Christian Chavagneux l’illusionniste

Christian Chavagneux, rédacteur en chef d’Alternatives Economiques, cumule réécriture de l’histoire, erreurs et parti pris.

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Christian Chavagneux l’illusionniste

Publié le 14 septembre 2012
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Christian Chavagneux, rédacteur en chef d’Alternatives Economiques, cumule réécriture de l’histoire, erreurs et parti pris.

Par Jeff Belmont.

Dans une émission diffusée sur Arte le 17 janvier intitulée « La France a perdu son AAA, à qui la faute ? », la présidente de l’Institut Économique Molinari, Cécile Philippe était confrontée à Christian Chavagneux, rédacteur en chef d’Alternatives Économiques.

Avec le peu de temps que laissait la journaliste à Cécile Philippe pour répondre à Christian Chavagneux, il semble utile d’apporter quelques remarques sur le flot d’absurdités qu’il émettait.

 

Hayek et le culte de l’égoïsme

« Marx a dit, ben c’est très simple, que le capitalisme s’accompagne du crime et fait travailler les avocats, les geôliers, les policiers. Keynes a dit, si on veut de la croissance, il faut soutenir la demande, c’est ça la morale. Mais c’est pas ça qu’on a retenu, ni Keynes ni Marx, mais plutôt un autre économiste, un autrichien qui s’appelle Friedrich Hayek. Et lui, il a dit c’est très simple, la fable des abeilles de Mandeville, si on laisse chacun, en particulier les plus riches poursuivre son propre égoïsme, et bien tout le monde peut prospérer. Les vices privés font les vertus publiques. »

Tout d’abord, Christian Chavagneux présente l’opinion de Hayek d’une façon tout à fait caricaturale.

La véritable citation de Hayek est :

« Les individus, en poursuivant leurs propres fins, qu’elles soient égoïstes ou altruistes, produisent des résultats utiles aux autres qu’ils n’avaient pas prévus et dont ils n’ont peut-être même pas eu connaissance » [1].

Donc Hayek ne fait pas une apologie de l’égoïsme, il adopte la méthode praxéologique qui consiste à étudier les actions humaines sans jugement de valeur (« qu’elles soient égoïstes ou altruistes »). Christian Chavagneux tente de faire entrer dans l’analyse de Hayek une sorte de « morale de l’égoïsme » que l’on ne retrouve jamais chez cet auteur pour la simple et bonne raison que ce serait contraire à la tradition méthodologique autrichienne d’une science économique wertfrei (« détachée des valeurs ») [2].

Ensuite, Chavagneux fait mine qu’il y a trois morales possibles à la fable de Mandeville et que l’interprétation de Hayek serait que « les vices privés font les vertus publiques ». La réalité est que cette formule est plutôt la morale qu’avait donnée Mandeville lui-même à sa propre fable (c’est le sous-titre même du texte de Mandeville). Non seulement cette formule ne vient pas de Hayek, mais celui-ci l’avait critiquée en estimant qu’il s’agissait d’une « erreur d’interprétation commune » que de prendre cette formule comme « la devise d’un laissez-faire postulant une harmonie naturelle ou spontanée entre les intérêts des individus et le bien public » [3]. Hayek avait en revanche loué Mandeville pour la pertinence de l’idée qui sous-tend la fable.

Il est probable que Chavagneux n’ait jamais lu Hayek pour faire des erreurs aussi grossières sur ses travaux. Et son ignorance totale de cet auteur ne semble pas l’empêcher d’en faire la critique.

 

Le paradis keynésien était sous Jospin

Chavagneux explique ensuite que l’histoire française récente est une démonstration des bienfaits du keynésiannisme. Oui, vous ne rêvez pas.

« Alors vous savez qu’il y a une petite période dans l’histoire récente où le poids de la dette sur la richesse produite en France a diminué, vous savez quelles années c’est ? C’est entre 1997 et 2002. Pourquoi ? Parce qu’on a créé beaucoup plus de croissance que la progression de la dette. Et pourquoi ? Parce qu’on a créé beaucoup plus d’emplois. On a eu une politique de relance par la création d’emplois publics, les fameux emplois jeunes, les fameux emplois aidés, c’est-à-dire sous M. Jospin et c’est juste à ce moment-là que le poids de la dette a baissé. Donc la politique keynésienne, quand vraiment elle est mise en place, qu’il y a un vrai effet de relance sur la création d’emplois, ça fonctionne. »

Cette démonstration aurait d’excellentes chances à concourir pour le prix de la démonstration économique la plus bancale de l’Histoire.

