Euro : la sortie de l’Allemagne en Une de la presse d’outre-Rhin

Chaque jour, dans la presse allemande, se succèdent politiciens, financiers et commentateurs pour dire que c’est assez. Des voix s’élèvent aussi pour dire que la seule solution serait que l’Allemagne elle-même abandonne l’euro.

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Euro : la sortie de l’Allemagne en Une de la presse d’outre-Rhin

Publié le 22 août 2012
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Chaque jour dans la presse allemande se succèdent politiciens, financiers et commentateurs pour dire qu’ils en ont assez. Des voix s’élèvent aussi pour dire que la seule solution serait que l’Allemagne elle-même abandonne l’euro.

Par Richard North, depuis Bradford, Royaume Uni.

Selon Christophe Booker, chroniqueur au Sunday Telegraph, tandis que l’attention du pays se porte sur des futilités, un incroyable drame qui se joue en Allemagne est quasiment passé inaperçu ici – drame allemand qui augure un véritable séisme dans l’histoire de l’Union européenne.

En effet, les Allemands ont enfin porté leur regard sur l’abîme qui s’ouvre devant eux, du fait de tout cet argent qu’ils déversent dans les coffres de leurs partenaires de l’eurozone. Et dire qu’ils n’aiment pas ce qu’ils voient est un doux euphémisme.

Chaque jour, dans des journaux tels que Die Welt, Handelsblatt et Der Spiegel, se succèdent politiciens, financiers et commentateurs pour dire que, avec la Grèce sur le point de faire faillite, suivie de près par l’Espagne et l’Italie, trop c’est trop. La plupart d’entre eux affirment que l’on doit laisser la Grèce quitter l’euro, idée qui bénéficie d’un soutien populaire. Beaucoup aimeraient voir la sortie de l’Espagne, de l’Italie et d’autres encore.

Aussi, cette crise étant devenue désastreuse – un haut responsable politique estime le coût éventuel pour l’Allemagne à plus de 1000 milliards de dollars –, des voix s’élèvent maintenant pour dire que la seule solution pratique à ce gâchis serait que l’Allemagne elle-même abandonne l’euro. Ce n’est en rien une nouvelle idée, mais quand elle fait la première page de Handlesblatt, il y a le sentiment que nous avons passé le point de non-retour. Et avec le départ allemand, le reste de la zone euro se retrouverait à surnager ou couler avec une monnaie qui, sans le soutien de l’Allemagne, ferait face à une dévaluation massive.

Déclaration de l’homme d’affaires allemand Jens Ehrhardt en Une de Handelsblatt : « Deutschland muss aus dem Euro austreten » [L’Allemagne doit sortir de l’euro].
Telles sont les questions qui me préoccupent aujourd’hui (faites une recherche dans les archivesde mon blog avec le mot clé « eurocrash »), mais, comme le souligne Booker, le plus étrange dans cette crise est de constater qu’elle est peu évoquée en dehors de l’Allemagne.

Cependant, ne soyons pas trop médisant, les médias britanniques ne sont pas les seuls à déserter ce sujet. La plupart des médias européens – ainsi qu’aux États-Unis et dans le monde anglo-saxon – ont ignoré ce drame allemand qui a déclenché un raz-de-marée sans précédent d’articles hostiles à la monnaie unique. Cela s’explique en partie par le fait qu’il est masqué par l’écran de fumée mis en place par d’autres acteurs européens, notamment la Commission et la Banque centrale européenne, afin de promouvoir l’idée que « l’euro ne peut pas se permettre d’échouer ». En partie aussi parce que la question a été laissée aux économistes et au monde des affaires, qui comprennent peu la politique, et s’appuient beaucoup trop sur les analystes du marché, eux-mêmes peu au courant des enjeux et encore moins de l’histoire.

