiennes, mais dans sa version violette, celle des évêques. Peut-être faut-il trouver ici le secret de ce goût soudain pour le pantalon rouge : à l’orée de l’année de la foi décrétée par le Saint-Père, la jeunesse, qui se doit d’être pleine de foi et d’espérance, montre, par ses atours, qu’elle est prête aux sacrifices et au martyre ; c’est-à-dire au témoignage.

Ambivalence du rouge

Portrait de Jules II par Raphaël.

Toute couleur, bien sûr, est ambivalente, mais le rouge peut-être plus que les autres. Couleur du pouvoir et de la puissance, comme la pourpre des empereurs romains, et la soutane des princes de l’Église, le rouge est aussi le symbole de la sagesse et de l’intelligence : c’est lui qui représente l’Esprit-Saint, et la liturgie catholique l’emploie pour la fête de la Pentecôte. Le rouge, c’est le feu. Flamme de l’Esprit, feu des passions. Ne faut-il pas être passionné quand on a dix-huit ans ? Le rouge, c’est aussi le sang. Sang des martyrs, sang des révolutions, qui teint le drapeau rouge des communards. Le rouge, c’est l’amour et l’enfer, c’est Rome et Babylone. Les luthériens, au XVIe siècle, ont proscrit le rouge de leur garde-robe, par haine de Rome, associée à la nouvelle Babylone. Raphaël, par dérision ou esprit de contradiction, a bâti son génie pictural sur la maîtrise des teintes rouges. Regardez le fameux portrait de Jules II.

Le rouge, c’est le traître. Le chevalier félon des romans de chevalerie est très souvent le chevalier rouge, comme les cavaliers maudits de l’Apocalypse. Le diable est rouge, l’enfer, de par ses flammes, est rouge aussi. Si l’on peut voir la vie en rose, on est rouge de colère et rouge de honte. Cette ambivalence du rouge sied bien à nos garçons, qui présentent souvent, eux aussi, le double visage de Janus.

Couleur de fête

Mais le rouge reste la couleur de la fête. Jusqu’au XIXe siècle, la mariée s’habille en rouge, car c’est la couleur la plus chic. Sur les tables de Noël, le rouge côtoie le blanc. Dans l’arbre, il se marie au vert. Le rouge a une distinction et une noblesse, un tranchant, que n’apportent ni le blanc ni le noir. Peut-être est-ce là qu’il faut trouver la raison de la résurgence des pantalons rouges chez les garçons. Ni symbole politique, ni symbole infernal, mais volonté de manier le chic et le choc, le tranchant et le distingué. Avec ces pantalons chamoisés, la mode revient aux teintes colorées du Moyen Âge et de la Renaissance, quand longtemps elle fut au noir terne du XIXe siècle. Il y a quelque temps déjà, la même jeunesse relevait ses cols de chemises et portait des pantalons serrés. C’était nouveau, c’était reprendre la mode des romantiques de 1820. La roue de la mode ne cesse de tourner, tantôt moderne tantôt ringarde, les couleurs passent ; les symboles demeurent.

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