Démontrer une relation de causalité avec une méthode empirique falsificationniste fondée sur une corrélation faite sur un seul point expérimental correspondant à une période qui s’étale sur une période de cinq ans dans un seul pays est une prouesse de l’esprit comme on n’en voit plus que chez les keynésiens.

Pourtant, même au-delà de l’approche méthodologique douteuse, il y a beaucoup à redire sur cet exemple :

D’abord ce n’est pas la seule période récente où le poids de la dette sur le PIB a diminué. Cela s’est reproduit entre 2005 et 2007.

Dette publique française 1995 2011

Ensuite, si cette période de 1997 à 2002 est une sorte d’« âge d’or keynésien », alors ça démontre surtout l’effrayant court-termisme du keynésianisme puisque loin d’avoir apporté une réduction durable de la dette, celle-ci a recommencé à augmenter dés 2001. Lorsqu’il rend les rênes du pouvoir après sa raclée de l’élection présidentielle de 2002, Lionel Jospin, notre ange keynésien, vient de boucler un budget 2002 où la dette publique a retrouvé sa valeur… de 1997 ! Bel exemple…

Dire que les embauches massives de fonctionnaires de l’ère Jospin ont apporté la croissance est de la même façon extrêmement osé. Quand Jospin arrive au pouvoir en 1997, la croissance s’élève à +2,2 %. Quand il le quitte en 2002, la quasi-totalité des fonctionnaires, emplois-jeunes et emplois aidés embauchés sous l’ère Jospin sont toujours en poste, donc on devrait voir perdurer les fabuleux effets keynésiens qu’ils sont censés avoir apportés. Pourtant la croissance retombe à +0,9 %.

On a donc du mal à expliquer que les très bons chiffres de la croissance (supérieurs à 3 %) des années 1998, 1999 et 2000, soient dus aux embauches de l’ère Jospin. Quand on regarde ce qui se passe à la même époque dans les autres pays développés (en faisant une moyenne sur les 30 pays de l’OCDE), on se rend compte qu’eux aussi connaissent une croissance de la même ampleur. Au final, sur cette période, la France est à peine dans la moyenne, voire en dessous de la moyenne des pays développés en termes de croissance.

Croissance PIB France 1994 2004

À ce niveau de l’analyse, soit on estime que les emplois-jeunes de Jospin ont dopé la croissance française qui à son tour a emporté le reste du monde dans une flamboyante ère de bonheur keynésien, soit on se rend à l’évidence et on accepte que la croissance de cette époque est un phénomène conjoncturel mondial que la plupart des autres pays développés ont connu et que ça n’a pas de lien avec les embauches jospiniennes.

Enfin, la « politique de relance par l’emploi public » et la « politique keynésienne vraiment mise en place » sous l’ère Jospin que loue M. Chavagneux n’a absolument rien d’exceptionnel en France. Si on regarde l’évolution de l’emploi public en France, la période 1997-2002 a connu certes une augmentation massive de l’emploi public mais tout autant que les périodes qui la précédaient et autant que celles qui la suivaient.

Évolution emploi en France 1980 2007

(Graphique : « Les effectifs de l’État 1980-2008 – Un état des lieux ».

Rapport de la Cour des comptes, décembre 2009.)

La réalité, c’est que tous les gouvernements appliquent depuis des décennies les politiques keynésiennes d’embauches massives de fonctionnaires, de déficits publics et de dépenses publiques sans fin. Contrairement à ce que dit Chavagneux, ce n’est pas Hayek que nos dirigeants ont écouté. C’est Keynes et depuis bien longtemps ! Le moins que l’on puisse dire c’est que ça ne nous a pas apporté une croissance durable.


Sur le web

Notes :

  1. F.A. Hayek, « Lecture on a master mind : Dr Bernard Mandeville »
  2. Ludwig von Mises, Théorie et histoire (Première partie, chapitre 2)
  3. F.A. Hayek, « Introduction to Bernard Mandeville, A Letter to Dion (1732) », dans The Long View and the Short, Chicago, 1958, p. 341).
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  • Tres bon article. Il y a un choix évident des ces intellectuels de gauche, comme on utilse un fond de commerce par exemple. Je doute que des gens avec une intelligence relative « au dessus » de la moyenne puissent se tromper autant dans l’analyse de la réalité des faits…alors après des grandes Etudes bien ronflantes on se positionne sur un crénau qui rapporte du bon revenu…il se trouve qu’en France « le peuple » aime l’idéologie de gauche et son petit côté rebel genre je pique aux riches, je donne aux pauvres, mais j’en garde un bout au passage !!! Pauvre France…..