Sans une connaissance solide de l’histoire du projet, il est facile de tomber dans le panneau consistant à croire que la monnaie unique est un projet économique qui a mal tourné, au lieu de voir qu’elle est le symbole absolu du principal objectif du projet européen : souder les pays d’Europe en union fiscale et politique à part entière. En outre, quand on ne comprend pas les enjeux politiques, et le fait que le développement planifié nécessite un important renouvellement du traité avec un nouvel abandon massif des souverainetés nationales, il est facile de se laisser abuser par les signaux de marché.

Cependant, la probabilité qu’un tel traité soit ratifié est faible – car il faudrait un grand nombre de référendums, dont plusieurs seraient probablement perdus – et, certainement, ne pourrait intervenir dans les temps pour influencer le cours de la crise comme Otmar Issing l’a souligné dans un récent article. Surtout, un tel traité devrait être ratifié par l’Allemagne elle-même, et le mois prochain sa cour constitutionnelle jugera si l’étape préalable du MES n’est déjà pas en violation de ses lois qui interdisent toute cession de souveraineté à une puissance extérieure.

Mais ce n’est pas tout : Angela Merkel doit affronter une élection l’année prochaine et ne peut se permettre d’ignorer les sondages – qui disent que la grande majorité des Allemands en ont assez de renflouer leurs voisins qui font défaut indéfiniment. D’ailleurs, Mme Merkel elle-même admet que l’élection se jouera sur « l’Europe ».

Sans aucun doute dit Booker, c’est de loin la crise la plus grave que le « projet » n’ait jamais eu à surmonter. Mais c’en est une qui l’amène à se retourner sur lui-même de façon arrogante, avec toute la fatalité d’une tragédie grecque. Le pari pris dans les années 1990 d’imposer une monnaie commune sans créer d’abord l’union politique, sans laquelle elle ne pouvait fonctionner (comme cela était observé à l’époque), n’a tout simplement pas été payant.

Dans ce drame, la France est restée silencieuse, notamment son nouveau président François Hollande qui, le cas échéant, pourrait faire partie de ceux qui se tournent vers l’Allemagne pour un renflouement. Bien que le couple se réunisse cette semaine, le « moteur franco-allemand » de l’intégration semble être en train de mourir – et avec lui l’ensemble du projet qu’il porte depuis 50 ans.

Quant à nous Britanniques, en dépit de ceux qui affirment que l’Angleterre peut ouvrir la voie vers une sortie de la pagaille de l’UE, nos politiciens restent à l’écart, impuissants, largement ignorants des événements survenus en Allemagne, et complètement à côté du sujet.

Toutefois quand le crash surviendra, il nous tirera vers le bas, de même que dans les mois à venir, il fera la une des médias à travers le monde. Mais nos politiciens et la communauté européenne en toc seront les derniers à le réaliser – et seront totalement démunis pour faire face aux événements. Il se pourrait bien que la Grande-Bretagne soit le dernier pays à quitter l’UE, longtemps après que tous les autres membres soient partis, toujours obéissante à toutes les directives et les règlements et aux ordres de nos ministres envoyés à Bruxelles. Et le déclencheur le plus probable de l’effondrement sera l’Allemagne, un pays qui reconnaît enfin que l’adhésion à l’Union européenne est incompatible avec la démocratie et, contrairement au Royaume-Uni, semble vouloir y faire quelque chose.

—-
Sur le web.
Traduction : Raphaël Marfaux pour Contrepoints.

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  • Ce qui est surtout inquiétant pour la presse allemande, c’est de mettre en Une un branquignole comme Christopher Brooker, dont les erreurs, les propos erronés, le dénialisme et les théories conspirationistes sur plus ou moins fumeuses sur un peu tous les sujets ne sont plus à démontrer.

  • Je ne suis pas spécialiste de la politique allemande, mais si Merkel perd les prochaines elections, j’imagine que c’est face à la gauche, et j’imagine aussi que celle ci sera pour plus d’intégration , in fine pour la mutualisation des dettes. Est ce que les électeurs de droite allemands ont un autre choix que Merkel?

