Des dirigeants de Wal-Mart au Mexique auraient versé des millions en pots-de-vin à des bureaucrates mexicains. Mais quand on parle de pots-de-vin, on peut se poser la question : qui blâmer ? L’entrepreneur, ou le système pourri dans lequel il doit essayer de tirer son épingle du jeu ?
Par David Descôteaux, depuis Montréal, Québec.
Des dirigeants de Wal-Mart au Mexique auraient versé des millions en pots-de-vin à des bureaucrates mexicains. Pour obtenir des faveurs, notamment des permis de bâtir, afin d’accélérer la construction de magasins.
Le NY Times, qui a déterré l’histoire, parle de 24 millions de dollars, au milieu des années 2000. Wal-Mart aurait aussi versé des millions $ en dons politiques.
Mon ami imaginaire, cynique, me demande : doit-on crier au scandale ?
Oui, car la haute direction a tenté d’étouffer l’affaire. Alors qu’il s’agit de pratiques illégales, aux États-Unis comme au Mexique.
La corruption légale
Mais mettons de côté la tentative de camouflage, et parlons de la corruption au sens large. Je me pose une question. La même que se posait hier Timothy Carney, sur son blogue du Washington Examiner (traduction libre) :
Qu’est-ce qui est pire ? Que des dirigeants de Wal-Mart aient versé des pots-de-vin à des fonctionnaires mexicains pour obtenir des faveurs ? Ou qu’en Amérique, la situation ne diffère qu’à un certain degré — Wal-Mart qui embauche des lobbyistes possédant des contacts au gouvernement, et qui contribue à la caisse de politiciens locaux afin de pouvoir ouvrir des magasins et obtenir des faveurs ?
J’ai jeté un coup d’œil hier sur le site du Center for responsive politics, qui recense les contributions politiques des entreprises à Washington. Wal-Mart a contribué à la caisse de plus de 200 élus (démocrates ou républicains) depuis 2008. Deux cents ! En 2011 seulement, la multinationale a dépensé près de 8 millions $ en lobbying juste aux États-Unis. C’est le triple du montant de 2006 ! C’est dire à quel point l’argent prend une place grandissante dans le système politique américain. Et toujours en 2011, Wal-Mart a embauché, tenez-vous bien, 102 lobbyistes !
Pour finir, Wal-Mart compte 83 salariés « portes tournantes », comme les appelle le Center for responsive politics. Il s’agit d’anciens employés de l’État, qui traversent la rue pour travailler comme lobbyistes, consultants ou « stratégistes » pour des grandes firmes (il en existe aussi beaucoup au Québec et au Canada).
C’est malheureusement le modus operandi d’un tas d’entreprises aux États-Unis. Que ce soit Wal-Mart, General Electric, ou des grandes banques.
Ce n’est pas un peu scandaleux, ça aussi ? Qui oserait croire que tout cet argent et ces contacts — que les petites entreprises peuvent difficilement se payer — n’influencent pas les décisions des politiciens ? Est-ce si différent de ce qui s’est passé au Mexique ? Un système est légal, l’autre pas…
Un jeu pourri
Facile de blâmer Wal-Mart. Et je ne les défends pas ici. Une certaine controverse entoure son expansion au sud des États-Unis — Wal-Mart emploie déjà 209 000 personnes au Mexique. Allégations de passe-passe comptable pour éviter de payer des impôts aux gouvernements locaux, de non-respect des lois du travail, salaires de misère, etc.
Mais quand on parle de pots-de-vin, je me pose la question : qui blâmer ? L’entrepreneur, ou le système pourri dans lequel il doit essayer de tirer son épingle du jeu ?
Ici, quand on entend les allégations entourant l’industrie de génie-conseil et de la construction, qui doit-on blâmer ? L’entrepreneur qui donne, ou le fonctionnaire ou politicien qui exige, et/ou reçoit ?
Bref, si on veut un jour vaincre ce cancer, c’est aux règles du jeu qu’il faut s’attaquer. Les règles de lobbying, le financement des partis, oui. Mais aussi, le rôle de l’État dans l’économie. Je ne suis pas convaincu que c’est en donnant encore plus de pouvoir aux politiciens ou aux fonctionnaires, ou en leur permettant de dépenser encore plus d’ « argent des autres », qu’on va régler quoi que ce soit.
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Sur le web.
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