    • Je suis tout à fait d’accord avec toi Lolo. Pendant longtemps, j’ai cru que les intellectuels de gauche étaient juste autistes. Depuis quelques temps je pense qu’il n’en est rien et que toutes ces contrevérités hallucinantes servent avant tout leurs intérêts de caste… Ah, avec eux au rythme où vont les choses, les pays émergeant pourront bientôt nous dire « casse toi pov france ! »

  • « illusioniste » …. bravo, c’est bien d’être capable de ne pas utiliser des noms d’oiseaux, même quand ils sont mérités.

  • Dans un monde intelligent, Keynes et Marx devraient tomber dans les oubliettes de l’histoire! Oui mais voilà, d’une part la jalousie de ce que possède autrui pousse bon nombres d’individus à légitimer des politiques confiscatoires, redistributives et bien sûr coercitives et d’autre part, l’esprit constructiviste de certains autres les poussent à vouloir transformer toute la société d’un coup de baguette magique.

  • Pour avoir entendu à quelques reprises Chavagneux lors de l’emission « les experts » sur BFM (très bonne emission par ailleurs), j’ai été très troublé de la malhonnêteté intellectuelle du personnage (et de l’embarras des autres invités qui ne savent pas vraiment comment répondre à de tel sornettes).

    Content que quelqu’un ai pris la peine de démonter l’argument de « l’hyper croissance des années 1998-2000 grâce aux emplois jeunes et autres ».

    En ce qui me concerne, l’explication est assez simple: Chavagneux fait plaisir à ses clients, typiquement le prof de Sciences Economique et Sociales (sic) de lycée, qui incite alors (fortement) ses élèves à s’abonner à Alternative Etatique… heu… Economique!

  • Mon niveau économique n’étant pas aussi souhaitable que je le souhaiterai , j’ai l’impression parfois que les économistes ou les chroniqueurs se renvoient la balle à base de graphique. C’est vraiment chiant pour le lecteur moyen. Et je ne crois pas que tous les intellectuels soient de mauvaise foi. Ce sont des visions de la société qui s’opposent !

  • @Sceptique, le fond du problème, c’est que les gens ont tendance à confondre « corrélation » et « causalité ». Avec un seul graphique, il est très dur de prouver la causalité. La corrélation est nécessaire, mais est très loin d’être suffisante pour prouver quoi que ce soit.

    Example avec ce graph: http://tucsoncitizen.com/wryheat/files/2011/08/us_post_causes_global_warming_lrg1.jpg qui montre la corrélation entre le réchauffement climatique et le prix des timbres aux US. Mr Chavagneux serait capable de nous dire que pour baisser les température il suffirais d’introduire un tarif social/progressif sur le timbre!

    Pour ce qui est de la mauvaise foi, je suis plutôt d’accord avec vous. Le fait est que quand on a passer tant d’années de sa vie à croire à une certaine narrative, et qu’en plus, on est prof et qu’on a écris publiquement à ce sujet, il est très dur de ne pas filtrer les éléments qui dérange et de ne garder que ce qui arrange! Et on est tous comme ça…

  • Très bonne critique des illusions et mirages des « économistes » keynésiens et socialistes

  • un très bon article dénonçant l’imbécillité des « keynesiens » et de leur doctrine faiseuse de guerre.
    Keynes, fut entre autres imbécillités un défenseur et le propagandiste du nazisme, (avec l’aide de quelques sinistres keynesiens allemands dont Heinrich Dräger l’auteur du programme du parti nazi …) et Keynes s’étonna en juillet 1940 que l’Allemagne avait fut construire autant de canons, alors que d’après lui, l’Allemagne n’avait pas de quoi payer les dommages de guerre de la 1ère guerre mondiale.
    Il aurait fallu que ce grave Keynes sort de sa petite faculté et regarde le monde tel qu’il est et non pas tel qu’il aurait voulu qu’il fut.

  • parfois, il dit des choses intelligentes comme ici, où il reconnait que le fn est un parti national socialiste (ce qui est un exploit pour un gauchiste): http://alternatives-economiques.fr/blogs/chavagneux/2011/04/07/le-retour-du-national-socialisme/

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