  • Je trouve très drôle l’analyse historique qui est faite de l’euro
    Les allemands, si prompts à se plaindre de renflouer leurs voisins se souviennent-ils de l’époque où les fameux voisins renflouaient leur économie ?
    Toujours dans la même optique… Merkel a une échéance éléctorale… économiquement parlant on s’en fout un peu non, c’est son problème
    La seule chose importante c’est de trouver comment solutionner cette crise et pas de savoir QUI va trouver la solution
    On se retrouve dans un monde ou le plus important n’est plus de trouver des solutions au problèmes… mais surtout de pouvoir dire « c’est MOI qui l’ai fait »

    • Vous devriez relire vos classiques, sieur Guillaume !

      Confondre le Plan du sénateur US « Marshall pour l’Europe » 1946-47 (qui nous poussa notamment les Trente Glorieuses) avec une aide des Etats européens à l’Allemagne se relevant de 20 ans de nazification, c’est comme de parler d’une contribution consentie par les Etats socialo-soviétisés d’Europe de l’Est à l’émancipation de leurs populations en matière de liberté et de D.H. jusqu’à 1989 !

      Semblerait que vous n’ayez jamais (ou guère) vécu proche des institutions U.E. et de leur « culture »? Relisez donc l’histoire du Benelux + celle de la CECA ?

      Faut aussi un peu connaître la mentalité allemande, en contraste avec celle du français moyen votant à gauche pour raisons d’assistanat économique ! Donc, v/maturité politique peut-elle s’ajuster avant de juger de manière partiale et/ou péremptoire ?

      Le nombrilisme exacerbé du français moyen l’empêche de voir les choses avec clarté, sans un parti pris déformant. Ça se remarquait encore dans le panel d’émission FR5 CdansL’air ce mercredi : fiers d’eux-mêmes et souverainistes, mais implorant la mère U.E. à la rescousse du couple Hollande-Ayrault & consorts en besoin de moyens issus de la manne Europe … désormais vidée !
      Sorry de la cruauté de mes regards, la lassitude ou le réalisme ?

  • Surprenant les commentaires. Cet article est au contraire tres interessant. Ca fait plus d’un an maintenant que des vois s’elevent pour dire que la situation que l’euro fait peser sur l’allemagne est catastrophique. Et que celle ci n’aura d’autre choix que de laisser tomber la monnaie. L’euro a deja cause la faillite technique des banques allemandes. Sur les 1000 milliards soulignes de creances allemandes sur ses voisins elles ne valent aujourd’hui que 500 milliards soit deux fois plus que la capitalisation des banques qui elles aussi ont vu fondre leurs valeurs boursieres. Impossibilite de se refinancer c’est l’etat allemand qui devra financer 500 milliards et ce sera encore plus cher de renflouer les autres pays. L’equation financiere pour l’allemagne en ce qui concerne la sortie de l’euro est plus interessante que rester. D’autant qu’a l’image de la France qui refuse de faire les reformes necessaires, aucune certitude que l’argent investi sera recupere un jour. La situation objective de la crise prouve que sans retour aux monnaies nationales toute l’europe s’effondrera massivement et il n’y a pas d’exemple dans l’histoire ou une telle crise ne se soit pas reglee en utilisant la monnaie. En 5 ans de crise maintenant si on avait fait exploser l’euro on serait deja en train de redemarrer au lieu de cela l’imbecilite des technocrates fait que l’on s’asfixie toujours un peu plus et qu’on alourdit le fardeau de cette dette. Ca fait 5 ans que rien ne marche pourquoi continuer ? Faut etre sacrement con. La sortie de l’allemagne est un salut pour tous. Car l’euro se devaluera et on pourra alors relancer la croissance et se donner du temps pour revenir aux monnaies nationales sans rentrer dans un marasme. Sortir par le bas est un suicide pour les pays. Les gens qui comme en France ou en allemagne reclame la sortie de la grece, espagne ou italie sont des salauds. Car c’est condamner des partenaires pour tenter de sauver nos meubleas sans assumer nos propres erreurs. Quand on voit le desastre faut lacher l’affaire fermer sa gueule, assumer ses erreurs et travailler pour reconstruire. Au bout d’un moment compter sur l’argent des autres en insultant ceux qui refusent de payer c’est minable a l’exemple de cette classe de fonctionnaires qui dirige la france et dont la seule realisation a ete de la piller. S’ils ne lachent pas l’affaire d’eux meme ils devront repondre quand tout s’effondrera

  • Je ne suis pas économiste, comme la grande majorité de nos cousins germains, mais il n’est pas difficile de comprendre qu’en quittant l’Euro ils se retrouveront avec un taux de change, avec ses principaux pays clients, difficile à encaisser.

    Et ainsi PSA ramenerai peut-etre en France la prod; qu’elle veut confier à Opel.

    • certes ils vont subir un petit choc de taux de change dans un premier temps, ce qui fera diminuer leurs exportations, mais aussi augmentera leur pouvoir d’achat à l’étranger, ce qui permettra un rééquilibrage entre l’Allemagne et ses voisins; cependant la force du mark leur permettra de faire encore plus de gains de productivité (puisqu’ils attireront préférentiellement les capitaux), et en plus ils pourraient s’ils trouvaient le mark vraiment trop fort défendre provisoirement un taux plancher face à l’euro comme la Suisse actuellement, mais je ne suis pas sûr que ce soit trop leur genre

  • André JAY
    La construction européenne reposait sur des règles (notamment celle des 3% -sauf erreur , interdiction de déficit supérieur à 3% du PIB ).
    Le nom respect de ces règles devait exclure les  » mauvais joueurs « .
    Si l’application de ces règles n’était pas possible , alors il fallait
    humblement admettre que l’UE était une fiction .
    La mutualisation n’est possible que si les économies sont au même
    niveau avec , notamment , réduction drastique des dépenses publiques.
    Certaines – la France notamment – sont incapables de cette réduction
    drastique . Les mesures Ayrault du 22 août en sont la preuve éclatante ..
    Mieux ou plutôt pire , certaines – dont toujours la France – accroissent la fiscalité , au lieu de la réduire considérablement et se détruisent .
    Dans un tel contexte , comment l’Europe pourrait-elle survivre ?

  • Si j’étais allemand, je serai à fond pour sortir de ce « machin » après en tant que cigale des pays de la roue libre j’en suis pas sûr 😉

    • Personnellement, je suis convaincu que les industriels Allemand, qui sont évidement très écoutés, vont tout faire pour que l’Allemegne ne sorte pas l’Euro afin de préserver leurs exportations !

      Hambourg pourrait voir ses usines AIRBUS partit vers Toulouses par exemple !

      • La balance commerciale n’est pas une fin en soi, c’est juste un indicateur de compétitivité relative. Or l’Allemagne a fait l’expérience du DM fort et régulièrement réévalué, les allemands savent d’expérience qu’une monnaie forte et régulièrement réévaluée n’est pas un problème, et c’est même un atout. Notamment parce que ça rassure les investisseurs, permet d’emprunter à bon compte et donc d’avoir du capital pas cher, donc une productivité croissante.

        Airbus est maintenant sous contrôle allemand et se délocalise … aux USA ! l’avenir n’est pas écrit mais vu l’ambiance en France actuellement, je ne parierais pas un kopeck sur Toulouse à horizon 20 ans.

        •  » je ne parierais pas un kopeck sur Toulouse à horizon 20 ans. »

          Toujours cette vision d’économiste financier, qui, bien que réelle ne prend pas tout en compte.
          Professionnellement, je chiffre des solutions intégrants des technos. d’origines divers, 60% viennent d’Allemagne,
          une chose est certaine, ce ne serait plus le cas si le change induit une augmentation de plus de 15%;
          Ceci bénéficierait mécaniquement aux concurents Européens et Asiatiques dopant leurs R&D pour occuper l’espace libéré.

          De ce principe, les industrilels Allemands en sont parfaitement conscients et ne le souhaitent pour rien au monde.

          Concernant Airbus, les Allemands ne décolèrent pas depuis que son nouveau patron (Allemand) souhaite rapatrier toute la R&D à Toulouses, déjà bien pourvue dans ce domaine.

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